<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le découplage énergétique des Etats baltes avec la Russie marque la fin d’une époque

10 février 2025

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Le découplage énergétique des Etats baltes avec la Russie marque la fin d’une époque

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Trois ans après l’invasion de l’Ukraine, les liens de dépendance énergétiques entre l’Europe et la Russie ont presque disparu. Même les Etats baltes (Estonie, Lettonie et Lithuanie) viennent de couper ce week-end, dix mois avant la date prévue, le cordon ombilical électrique qui les reliait encore à Moscou 35 ans après leur indépendance. Cette situation, notamment la fin des achats massifs de gaz naturel, n’est pas sans poser des problèmes aux deux entités : de coût de l’énergie et de compétitivité pour les Européens et de recettes de devises à la Russie.

Pendant des décennies, l’Europe et la Russie ont construit une relation d’interdépendance construite sur l’énergie et plus particulièrement le gaz naturel. Les exportations russes de gaz de plus en plus importantes au fil des années ont permis à l’Europe de l’Est et de l’Ouest d’accéder à une source d’énergie abondante et bon marché pour alimenter leur industrie et le chauffage de leur bâtiment avec un calcul politique, mis en avant sans cesse à Berlin comme à Bruxelles, qui consistait à aligner ainsi les intérêts européens et ceux de Moscou.

La Russie a retiré de ses exportations de gaz à l’Europe des avantages financiers, des recettes garanties de devises, et politiques, un moyen de faire pression sur les pays de l’Est très dépendants et de circonvenir et même « corrompre » la classe politique à l’ouest, notamment allemande.

Le chantage russe n’a finalement pas fonctionné

Moscou avait des mois avant l’invasion de l’Ukraine en février 2022 préparé le terrain en réduisant nettement ses exportations de gaz vers l’Europe et notamment en limitant celles transitant par l’Ukraine et la Pologne. Il s’agissait à la fois de fragiliser l’Europe et de la rendre plus dépendante des approvisionnements russes et de limiter l’impact d’une invasion de l’Ukraine sur les fournitures de gaz. C’est ce que démontre notamment une étude de l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques réalisée par les équipes de l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques).

Mais la stratégie du chantage n’a finalement pas fonctionné. Du fait des sanctions occidentales contre la Russie et plus encore du sabotage des gazoducs NordStream 1 et NordStream 2 qui a rendu la coupure du lien, au sens physique, irrémédiable. L’arrêt le 31 décembre dernier de la dernière liaison par gazoduc avec l’Europe traversant l’Ukraine et la coupure le week-end dernier du cordon ombilical électrique par les Etats Baltes, dix mois avant la date prévue, sont les dernières étapes de cette évolution majeure.

Mais cette situation n’est pas sans créer des problèmes économiques et politiques à l’Europe et à la Russie. Moscou y a perdu des recettes en devises importantes et un moyen de pression sur l’ensemble des pays européens. Pour l’Europe, les coûts de l’énergie ont fortement augmenté ce qui affecte la compétitivité de son industrie et elle est contrainte de s’approvisionner massivement en GNL (Gaz naturel liquéfié), notamment auprès des Etats-Unis et du Qatar. Sa sécurité d’approvisionnement reste compliquée et cette année, un hiver plus rigoureux que les précédents a fait rapidement baisser les réserves de gaz. Elles sont tombées au cours des derniers jours sous les 50%.

Un évènement symbolique 35 ans après l’indépendance des Etats baltes

Les trois Etats baltes (Estonie, Lettonie et Lithuanie), autrefois membres de l’Union soviétique et qui maintenant font partie de l’Union européenne et de l’Otan, se sont raccordés dimanche 9 février, 35 ans après leur indépendance, via la Pologne au système électrique européen. Ils ont coupé leur liaison électrique avec la Russie la veille, le 8 février. Ils n’achètent ainsi plus de gaz et plus d’électricité à la Russie. Si l’électricité venait à manquer dans les pays baltes, ce sont désormais les pays européens qui viendraient à la rescousse.

En fait, les trois pays baltes ont cessé d’acheter du gaz et de l’électricité russes depuis février 2022, mais leurs réseaux électriques étaient toujours connectés à la Russie et à la Biélorussie et la régulation de la fréquence était toujours contrôlée depuis Moscou.

À Vilnius, une horloge géante a affiché le compte à rebours de la coupure des câbles électriques vers la Russie. Et la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a assisté à plusieurs cérémonies symboliques marquant l’évènement.

« C’est la dernière étape de sortie d’un système énergétique qui était entièrement dépendant d’un Etat qui n’est pas un pays ami », a déclaré samedi 8 février le Premier ministre lituanien, Gintautas Paluckas. « La Russie ne peut plus utiliser l’énergie comme outil de chantage », s’est également réjouie Kaja Kallas, ex-Première ministre estonienne. « Il y a quelques instants, j’ai reçu une grande nouvelle. La synchronisation du système électrique des États baltes avec celui de l’Europe continentale a été achevée avec succès », s’est félicité dimanche 9 février le président lituanien Gitanas Nauseda. Il s’exprimait aux côtés de ses homologues estonien et letton, de Ursula von der Leyen et du président polonais.

Il existe depuis 2015 un câble électrique sous-marin entre la Suède et la Lituanie. Plus récemment une connexion terrestre entre la Lituanie et la Pologne a également été établie. Au total, 1,6 milliard d’euros, essentiellement des fonds européens, ont été investis dans ce projet. Si les autorités ont assuré que tout était prêt, les citoyens baltes n’étaient pas totalement rassurés. En Estonie, les médias ont fait état d’une envolée au cours des derniers jours des achats de générateurs par crainte de coupures.

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