<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Décarbonation en France et en Europe, l’Académie des Technologies se rebiffe

29 mai 2023

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Photo : La commission européenne à Bruxelles
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Décarbonation en France et en Europe, l’Académie des Technologies se rebiffe

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Après l’étonnante apathie qui a suivi l’annonce la semaine dernière par la Première ministre, Elisabeth Borne, du plan de décarbonation accéléré du gouvernement, à la fois irréaliste et construit sur des hypothèses techniques, financières et sociales douteuses, des voix commencent à s’élever pour dénoncer une stratégie française et européenne qui mène à l’échec. L’Académie des Technologies, qui n’a pas l’habitude de se mêler directement au débat public, tire la sonnette d’alarme dans un avis publié à la fin de la semaine dernière. Cette institution publique indépendante, qui rassemble les meilleurs experts français des technologies et des sciences appliquées dont quatre Prix Nobel, ne peut pas être traitée à la légère comme l’ont été pendant de nombreuses années ceux qui ont dénoncés, à juste raison, des politiques énergétiques absurdes et dangereuses menées en France comme en Europe. Elles l'avaient déjà été notamment par Elisabeth Borne et par le président de la République Emmanuel Macron.

L’Académie des Technologies, institution publique indépendante qui rassemble les meilleurs experts français des technologies et des sciences appliquées dont quatre Prix Nobel, n’a pas pour habitude de se mêler directement au débat public. Si elle le fait, via un avis publié le 25 mai, c’est qu’elle considère que l’heure est grave après l’annonce la semaine dernière par la Première ministre Elisabeth Borne d’un plan de décarbonation accéléré de l’économie française qui a pour caractéristiques d’avoir des objectifs totalement irréalistes (réduire les émissions de gaz à effet de de 50% d’ici à 2030 par rapport à 1990) et d’être un catalogue de mesures qui ne sont ni financées ni maîtrisées sur le plan technique, économique et social.

«Les trajectoires projetées ne sont ni crédibles, ni techniquement réalisables, ni même optimales sur le plan climatique, puisqu’elles risquent à la fois d’empêcher l’Europe d’atteindre la nécessaire neutralité carbone en 2050, et de saper encore plus sa souveraineté énergétique», alerte Dominique Vignon, qui préside le pôle Énergie de l’Académie.

Mensonges et faux-semblants

L’Académie des sciences dénonce des politiques européennes qui non seulement ne permettront pas d’atteindre les objectifs imposés totalement irréalistes de décarbonation (-55% par rapport à 1990 selon la Commission) et qui mettront à genoux les économies européennes. Elle appelle la France à résister à ses diktats et à mettre en place une transition énergétique réellement efficace, construite sur les faits et les réalités et qui a une chance de réussir en ne s’aliénant pas, en plus inutilement, une grande partie de la population.

Le texte de l’Académie est explicite: «la France par le traité de Lisbonne a confié sa politique énergétique à l’Union européenne, tout en se réservant le choix de son mix énergétique et en exigeant de l’Union qu’elle assure la sécurité d’approvisionnement. Les termes de cet accord ne sont cependant pas respectés par l’Union. Il convient de le rappeler d’autant plus fortement que l’enjeu est essentiel: il s’agit tout simplement de l’indépendance et de la compétitivité de l’économie nationale. La solution est simple; dans le strict respect des traités, il faut obtenir que l’Union se concentre sur l’objectif qui lui est assigné: décarboner le secteur de l’énergie, en laissant aux États membres le choix des moyens.» L’institution appelle aussi à ce que la sécurité énergétique «cesse d’être une incantation» et redevienne un objectif.

Elle démonte les mensonges et les faux-semblants de la politique énergétique européenne et française. «La politique européenne de l’énergie est une construction tardive, opportuniste et peu efficace… Les objectifs de réduction de gaz à effet de serre ont été largement dépassés en 2020 (plus de 30% contre 20% visés); mais ils ne concernent que les émissions de source européenne. Si on y ajoute le CO2 nécessaire à la production des biens importés diminué du CO2 contenu dans les biens exportés, les émissions européennes de CO2 augmentent. Même en s’en tenant aux émissions du seul espace européen, on voit mal comment l’Europe pourrait accélérer pour passer d’une réduction de -30 % de ses émissions de CO2 sur trente ans (1990-2020) à 20% supplémentaires en quelques années, d’aujourd’hui à 2030. Mais l’échec principal de la politique énergétique de l’Union concerne sa sécurité d’approvisionnement. Alors que le traité de Lisbonne «demandait à l’Union dans un esprit de solidarité entre les États membres d’assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique», les prix du pétrole et du gaz en Europe se sont envolés dès mi-2020, très largement du fait de la dépendance de l’Europe au pétrole et gaz russe. Ce n’est pas la mise en œuvre de la politique européenne de l’énergie qui a échoué: pour l’essentiel les objectifs sur lesquels l’Union s’est focalisée ont été atteints. L’échec global résulte donc d’un mauvais choix des objectifs, et d’une mauvaise articulation entre eux», écrit la société savante.

