Coronavirus et krach pétrolier, sale temps pour la transition

13 mars 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Thunderstorm wikimedia commons
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Coronavirus et krach pétrolier, sale temps pour la transition

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L'épidémie planétaire du Coronavirus, le recul brutal de l'activité économique et l'effondrement des prix du pétrole auront un impact important sur la transition énergétique. L'adoption de nouvelles sources d'énergie et de nouvelles technologies sera ralentie à la fois par le recul de la croissance et des investissements et par la concurrence d'énergies fossiles à prix plancher.

Si l’épidémie de Coronavirus précipite les économies dans la récession, l’effondrement des prix du pétrole qu’elle a provoqué directement et indirectement apparait comme une petite éclaircie dans un environnement bien sombre pour le consommateur. Mais nul n’est capable aujourd’hui de prédire quelles seront la durée et l’ampleur de l’épidémie, du recul de l’activité économique et de la baisse des cours du baril. En tout cas, l’impact de ses trois évènements liés sera bien réel sur la transition énergétique.

Tout d’abord, parce qu’elle passe, et c’est parfaitement normal, au second plan des préoccupations des gouvernements et des populations. Les priorités vont à la santé et au soutien aux personnes et aux entreprises en difficulté. Ensuite, parce qu’elle réduit fortement les incitations à accélérer la transition. Avec la baisse dans le monde de la production industrielle, du commerce et de l’usage des transports, les émissions de CO2 reculent de façon spectaculaire sans qu’on ait besoin de faire le moindre effort. Alors pourquoi en faire? Et l’effondrement des prix du pétrole incite d’autant moins à se passer des énergies fossiles.

En trompe l’œil

A en croire une étude de Carbon Brief, la Chine, la principale source et de loin d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde, les a réduite de 25% au cours des dernières semaines. C’est la conséquence de la quarantaine imposée à nombreuses régions et grandes villes et de l’arrêt de milliers d’usines. Et comme maintenant l’épidémie est devenue planétaire, une pandémie selon l’Organisation mondiale de la santé, la baisse des émissions de CO2 sera générale.

Le transport aérien traverse l’une des plus grandes crises de son histoire. Le transport maritime également dont l’activité est directement liée à la production industrielle. Partout dans le monde, les manifestations et les évènements de toute nature sont annulés et repoussés. Le tourisme est en chute libre. La baisse des émissions de gaz à effet de serre pourrait ainsi être spectaculaire à la fin de l’année. Elle pourrait même surpasser celle enregistrée en 2008-2009 au moment de la crise financière. Mais il s’agira d’un trompe l’œil. La dernière fois que l’économie mondiale a souffert, en 2008-2009, il a seulement fallu un an pour que les émissions de CO2 repartent à la hausse comme si de rien n’était.

Peut-être plus lourd de conséquence pour la transition est le conflit qui a soudainement éclaté entre l’Arabie Saoudite et la Russie et s’est transformé en une guerre sur le marché pétrolier dans laquelle tous les coups semblent permis. Les deux belligérants sont prêts à inonder le marché de barils et à les vendre à n’importe quel prix pour asphyxier économiquement leur rival. En conséquence, le cours du pétrole est tombé à son plus bas niveau depuis 1991 et la première guerre du Golfe… Et il pourrait continuer un moment à être bradé. Car cette guerre du pétrole ne semble avoir rien de rationnel.

Conséquence, non seulement le pétrole ne vaut plus rien, mais le gaz naturel également dont les prix sont directement corrélés à ceux du brut. Cela peut être une bonne chose si le gaz remplace le charbon dans les centrales électriques car il émet deux fois moins de CO2. Cela l’est beaucoup moins si dans un environnement économique déprimé, les prix ultra compétitifs du fuel et du gaz font perdre une partie de l’intérêt pour les voitures électriques, les véhicules à hydrogène et la production d’électricité provenant d’éoliennes et de panneaux solaires.

Une étude publié le 12 mars par Bloomberg revoit déjà à la baisse la demande mondiale en 2020 en matière d’énergie solaire et éolienne. Elle souligne également la contraction du marché automobile qui aura des conséquences sur les ventes de véhicules électriques.

Cela sera d’autant plus dommageable que ses technologies sont loin d’être matures. L’innovation est indispensable à la transition énergétique. Elle s’accélère quand les prix des énergies fossiles sont élevés. Elle stagne, en revanche, quand ils sont bas. C’est ce que démontre notamment une étude du Fonds Monétaire International (FMI).

Le «Green Deal» européen a du plomb dans l’aile

Il y a trois mois, Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de la Commission européenne annonçait en fanfare un «Green Deal» pour rendre l’Union neutre en matière d’émissions de CO2 d’ici 2050. Il s’agit d’un ensemble complexe de mesures incitatives et coercitives pour favoriser les technologies, les investissements, les entreprises, les équipements… verts. Sa logique consiste à rendre les énergies fossiles économiquement prohibitives.

Pour cela, l’Union Européenne a décidé de fixer la quantité de CO2 que doivent émettre certains secteurs de l’économie, de la sidérurgie à la production de ciment en passant par les transports, les centrales électriques et les compagnies aériennes… Les entreprises qui parviendront à émettre moins que leurs quotas en investissant dans de nouvelles technologies et de nouveaux procédés seront récompensées en pouvant vendre des droits à émettre du carbone aux sociétés moins vertueuses. Mais ce système devient absurde s’il s’éloigne trop de la réalité des marchés et est ainsi totalement artificiel.

Si les prix des énergies fossiles sont très bas, pour inciter les entreprises à s’en passer, il faudra que les prix du carbone soient extrêmement élevés. Il faudra que les amendes infligées à ceux qui ne respectent pas les quotas et n’investissent pas dans les technologies propres atteignent des niveau soient insupportables. Cela reviendra à prendre le risque de couler une grande partie du tissu industriel européen en le rendant incapable de faire face à ses concurrents non européens. La Commission européenne n’est tout de même pas suicidaire. Il en sera fini du «Green Deal» qui devait faire de l’Europe le modèle mondial de la transition.

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