Pour décarboner les transports routiers, la motorisation électrique est la seule possibilité. Reste à savoir si les moteurs électriques doivent être alimentés par des batteries ou des piles à combustibles fonctionnant à l’hydrogène. Tesla s’est fait le champion de la voiture électrique de haut de gamme et clame depuis des années que le camion électrique à batteries est pour demain. Mais il présente de graves défauts. Il lui faut embarquer des tonnes de lourdes batteries pour avoir une autonomie suffisante et recharger ses batteries prend beaucoup de temps et demande une puissance électrique considérable aux bornes.
Daimler et Volvo, respectivement premier et cinquième constructeur européen de camions, viennent de faire un choix technologique différent. Ils ont décidé de s’allier pour construire des piles à combustible pour poids lourds. L’entreprise créée en commun est valorisée à 1,2 milliard d’euros. «Les entreprises ont signé un accord préliminaire non contraignant pour la création d’une coentreprise» qui reprendra les activités de Daimler dans l’hydrogène et dont le suédois «Volvo achètera 50% pour près de 0,6 milliard d’euros», a indiqué cette semaine Mercedes-Benz. Cette alliance «va diminuer les coûts de recherche et de développement pour les deux groupes et accélérer la mise sur le marché de piles à combustible» pour poids lourds.
«Une solution décisive pour les camions…»
«Un transport véritablement neutre en CO2 ne sera possible qu’avec une chaîne de traction électrique, l’énergie pouvant provenir de deux sources: soit de batteries, soit de la conversion de l’hydrogène en électricité à bord du véhicule. Les piles à combustible sont une solution décisive pour les camions utilisés pour le transport lourd à longue distance», a expliqué Martin Daum, patron de la branche poids lourds de Daimler.
La technologie de la motorisation hydrogène est simple dans son principe. Elle consiste à embarquer un réservoir stockant de l’hydrogène comprimé transformé en électricité par une pile à combustible afin d’alimenter un moteur électrique. Le mode de fonctionnement du véhicule est le même que celui doté d’un moteur thermique. Il faut remplir le réservoir, ce qui prend quelques minutes, et le véhicule reprend sa route. L’autonomie est très supérieure à celle autorisée par une batterie et les temps de recharge n’ont rien à voir.
Cela ne veut pas dire que l’hydrogène ne présente pas des inconvénients. A commencer par le fait qu’il s’agit d’une technologie embryonnaire, en dépit des ambitions annoncées en Allemagne, en Chine, au Japon et en Corée du sud pour créer de toutes pièces des filières. La fabrication de l’hydrogène dit vert, sans émissions de CO2 et par électrolyse, consomme beaucoup d’électricité et coûte cher. Le réseau de stations-service proposant ce carburant est aujourd’hui très limité. Néanmoins, il sera bien plus facile de le développer pour des poids lourds empruntant de grands axes que pour des voitures particulières.
Une alliance rendue nécessaire par les conséquences économiques de la pandémie
«En créant cette coentreprise, nous montrons clairement que nous croyons dans les piles à combustible pour poids lourds», a affirmé Martin Lundstedt, le président de Volvo Group. L’ambition est de parvenir rapidement à une «production en série» des piles. «Le partenariat avec Volvo est une étape importante pour mettre des bus et des camions équipés de batteries à combustible sur les routes», a ajouté Martin Baum.
Les conséquences économiques de la pandémie ne sont pas absentes de cette décision d’alliance. «Le contexte de contraction économique actuel a rendu d’autant plus nécessaire une coopération», a expliqué Daimler. Les deux entreprises visent une mise sur le marché de «poids lourds propulsés à l’hydrogène» au cours de «la deuxième moitié de la décennie». La coentreprise sera indépendante des deux groupes et «Daimler et Volvo restent compétiteurs dans tous les autres domaines». Les partenaires visent un accord final d’ici le troisième trimestre et comptent boucler leur transaction soumise à l’accord des autorités de la concurrence «avant fin 2020». L’équipementier Bosch avait lui lancé dès 2019 le développement de piles à combustible à hydrogène en partenariat avec Powercell Sweden.