Dans un rapport publié jeudi 4 juillet, la Cour des comptes s’en prend au grand flou de la politique nucléaire française. Pour les magistrats, les gouvernements depuis de nombreuses années retardent les décisions et les échéances, n’anticipent pas les investissements à faire et ne prennent pas en compte toutes les options possibles. Plus grave encore, ils se refusent à organiser un débat public indispensable sur cette question importante.
«Les décisions qui sont prises aujourd’hui dans le domaine du nucléaire emportent des conséquences pour de nombreuses générations à venir», rappellent les magistrats. Ils soulignent que 72% de l’électricité produite en France en 2018 était d’origine nucléaire et que des «investissements importants» devront être réalisés pendant la prochaine décennie dans les 58 réacteurs comme dans les installations de stockage des déchets.
La France veut-elle lancer la construction d’une série de nouveaux réacteurs? De quel type, ancien ou EPR de dernière génération comme à Flamanville? Quel sera l’impact de ces décisions sur le cycle du combustible (approvisionnement, retraitement, stockage…)? Quels investissements faut-il prévoir et sur quelle période?
«Afin d’éclairer de manière complète et objective les décisions de politique publique, la comparaison économique et environnementale des alternatives est nécessaire mais les données et études manquent sur ce sujet», regrette la Cour des comptes. Les magistrats mettent notamment l’accent sur la question de la gestion des déchets. Il y avait à la fin de l’année 2016, 400 000 tonnes de métaux lourds de matière radioactive et 1,6 million de mètres cubes de déchets radioactifs.
La gestion de ses déchets est essentielle. Elle compte pour au moins 10% du coût de production de l’électricité nucléaire. Elle est l’argument majeur des adversaires de l’énergie nucléaire. Et des décisions sur le renouvellement des installations de retraitement des combustibles usés de La Hague devront être prises très prochainement.
En outre, les capacités de stockage risquent d’être insuffisantes. Celles des déchets à aible activité «devraient, à réglementation inchangée, être totalement utilisées vers 2029». Pour les déchets les plus radioactifs qui ont une durée de vie de milliers d’années – ils ne représentent que 0,2% du volume total – il est prévu de les entreposer à 500 mètres sous terre. Mais le projet baptisé Cigéo est encore en phase d’expérimentation.
Quant au financement des dépenses à venir pour traiter les déchets (69 milliards d’euros selon une évaluation faite à la fin de l’année 2017), il doit être «mieux contrôlé», et les exploitants (EDF, Orano, CEA) doivent «constituer des provisions comptables pour être en mesure de faire face à leurs charges futures».
Le rapport conclut sur la nécessité pour le ministère de la Transition écologique et solidaire de disposer de plus de moyens afin d’être capable de proposer des scénarios solides pour l’avenir.