Des incantations sans se donner les moyens juridiques, administratifs, culturels, financiers

Concernant le plan de décarbonation du gouvernement, dans un entretien au Point, Dominique Vignon et Denis Ranque, le Président de l’Académie des Technologies, dénoncent «l’incohérence entre les incantations à aller plus vite, et le fait qu’on ne s’en donne pas les moyens, juridiques, administratifs, culturels, financiers…». Ils soulignent aussi l’incompréhension par le gouvernement de l’inertie des réalités énergétiques et de l’échelle des transformations à mener. «Une politique énergétique est comme un porte-avions, il est illusoire de tabler sur des changements radicaux en sept ans. Prenons un seul exemple, celui des transports, le secteur le plus émetteur en France. Le plan présenté par la Première ministre prévoit de faire baisser les émissions des transports de 129 millions de tonnes de CO2 en 2022 à 92 millions de tonnes en 2030. Comment faire?»

Mais les institutions européennes sont la principale cible de l’Académie. «L’UE [Union européenne»] se concentre sur les moyens, à savoir le développement des énergies renouvelables dont la part devra dorénavant atteindre au moins 42,5% de la consommation d’énergie en 2030, au détriment de l’objectif, qui devrait être la décarbonation», explique Dominique Vignon. Dans son avis, la société savante s’en prend tout particulièrement à la Directive européenne dite RED III qui a fait l’objet d’un consensus entre les trois organes européens (Commission, Conseil, Parlement). Elle vise à Accroître la part des énergies renouvelables (32% en 2030 selon la directive RED II passée à 42,5% avec RED III et si possible 45%). Le Parlement, vaguement conscient qu’une telle ambition et un tel changement d’objectif si près de la date fixée pour l’atteindre est illusoire, avait même introduit une disposition permettant de produire de l’hydrogène dit « vert » à partir d’électricité issue de la combustion du charbon ou du gaz! Un amendement qui a été abandonné et montre comment la politique énergétique européenne en roue libre n’a plus rien à voir avec la décarbonation. Quant à la souveraineté énergétique… Les institutions européennes en sont à organiser et imposer les importations d’hydrogène. Selon les vœux du Parlement, chaque État membre doit présenter à la Commission sa stratégie d’importation «Au total, au lieu de reconnaître l’échec de la politique en place, on amplifie sa mise en œuvre», écrit l’Académie des Technologies.

«L’Europe doit laisser les Etats décider de leur mix énergétique»

L’institution appelle aujourd’hui à un sursaut à l’échelle européenne et un changement radical de politiques. «La politique européenne de l’énergie doit être ancrée dans les objectifs fixés par les traités et au premier chef doit viser la décarbonation de l’économie —les énergies renouvelables n’étant qu’un moyen parmi d’autres— et la sécurité d’approvisionnement. En pratique, l’Union doit laisser les États décider de leur mix énergétique, en laissant une chance égale aux énergies renouvelables et aux autres énergies décarbonées, dont le nucléaire, et assigner aux États membres un objectif d’autonomie énergétique pour accroître la sécurité d’approvisionnement… le nucléaire reste discriminé par rapport aux énergies renouvelables. La production nucléaire n’entre pas dans l’évaluation de l’atteinte des objectifs de production de la Commission, et ne bénéficie pas des soutiens mis en place pour les énergies renouvelables. De facto, ceci est contraire au principe de subsidiarité et à la reconnaissance que les États membres ont le libre choix de leur mix énergétique. Les objectifs de décarbonation devraient fixer les pourcentages d’électricité bas carbone et non les pourcentages d’électricité renouvelable… Alors que le mix énergétique futur fera une part croissante à l’électricité, seul vecteur pouvant être décarboné et se substituer au charbon et au gaz, la vraie question est de produire suffisamment d’électricité bas carbone pour «décarboner» l’économie

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