<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Les cours de l’antimoine, métal méconnu et stratégique, flambent

3 décembre 2024

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Les cours de l’antimoine, métal méconnu et stratégique, flambent

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Métal ultra dur connu depuis l'antiquité, l’antimoine est aujourd'hui utilisé pour la fabrication de panneaux solaires, comme retardateur de flammes dans de nombreuses applications et pour la production d’équipements militaires, notamment de munitions. Sa production et surtout son raffinage sont aux mains de l’industrie chinoise dont Pékin a décidé depuis trois mois de contrôler étroitement les exportations. Les pays occidentaux s’inquiètent et les cours flambent.

Parmi les minéraux dits critiques, indispensables aux industries technologiques, militaires et énergétiques, l’antimoine, métal ultra dur, utilisé depuis l’antiquité, passe presque inaperçu. Et pourtant, il est utilisé pour ses propriétés particulières de retardateur de flamme, dans la fabrication des munitions et dans le photovoltaïque.

La crainte grandissante de pénuries fait que les cours de l’antimoine flambent. Selon Project Blue, un cabinet de conseil spécialisé dans l’analyse des marchés des matières premières, l’industrie mondiale pourrait manquer de 10.000 tonnes d’antimoine par an. Du coup, le prix de la tonne d’antimoine pure à 99,65% a atteint lors des derniers jours des sommets historiques après une augmentation de plus de 200% depuis le début de l’année.  Il est passé de 12.000 à 38.000 dollars. Selon un article récemment publié par le Center for Strategic and International Studies (Centre pour les études stratégiques internationales), les Etats-Unis ont des stocks d’antimoine pour 20 jours et l’Allemagne a un stock de munitions produites avec de l’antimoine… pour 2 jours.

Mesures de rétorsion commerciale et problèmes de production

La Chine n’y est pas pour rien qui contrôle l’essentiel de ce marché, 50% de la production minière et 80% du raffinage, et a restreint ses exportations depuis septembre. La vente vers l’étranger de l’antimoine sous toutes ses formes, allant du minerai à diverses formes du métal et différents degrés de pureté ainsi que de technologies de traitement des matériaux extra-durs, est maintenant soumise à l’obtention d’une licence préalable d’exportation. Les exportateurs doivent notamment demander des licences pour les produits et les technologies à double usage, civils et militaires. Il s’agit selon Pékin de « sauvegarder la sécurité nationale et les intérêts [du pays] et de répondre aux obligations internationales telles que la non-prolifération ». Il s’agit aussi de mesures de rétorsion commerciales contre les pays occidentaux et notamment les Etats-Unis. Et puis la Chine fait face à des difficultés de production liées à une surexploitation. Sa production est tombée à 40.000 tonnes en 2023, contre 61.000 tonnes en 2020 pour une production mondiale inférieure à 100.000 tonnes.

L’antimoine est pourtant indispensable à la production de panneaux solaires et sert à clarifier et à renforcer les vitres de protection des modules. Son utilisation principale se fait sous forme de trioxyde d’antimoine, une poudre blanche qui sert de retardateur de flamme dans de nombreux domaines allant de la plasturgie au textile des sièges automobiles. On retrouve aussi ce métal ultra-dur dans la production de batteries au plomb et pour fabriquer diverses munitions et équipements militaires. Il est utilisé dans la fabrication de missiles, de lunettes de vision nocturne et en tant qu’agent de durcissement pour les munitions et les chars d’assaut.

Une mine en Slovaquie

Le minerai le plus couramment extrait est la stibine ou stibnite qui contient de l’antimoine et du soufre mais il est aussi extrait en tant que coproduit de mines d’or, d’argent ou de mercure. La Chine qui produit près de la moitié de l’antimoine dans le monde dispose des réserves les plus considérables. Le Tadjikistan et la Russie sont aussi d’importants producteurs. Cette concentration a conduit la Commission européenne à considérer l’antimoine comme un métal critique sans interruption depuis 2011…

S’il existe des usines de recyclage et de raffinage en Europe – dont les sites français du groupe américain AMG Critical Materials (Sica dans l’Aisne, et Produits chimiques de Lucette dans les Pays de la Loire), l’Europe est totalement dépendante des importations de minerai et de lingots et s’approvisionne notamment depuis la Turquie et la Bolivie, de petits pays producteurs qui se frottent les mains depuis quelques mois. La Slovaquie aussi pourrait profiter des besoins d’antimoine. La société américaine Military Metals a acquis récemment dans le pays une mine qui contiendrait plus de 60.000 tonnes d’antimoine.

La France a été dans le passé un grand producteur d’antimoine grâce à des gisements en Corse et dans les Pays de la Loire. Il y aurait encore des réserves importantes d’antimoine dans le Massif armoricain.

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