Le cuivre est essentiel à la transition. C’est un métal indispensable dans les réseaux électriques, les batteries, les transformateurs, les éoliennes, les panneaux solaires… Mais la production semble incapable de suivre la demande. Voilà pourquoi avec aussi une bonne dose de spéculation les cours du cuivre ont atteint le mois dernier un sommet historique à plus de 11.000 dollars la tonne, très exactement à 11.104,50 dollars la tonne à la Bourse des métaux de Londres (LME). Les contrats à terme sur le cuivre ont augmenté de plus de 30% l’an dernier et d’environ 20% depuis le début de l’année.
Illustration de leur extrême volatilité, les cours du cuivre ont reflué autour de 10.000 dollars la tonne depuis leurs records avec l’annonce par l’Indonésie, l’un des grands producteurs mondiaux, d’un report de son interdiction des exportations de cuivre qui prendra effet le 31 décembre cette année au lieu du premier juin. Mais ce n’est qu’un répit. Fondamentalement, la situation sur le marché ne peut pas vraiment s’améliorer rapidement. C’est notamment la conclusion d’une étude très récente de Goldman Sachs. Selon la banque américaine, les cours du cuivre devraient atteindre rapidement 12.000 dollars la tonne.
Une production très insuffisante
Non seulement les investissements dans de nouvelles mines sont totalement insuffisants pour faire face aux besoins à moyen et long terme, mais en outre des capacités de production existantes sont en train d’être fermées. C’est le cas, par exemple, de la mine de Cobre Panama de First Quantum Minerals que le gouvernement panaméen a fait fermer. D’une valeur de 10 milliards de dollars, elle produit 400.000 tonnes de cuivre par an et est considérée comme l’un des plus grands gisements au monde. Cette décision a été prise à la suite de protestations et de conflits politiques qui ont abouti à l’annulation de la licence d’exploitation de la mine par la Cour suprême du pays.
Un rapport récent du Forum international de l’énergie met en garde contre le risque imminent d’une pénurie mondiale de cuivre. Pour rester sur la voie de la neutralité carbone d’ici 2030, il faudrait, selon les calculs de BloombergNEF, produire 12,8 millions de tonnes de cuivre supplémentaires par an d’ici 2030. La production a atteint environ 27 millions de tonnes l’année dernière.
« Uniquement pour suivre la progression régulière de la demande, il faudrait sortir des mines dans les 30 prochaines années, 115% de tout le cuivre qui a été produit dans l’histoire jusqu’à aujourd’hui. Et pour électrifier le parc automobile mondial, il faudrait mettre en service 55% de plus de mines », écrit le Forum international de l’énergie. Selon la Copper Development Association, la fabrication d’un véhicule électrique à batteries nécessite environ 80 kilos de cuivre contre 18 kilos pour un véhicule à motorisation thermique.
20 ans pour ouvrir une mine
Atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 nécessiterait une augmentation de 460% de la production de cuivre, ce qui exigera l’exploitation de 194 nouveaux sites miniers au cours des 30 prochaines années. Et toujours selon le Forum international de l’énergie, s’il n’y a pas d’accélération seules 35 nouvelles mines verront le jour d’ici là.
Il y a d’autres raisons à cette pénurie à venir. D’abord, l’extrême lenteur et la difficulté pour obtenir les autorisations nécessaires à la construction de nouvelles mines de cuivre. Ce qui est lié souvent aux oppositions locales du fait des atteintes à l’environnement. Selon Futurity, « le délai moyen entre la découverte d’un nouveau gisement de cuivre et l’obtention d’un permis de construire une mine est d’environ 20 ans ». Et il est de plus en plus difficile de trouver des gisements économiquement intéressants. En dépit d’une augmentation sensible des budgets d’exploration minière depuis plusieurs années, seulement 16 des 224 gisements de cuivre découverts depuis 1990 l’ont été au cours de la dernière décennie
Le jeu douteux des « barons du cuivre »
Mais il n’y a pas que cela. Dans une dépêche récente, l’agence Bloomberg dénonce le faitque l’approvisionnement en cuivre « est accaparé par un groupe de barons miniers peu connus ». Ces dernières années, de nombreuses entreprises ont tenté – en vain – de conclure des accords majeurs pour relancer l’extraction du cuivre. Mais ils en ont été empêchés. Cela est lié à une stratégie délibérée menée par les barons du cuivre, « quatre familles seulement qui ont le contrôle de certains des gisements de minerais les plus riches du monde », écrit Bloomberg. « La valeur nette combinée de la fortune de ces familles s’élève à quelque 82 milliards de dollars […]. Malgré cette richesse, leurs entreprises souffrent de coûts de capitaux relativement élevés, ce qui les empêche d’investir de manière aussi agressive que le voudrait une demande en plein essor. »
En plus de desserrer l’emprise des barons du cuivre sur les principales réserves mondiales et d’accéler l’obtention des permis miniers, le recyclage sera essentiel. Et là encore, des progrès sont à faire. En 2022, 40% des 2 millions de tonnes de cuivre présentes dans les déchets électroniques sont allées directement dans les décharges à travers le monde.