EDF devrait bénéficier très prochainement d’une augmentation de capital supérieure à 2 milliards d’euros, a rapporté jeudi 17 février le journal Les Echos. Affaibli au cours des derniers mois par une baisse sans précédent du niveau de disponibilité du parc nucléaire et par une contribution exceptionnelle du groupe pour permettre au gouvernement de tenir ses promesses et de limiter à 4% la hausse des tarifs réglementés de l’électricité pour les particuliers, EDF devrait bénéficier d’une renforcement indispensable de ses fonds propres. Notamment parce que sa dette dépasse largement 50 milliards d’euros (si on tient compte de l’émission pour près de 10 milliards d’euros de titres hybrides) pour un chiffre d’affaires de 69 milliards d’euros. L’Etat redonne ainsi en partie… mais seulement en partie, ce qu’il prend de l’autre.
Victime de considérations électorales
Car rappelons que la contribution d’EDF à la réduction de la facture d’électricité des particuliers devrait coûter au groupe public entre 7,7 milliards et 8,4 milliards d’euros. Elle se traduit notamment par l’obligation pour EDF de vendre à perte et à ses concurrents une plus grande quantité d’électricité nucléaire… tout en en achetant au prix fort sur le marché de gros européenne. L’électricien public est ainsi une fois de plus victime de considérations purement politiques voire électorales. Sa situation difficile, financière et industrielle, tient pour une bonne part aux injonctions contradictoires qu’il reçoit de l’Etat depuis deux décennies.
Ce dernier, qui détient 83,9% du capital de l’énergéticien, devait intervenir d’urgence. Depuis son introduction en Bourse en 2005, le titre EDF a abandonné 70% et avait perdu le 14 janvier jusqu’à 25% en séance après l’annonce par le gouvernement des nouvelles contraintes qu’il impose à l’entreprise.
Une augmentation de capital modeste
L’Etat va donc procéder à renforcement rapide mais en fait relativement modeste des fonds propres du groupe, via un apport d’un peu plus de 2 milliards d’euros. Cela représente environ 7,5% de son capital. Cette mesure d’urgence a pour objet de restaurer une certaine confiance dans EDF et plus encore dans le soutien que l’entreprise bénéficie de l’Etat actionnaire. Il est indispensable pour permettre à EDF de faire face à un véritable mur d’investissements à la fois pour prolonger la durée de vie du parc existant de 56 réacteurs et pour en construire de nouveaux (14 EPR) dans les 30 prochaines années.
Les Echos précisent que «formellement, la décision n’est pas encore prise, le conseil d’administration du groupe public ne s’étant pas encore prononcé sur cette proposition de l’Etat». De ce fait, les modalités de l’augmentation de capital ne sont pas encore connues.
EDF, qui publie ses résultats pour l’exercice 2021 vendredi 18 février avant l’ouverture du marché boursier, a déjà prévenu que ses résultats en 2022 seront lourdement impactés. Ils le seront à la fois par les mesures annoncées par le gouvernement pour limiter la hausse des prix de l’électricité ainsi que par l’arrêt ou le prolongement de l’arrêt d’un nombre important de réacteurs affectés par la découverte préoccupante de problèmes de corrosion. Ils pourraient nécessiter à chaque fois des travaux importants, longs et coûteux.
Une épidémie de corrosion et d’arrêt de réacteurs
Un premier cas de corrosion a été détecté sur le réacteur numéro 1 de la centrale de Civaux (Vienne, 1.450 MW, le type le plus récent du parc français) en octobre 2021. Il a déclenché des arrêts imprévus ou le prolongement d’arrêts prévus pour le deuxième réacteur de Civaux, les deux de Chooz (Ardennes, eux aussi de 1.450 MW), ainsi que celui de Penly 1 (Seine-Maritime) qui est, lui, d’un type plus ancien, de 1.300 MW. Pour tous ces réacteurs, le problème concerne le circuit d’injection de sécurité, un circuit annexe du circuit primaire principal des réacteurs. Mais des recherches de corrosion sont également menées sur un autre circuit, le circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt.
La liste des réacteurs qui feront l’objet de contrôles et d’arrêt a été étendue le 8 février, à Bugey 3 (Ain), Flamanville 1 et 2 (Manche) dans le cadre d’arrêts programmés, et à Chinon 3 (Indre-et-Loire), Cattenom 3 (Moselle) et Bugey 4, dans le cadre d’arrêts spécifiques. L’analyse par ultrasons nécessitera au moins pour chaque réacteur un arrêt de 5 semaines.
Tout cela a ramené la prévision de production d’électricité d’EDF en 2022 à son plus bas niveau depuis 30 ans…. Au moment même où les prix de l’électricité flambent et les risques de pénuries en Europe et en France grandissent. Et il faut y ajouter l’énième report de la mise en service de l’EPR de Flamanvile, un chantier désastreux qui cumule les retards, les dépassements de coûts et les malfaçons.
Inquiétude des agences de notation
De quoi nourrir un peu plus les craintes du Pdg d’EDF, Jean-Bernard Lévy. Le 29 juillet dernier en présentant les résultats semestriels de l’entreprise, il mettait en garde. «Notre court terme est assuré, notre moyen et notre long terme ne le sont pas…». L’agence de notation Fitch a récemment abaissé la note de crédit d’EDF de A- à BBB+, et a placé, tout comme Moody’s une autre agence, EDF sous une perspective négative. Cela complique la tâche du groupe pour lever des fonds sur les marchés. Et le groupe en a un besoin urgent.
La semaine dernière, il a signé un accord avec General Electric pour l’acquisition d’une partie de l’activité nucléaire de GE Steam Power, notamment les turbines à vapeur Arabelle. Au moment même ou Emmanuel Macron a annoncé le renouvellement du parc nucléaire français avec la construction de 14 nouveaux réacteurs de nouvelle génération
EDF, il faut s’en souvenir, a été le premier électricien mondial et le premier exportateur d’électricité de la planète. Il a été l’un des grands succès français technique et économique des Trente Glorieuses. Cette entreprise a fourni à tout le pays une électricité abondante et bon marché et en a fait un atout de sa compétitivité industrielle. Elle est aujourd’hui très affaiblie financièrement comme industriellement et ne peut pas être, en l’état, l’artisan indispensable en France de la transition énergétique.