EDF et Veolia, le numéro un mondial du nucléaire et le premier groupe de services à l’environnement, ont annoncé il y a quelques jours la création d’une coentreprise baptisée Graphitech. Elle aura pour objet unique de démanteler les plus vieux réacteurs nucléaires français dits au graphite. Ils ont été lancés entre 1956 et 1972 et ne sont plus en activité après avoir été arrêtés entre 1973 et 1994. Mais ils n’ont jamais été complètement démantelés. Il existe dans le monde une soixantaine de réacteurs nucléaires fonctionnant avec cette technologie.
«La déconstruction des réacteurs graphite est complexe en raison de leur conception (empilement de couches de graphite à l’intérieur du réacteur) et du volume de matériaux à évacuer», expliquent EDF et Veolia. Ils ajoutent que Graphitech «aura en charge des développements technologiques et des études d’ingénierie, nécessaires à la préparation du démantèlement». Les travaux de démantèlement dans lesquels se lance Graphitech pourraient s’étaler jusqu’à la fin du siècle.
La nouvelle société commencera par travailler sur la centrale de Chinon (Indre-et-Loire). Les trois réacteurs de Chinon faisaient partie, avec les deux tranches de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) et celle de Bugey (Ain), de la filière française dite «UNGG» (uranium naturel graphite gaz), abandonnée en 1969 au profit de la technologie de l’américain Westinghouse (eau légère pressurisée) ou REP. On voit sur la photographie ci-dessus de la centrale de Chinon, les deux types de réacteurs, les trois premiers en partant de la gauche sont des UNGG et les deux derniers des REP.
Des robots pour intervenir au coeur des réacteurs
Les réacteurs de type UNGG avaient pour avantage de ne pas nécessiter d’enrichissement de l’uranium et avaient pour inconvénients de nécessiter des installations de refroidissement importantes et de ne pouvoir atteindre des puissances très élevées. Ils n’avaient pas non plus d’enceintes de confinement.
Graphitech devra fournir à EDF, en 2028, «un scénario optimisé» pour le réacteur de Chinon A2, arrêté en 1985, et «proposer un programme d’essais qui permettra de tester les solutions technologiques nécessaires à la réalisation des opérations». Les deux partenaires espèrent que ces solutions pourront être appliquées aux cinq autres réacteurs français et même au 55 autres du même type qui se trouvent au Japon, au Royaume-Uni. en Espagne, en Italie et en Lituanie. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) exige que «les opérations de démantèlement des caissons des cinq autres réacteurs débutent au plus tard en 2055.»
EDF a déjà commencé des travaux sur ces sites. «Le combustible, qui représentait la quasi-totalité du risque, a été évacué», explique l’ASN. Veolia apportera notamment à Graphitech son savoir-faire sur le démantèlement et l’assainissement des sites industriels dangereux, comme les usines Seveso. Et, plus récemment, des installations nucléaires comme celles de Marcoule (Gard), site historique de production du plutonium militaire, et de Cadarache (Bouches-du-Rhône). Veolia a une expérience importante en matière de robotique pour «concevoir et réaliser des solutions innovantes» permettant d’accéder au cœur des réacteurs UNGG et de découper et d’extraire les composants dans des conditions de sûreté et de sécurité.