Atteindre 100% d’électricité renouvelable est aujourd’hui impossible

19 novembre 2019

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Parc Solaire
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Atteindre 100% d’électricité renouvelable est aujourd’hui impossible

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La ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, a tancé il y a quelques jours le patron d’EDF, Jean-Bernard Lévy, en lui demandant de travailler sur un scénario de production d’électricité d’origine 100% renouvelable. Une déclaration remarquée mais une hypothèse irréaliste à la fois techniquement, économiquement et socialement. En outre, le gain serait […]

La ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, a tancé il y a quelques jours le patron d’EDF, Jean-Bernard Lévy, en lui demandant de travailler sur un scénario de production d’électricité d’origine 100% renouvelable. Une déclaration remarquée mais une hypothèse irréaliste à la fois techniquement, économiquement et socialement. En outre, le gain serait inexistant pour le climat en terme d’émission de CO2 puisqu’il revient à remplacer du nucléaire, qui en émet peu, par des renouvelables qui en émettent peu.

L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a bien publié à la fin de l’année dernière une étude, sur le passage d’ici à 2060 en France à 100% d’électricité renouvelable. Cela ne rend pas pour autant cette hypothèse crédible ou réaliste d’autant plus que le scénario de l’Ademe est très contesté.

Il suffit juste de constater les difficultés rencontrées par le modèle allemand du tout renouvelable, l’Energiewende. Depuis le début de l’année, l’Allemagne est parvenue à produire 46% de son électricité avec des renouvelables (éolien, solaire, hydroélectrique et aussi beaucoup de biomasse), un record. Mais en dépit de centaines de milliards d’euros d’investissements, l’Allemagne n’arrive plus à réduire ses émissions de CO2. De plus, il y a aujourd’hui dans le pays une véritable révolte contre les éoliennes.

Deux obstacles majeurs au tout renouvelable ne peuvent pas être effacés d’un trait de plume, même par un ministre en quête d’autorité et de popularité: leur caractère intermittent (solaire et éolien) et la difficulté technique et économique du stockage de l’électricité dite propre quand elle est abondante.

Des hypothèses difficiles à justifier

Comme le montre notamment une tribune récente de Bertrand Cassoret, Maître de Conférences à l’Université d’Artois, publiée par Le Monde de l’énergie, l’étude de l’ADEME s’appuie sur des hypothèses contestables pour tenter de rendre son modèle moins bancal. Elle a cherché avant tout à démontrer, sans y parvenir, que la France peut se passer à la fois du nucléaire et des énergies fossiles. Voilà pourquoi il n’y avait pas de comité scientifique derrière cette étude et pourquoi la plupart des hypothèses retenues sont difficiles à justifier…

Dans son scénario «de référence», le postulat de l’Ademe est celui d’une baisse de la consommation d’électricité en France à 422 TWh par an contre 440 TWh en 2018. Un objectif d’autant plus difficile à réaliser que la consommation française d’électricité est stable depuis plus de 10 ans, que la population va continuer à augmenter, que l’Ademe considère qu’il devrait y avoir dix millions de véhicules électriques sur les routes et que la transition énergétique doit se traduire par une électrification massive des usages.

La seule consommation des dix millions de véhicules représenterait au moins 30 TWh par an. Il resterait donc pour les usages actuels individuels et industriels moins de 392 TWh, une baisse de 11% par rapport à la consommation d’aujourd’hui.

Et l’objectif essentiel, réduire les émissions de gaz à effet de serre, semble perdu de vue. Dans son scénario 100% renouvelables, l’Ademe reconnait même la nécessité d’importer de l’électricité depuis l’étranger, 35TWh, qui ne seraient pas produits par des renouvelables car il devraient être «pilotables» c’est-à-dire, mobilisables à la demande. L’Ademe écrit que «la majorité des imports exploite la flexibilité fossile des systèmes électriques des voisins».

L’Ademe fait également le pari, indispensable, d’une augmentation considérable des capacités de stockage de l’électricité éolienne et solaire quand elle est abondante. Mais le stockage par batteries est aujourd’hui une vue de l’esprit. Non seulement le bilan environnemental des batteries lithium-ion est problématique, mais il en faudrait des millions de tonnes.

Une autre solution mise en avant par l’Ademe consiste à augmenter le nombre de STEP (lacs artificiels, barrages qui permettent de stocker indirectement de l’électricité en pompant de l’eau du bas vers le haut)… sans qu’il soit précisé où seraient construites les nouvelles et immenses retenues d’eau. Bertrand Cassoret rappelle, par exemple, la forte opposition des écologistes à la construction du seul barrage de Sivens.

Une autre forme de stockage, plus prometteuse, est le «power to gas», c’est-à-dire la transformation de l’électricité en gaz, notamment en hydrogène. Ce dernier est ensuite à nouveau transformé en électricité dans un véhicule ou une centrale. Cette technique est appelée à se développer, mais reste aujourd’hui avant tout théorique.

Couper le chauffage et arrêter les TGV quand il n’y a plus de vent

Plus contestables encore, sont les hypothèses de développement de l’éolien, dont la production serait de 303 TWh par an. La production éolienne ayant été en France de 28TWh en 2018, il faudrait donc, selon l’Ademe, 7 fois plus d’éoliennes avec un facteur de charge particulièrement optimiste de l’éolien terrestre de 31% alors qu’il n’est actuellement en moyenne en France que de 21%. Le facteur de charge est le rapport entre la puissance moyenne réelle et la puissance installée. Il tient compte de la réalité du vent. La puissance éolienne installée devrait passer à 96 GW contre 15 GW en 2018. On a installé en France environ 1,5 GW par an ces dernières années. Il faudrait donc tripler la cadence d’installation avec ce que cela représente en terrains à obtenir et en quantité de matériaux (acier, aluminium, béton…).

Mais l’hypothèse la moins réaliste de toute est celle dite des reports de consommation (60 TWh) des usines, du chauffage des habitations, du chauffage de l’eau ou de l’usage des appareils électroménagers. En fonction de la présence de vent et de soleil, les utilisateurs d’électricité différeraient dans le temps leur consommation lorsque la production serait insuffisante. L’Ademe considère que sont «flexibles» 55% des consommations industrielles, 56% des consommations d’électroménager, 75% du chauffage, et 80% des recharges de véhicules électriques. Faudra-t-il couper le chauffage et arrêter les TGV et les métros sur les voies quand le vent faiblit?

De fait, l’étude de l’Ademe n’est pas considérée comme sérieuse par la plupart des observateurs. L’académie des Technologies écrivait, par exemple, que «les conclusions de l’étude de l’Ademe doivent être prises avec la plus grande prudence». Elles sont affectées par «de nombreuses erreurs de méthodes et des contradictions». Elles «ne devraient en aucun cas servir de base à des décisions de politique publique». Manifestement, Elisabeth Borne n’a pas lu cette recommandation.

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