<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Diesel: l’embargo sur les importations russes devrait provoquer une flambée des prix

20 janvier 2023

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : gazole-essence-diesel wikimedia commons
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Diesel: l’embargo sur les importations russes devrait provoquer une flambée des prix

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L’Europe va devoir se passer à partir du 5 février des importations russes de carburant diesel. Un embargo qui conjugué avec la baisse actuelle des températures et la grève des raffineries en France devrait se traduire par une augmentation sensible des prix du gazole à la pompe, voire même des risques de pénurie. Le problème de fond est celui d’un manque de capacités de raffinage en Europe, faute d’investissements depuis des années dans cette activité décriée et peu rentable. Résultat, l’Europe importe 1,2 million de barils de diesel par jour, dont la moitié environ venait de Russie. Le diesel représentait l'an dernier 73,5% de la consommation française de carburants routiers.

Entre la grève des raffineries, le retour de températures basses qui fait augmenter la consommation de fioul domestique et surtout à compter du 5 février l’embargo européen sur les produits pétroliers russes, le carburant diesel va devenir une denrée rare et chère.

Il faut dire que la Russie est depuis plusieurs années tout simplement le plus important exportateur de diesel vers l’Union européenne avec 600.000 barils par jours, soit 220 millions par an selon les chiffres de Vortexa. L’approche de la date fatidique du 5 février explique l’accélération soudaine des importations de diesel russe. Depuis début janvier, l’Europe a ainsi importé 770.000 barils de diesel russe par jour. Les stocks européens de diesel auraient ainsi atteint leur plus haut niveau depuis un an et demi. Mais cela ne sera pas suffisant… Le problème de fond est celui d’un manque de capacités de raffinage en Europe et même aux Etats-Unis, faute d’investissements depuis des années dans cette activité décriée et peu rentable. Résultat, l’Europe importe 1,2 million de barils de diesel par jour, dont la moitié environ venait de Russie.

Et ce carburant est tout simplement indispensable. S’il se vend aujourd’hui en France et dans toute l’Europe de plus en plus de voitures électriques et bien plus de véhicules neufs à moteur essence et hybrides que diesel, ce carburant représente encore un poids écrasant de la consommation. Compte tenu de son rôle exclusif dans le transport routier, l’agriculture et le BTP et du parc considérable de voitures à motorisation diesel, ce carburant représentait encore l’an dernier 73,5% de la consommation française totale de carburants routiers.

Pas de signes de panique

«La perte des barils russes est énorme, et les remplacer sera un immense challenge», souligne Keshav Lohiya, de la firme Oilytics interrogée par l’agence Bloomberg«Mais le marché ne montre pas de signes de panique et les flux commerciaux ont prouvé leur résilience. Il y aura de nouvelle routes pour le diesel.»

Il faudra donc remplacer les importations russes par d’autres importations. Le problème en Europe et même aux Etats-Unis est structurel. Le pétrole ne manque pas, mais les capacités de raffinage n’ont cessé de diminuer faute d’investissements depuis de nombreuses années. La pandémie n’a rien arrangé. Les confinements de 2020 ont fait s’effondrer un temps la demande et les raffineurs en ont profité pour fermer les installations les plus anciennes, les moins profitables et les plus polluantes. Depuis 2020, les capacités de raffinage en Europe et aux Etats-Unis ont diminué de plus d’un million de barils par jour. Et dans le reste du monde, les installations ont tardé à redémarrer et les investissements ont aussi été limités.

Un manque criant de capacités de raffinage faute d’investissements

Voilà pourquoi depuis 2021 des pénuries de gazole ou diesel se sont fait sentir dans plusieurs régions du monde. La Chine avait même instauré à la fin de l’année 2021 un régime de restrictions, pas plus de 100 litres par jour par camion. Et au mois de mars et avril 2022, plusieurs pays européens ont frôlé la pénurie, au point pour le Royaume-Uni d’envisager un temps d’établir un système à la chinoise. Finalement, l’alerte est passée, mais le problème de fond n’a pas disparu.

Tout simplement parce qu’on ne peut pas augmenter la proportion de diesel qui sort des raffineries et qu’en construire une demande des années. La raison en est simple, une raffinerie peut se comparer sommairement à une grande distillerie. On met du pétrole brut dans une immense cuve et on la chauffe. A 20°C, la cuve commence à dégazer, ce qui permet de récupérer les gaz: propane, butane et le futur GPL. Vers 150 à 200°c sortent les vapeurs qui condensées donnent les essences. D’abord les naphtes, pour la pétrochimie, puis l’essence proprement dite. Vers 300°C montent alors les huiles: le kérosène pour les avions, le gazole pour les moteurs diesel, et le fioul domestique. Il ne reste à la fin que les bitumes avec lesquels nous fabriquons les routes. Selon les «qualités» du pétrole brut, plus ou moins léger, le gazole représente en moyenne 21% de la masse du pétrole brut (45% pour l’essence). Et on ne peut pas faire beaucoup mieux.

De nouveaux fournisseurs à des prix plus élevés

Cela signifie qu’après le 5 février, les Européens devront trouver de nouveaux fournisseurs: les pays du Moyen-Orient, l’Inde, les États-Unis, la Turquie ou la Chine. Il se pourrait d’ailleurs bien que ce diesel vienne directement ou indirectement de Russie… Une nouvelle illustration de l’inefficacité des sanctions. Une partie du diesel importé par l’Europe pourrait déjà provenir du pétrole russe, acheté par l’Inde, par exemple, puis raffiné et réexpédié vers l’Europe. Cela pourrait aussi être directement du diesel russe qui ferait le tour du monde avant de nous revenir. Il est à peu près impossible de suivre à la trace les produits pétroliers. La Turquie pourrait jouer un jeu de ce genre. N’étant pas membre de l’Union Européenne, elle pourrait décider d’importer massivement le diesel russe en surplus à prix cassés, et d’exporter soi-disant ses propres produits raffinés vers l’Europe…

Il y a et aura aussi des importations supplémentaires des Etats-Unis même si ces derniers souffrent aussi d’un manque  de capacités de raffinage. En tout cas, le mois dernier quelque 660.000 tonnes de gazole sont parties des ports américains vers l’Europe.

Toujours la Chine

Mais la clé de notre approvisionnement futur en diesel se trouve, sans surprise, en Chine. Le diesel sorti des raffineries chinoises, dont les exportations sont déjà en nette hausse, pourrait alimenter les marchés asiatiques voisins et libérer des flux pour l’Europe ou le reste du monde. «Tout repose en fait sur la politique chinoise, prévient Mark Williams, analyste de Wood Mackenzie interrogé par le TimeLe pays a la clé pour tous les surplus de raffinage dans le monde… Ses capacités d’exportations de diesel dans les six prochains mois sont d’environ 400.000 à 600.000 barils par jour». De quoi remplacer ce qui ne viendra plus de Russie.

Il y a une certitude, le diesel coûtera plus cher. S’il vient de plus loin ou fait des allers-retours entre la Russie, son raffineur et ses clients européens, les tarifs ne peuvent que s’envoler. Il faut une semaine pour qu’un cargo arrive de Russie, il en faut parfois huit pour qu’il arrive de Chine, à un coût forcément supérieur. La très forte volatilité constatée sur le marché du diesel devenu spéculatif depuis 2021 ne devrait pas disparaître, au contraire. Sur un an, les cours du pétrole brut (qualité Brent) ont baissé d’environ 3%, et sur les marchés de gros ceux de l’essence ont légèrement augmenté de 2% tandis que les prix du diesel se sont envolés de 21%…

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