Depuis une dizaine de jours, la France vit au rythme du remplissage des cuves des stations-service. Or, si la moindre pénurie locale de gazole suffit à attirer l’attention des médias, le monde de la production électrique est lui beaucoup plus discret. Ainsi, la grève en cours depuis le 29 septembre dernier déjà n’avait pas déclenché plus que quelques entrefilets. Et cela en dépit d’un impact notable sur la production nucléaire avec des baisses sur certaines tranches, mais aussi et surtout sur des retards dans la maintenance des tranches à l’arrêt repoussant leur retour sur le réseau.
L’exemple des raffineries
Mais le coup de projecteur jeté par les salariés des raffineries sur le secteur de l’énergie a maintenant changé la donne. Et par une communication opportuniste, la CGT, qui représente 40% des salariés aux dernières élections salariales, a profité de l’exposition médiatique pour relancer un mouvement qui semblait s’essouffler. Les salariés ont ainsi voté la grève tout d’abord à la centrale de Gravelines, quasi immédiatement suivis par ceux des centrales de Cruas, de Tricastin et de Bugey. Côté revendications, ce sont les mêmes que dans les raffineries : des augmentations salariales significatives afin de couvrir les effets de l’inflation.
La comparaison s’arrêtera là. Si les salariés de Total ont déjà obtenu 3,5% d’augmentation moyenne sur l’année 2022 et ont sur la table une proposition (déjà acceptée par certains syndicats) d’augmentation complémentaire de 7% pour janvier 2023 en plus de primes exceptionnelles, l’ambiance n’est pas la même chez EDF.Ainsi, selon le projet d’accord de branche soumis aux syndicats le 6 octobre dernier et que nous avons pu consulter, il est prévu une augmentation de 1% rétroactive au premier juillet puis 2,3% au premier janvier 2023.
Impact sur le redémarrage des réacteurs à l’arrêt pour maintenance
Les organisations représentatives du personnel (CGT – CFE Energies – CFDT – FO dans l’ordre de représentativité) ont jusqu’à ce lundi 17 octobre pour se prononcer sur ce protocole d’accord, mais il y a fort à parier que le compte n’y sera pas et que la direction devra revoir sa copie.
En attendant, les impacts de cette grève se font sentir. Si, ce matin seuls les réacteurs de Gravelines 1 et Cattenom 2 tournaient à charge réduite à cause de ce mouvement social, l’impact le plus important ne touche pas les tranches en fonctionnement. Un réacteur en fonctionnement étant soumis à certains impératifs, une baisse trop forte de charge entraînerait une réaction immédiate de RTE et une réquisition du personnel nécessaire.
Mais tout le monde sait maintenant que la sécurité d’approvisionnement électrique de cet hiver dépend de la capacité d’EDF à assurer le redémarrage d’un maximum des réacteurs actuellement à l’arrêt pour cause de maintenance ou pour cause de corrosion sous contrainte.
Ce sont ces réacteurs, actuellement à l’arrêt, que la grève touche particulièrement perturbant inexorablement le planning de redémarrage de ceux-ci. Or les premiers froids arrivent. EDF n’avait vraiment pas besoin de ce climat social explosif et de nouveaux retards.
En espérant que, pour la sécurité d’approvisionnement d’un pays entier, chacune des parties prenantes à ce dossier fasse preuve de responsabilité.