Il s’agit d’un élément considéré comme indispensable dans la plupart des scénarios et stratégies de décarbonation de l’économie et plus particulièrement de la production d’énergie. Parvenir au graal de la neutralité carbone en 2050 nécessite un développement majeur de l’usage de la biomasse.
Celle-ci peut prendre différentes formes. Celle du bois-énergie pour décarboner les centrales fonctionnant aujourd’hui au charbon, ce qui est envisagé à Cordemais en Loire-Atlantique et Emile Huchet en Moselle. Celle du biogaz issu de la méthanisation mais aussi celle de biocarburants notamment pour l’aviation ou celle de biomasse liquide pour remplacer le fioul comme cela est envisagé en Corse pour la centrale thermique de Lucciana.
Choisir entre d’un côté l’agriculture vivrière et les forêts et de l’autre la production de biomasse
Toutes ces formes de la biomasse ont une chose en commun. S’il s’agit bien d’énergies renouvelables car issues de la production agricole ou sylvicole, leur disponibilité dépend de la capacité de la nature à produire la matière première en quantité suffisante. Or, cette capacité est problématique et se heurtent à de nombreuses limites.
Certains alertent déjà sur la concurrence entre agriculture vivrière et cultures dédiées à la production de biomasse. D’autres font remarquer à juste titre que compter sur la forêt comme un puits de carbone afin de réduire nos émissions nettes va à l’encontre de l’objectif d’augmentation du rendement de la filière bois.
Le chauffage au biogaz ou au bois est une impasse
Pourtant, cela n’empêche pas certains d’imaginer verdir l’ensemble du gaz en le remplaçant par du biogaz issu de la méthanisation, dans le but de défendre les chaudières gaz. Qu’importe que le gisement de biogaz soit largement inférieur aux besoins actuels en termes de chauffage. Qu’importe qu’il soit absurde d’utiliser un gisement aussi rare que précieux tel que le biogaz dans un usage aussi facilement substituable que le chauffage.
Qu’importe aussi, concernant le chauffage bois, que celui-ci soit la première source de pollution aux particules fines en France, et que son développement aille à l’encontre des mesures de santé publique visant à améliorer la qualité de l’air pour réduire notamment le nombre de maladies pulmonaires.
En finir avec les solutions fantaisistes
Après l’opposition idéologique au nucléaire, et la longue incapacité à ouvrir les yeux sur l’augmentation inéluctable de la consommation électrique, cette question reste un tabou à part entière. Et chacun en profite pour défendre ses intérêts. Il est pourtant plus que temps pour le pouvoir politique de définir une stratégie claire.
Le vivier de chacune des bioénergies est maintenant bien connu. Chacune doit être mise en face des usages les plus pertinents correspondant à ses qualités et à son potentiel réel.
Le biogaz se verrait ainsi attribuer un rôle de décarbonation de certains process industriels ne permettant pas en l’état actuel de la technologie d’être électrifiés. On peut par exemple penser à la production d’ammoniac, fortement consommatrice de méthane.
La filière bois se verrait attribuer des objectifs réalistes… tenant compte des préoccupations concernant les particules fines et le besoin de conserver nos puits de carbone à un bon niveau.
Gageons que ce sera le prochain retour sur terre et qu’il sera salutaire. Et dès lors, l’installation de chaudières à pellets ou de poêles à bois sera beaucoup moins favorisée. On peut rêver.
Philippe Thomazo