Pourquoi les cours du baril ne remontent pas

20 avril 2020

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Puit de pétrole Wikimedia
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Pourquoi les cours du baril ne remontent pas

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En dépit d'un accord inédit sur une baisse mondiale de la production de pétrole, les cours du baril ne remontent pas et ont repris leur baisse. Cela est lié à l'effondrement historique de la demande et aux incertitudes, nombreuses, sur le redémarrage des économies.

Même si un cartel mondial inédit des pays producteurs de pétrole s’est matérialisé au cours des derniers jours et s’est mis d’accord sur une baisse considérable de la production, l’industrie pétrolière mondiale aura beaucoup de mal à traverser la plus grave crise de son histoire. Pour preuve, en dépit de l’annonce d’une baisse considérable de la production à partir du mois de mai, comprise selon les sources et les producteurs concernés entre 10 et 19 millions de barils par jour (entre 10% et 19% des niveaux de production quotidiens en 2019), les prix du pétrole ont recommencé à chuter. Et pourtant, même des compagnies pétrolières comme Chevron, BP ou Total ont aussi annoncé une baisse de production. Les cours du baril sont même tombés lundi 20 avril à moins de 12 dollars le baril pour la qualité WTI et 26 dollars pour la qualité Brent.

Faillites en chaîne de producteurs de pétrole de schiste

Il faut dire que l’effondrement de la demande avec le confinement de plus de la moitié de la population mondial a atteint des proportions inimaginables. Selon l’AIE (Agence internationale de l’énergie), pour le seul mois d’avril, la chute de la consommation devrait représenter 29 millions de barils par jour par rapport à 2019. Elle devrait encore reculer de 26 millions de barils par jour en mai, et de 15 millions en juin. Si l’économie mondiale redémarre ensuite, reste à savoir à quel rythme, la consommation de pétrole pourrait revenir autour de 90 millions de barils par jour. Mais rien n’est moins sûr.

Cela signifie que Donald Trump, le grand artisan de l’accord mondial pour limiter la production et tenter de soutenir les cours, ne parviendra sans doute pas à sauver une bonne partie de l’industrie américaine de pétrole de schiste constituée de centaines de producteurs, pour la plupart basés au Texas et pour la plupart fervents soutiens du président américain. Selon les prévisions de Bloomberg intelligence, une centaine de producteurs américains de pétrole semblent d’ores et déjà condamnés à la faillite.

Le développement spectaculaire en quelques années du pétrole de schiste produit par fracturation hydraulique a totalement changé le marché pétrolier mondial. Il est passé de quelques centaines de milliers de barils par jour il y a dix ans à plus de 8 millions l’an dernier. Il a refait des Etats-Unis, à la surprise générale et à partir de 2017, le premier producteur de pétrole devant l’Arabie Saoudite et la Russie (voir ci-dessous). Cela a permis au marché pétrolier d’augmenter l’offre en dépit des difficultés de pays producteurs comme le Venezuela, la Libye ou l’Iran pour cause d’embargo.

Producteurs Pétrole Monde 2019 CIA Factbook

Producteurs Pétrole Monde 2019 CIA Factbook

Mais le pétrole de schiste a un gros problème. Il est beaucoup plus cher à produire que le pétrole dit conventionnel. Cela coûte entre 40 et 50 dollars le baril pour le sortir de terre.

Une reprise très progressive et incertaine de la demande

«Les perspectives de l’industrie pétrolière ne sont guère encourageantes, a résumé la semaine dernière Fatih Birol, le directeur de l’AIE. «Nous pouvons parler de 2020 comme de la pire année de son histoire et du deuxième trimestre comme le plus désastreux. Et ce mois-ci? Il sera connu comme « l’Avril noir ».»

Pour le moment, la production reste encore très largement supérieure à la demande. Les stocks débordent. De nombreux Etats ont profité des prix bas pour gonfler leurs réserves stratégiques, mais ils ne savent plus ou mettre le pétrole. Il est stocké maintenant au large dans des pétroliers. Marco Dunand, le président de Mercuria, négociant de matières premières à Genève, expliquait la semaine dernière que «la surproduction est telle que des barils produits s’échangent autour de 2 dollars.»

L’AIE voit éventuellement une éclaircie pour l’industrie pétrolière à la fin de l’année. Mais cela reste une hypothèse. «La demande du brut pourrait redevenir supérieure à l’offre dans le courant du second semestre, sur fond de forte réduction de la production et de gonflement des stocks. Ce scénario se matérialisera si les pays producteurs respectent leurs engagements et si un rebond économique, grâce aux mesures de relance, devient réalité», a expliqué M. Birol. Cela fait beaucoup de si.

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