La 29ème conférence annuelle des parties (COP29) de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques s’est ouverte à Bakou, en Azerbaïdjan, le 11 novembre. Elle se tiendra jusqu’au 22 novembre, et comme chaque année depuis 1995 des chefs d’État et de gouvernement, de moins en moins nombreux, des dirigeants d’entreprise et des membres des ONG, institutions et organisations écologiques venus du monde entier se retrouvent pour ce qui est devenu un grand cirque médiatique ayant vocation à endiguer ou limiter le dérèglement climatique d’origine anthropique.
Ces grands-messes annuelles combinent une série d’évènements, de négociations, de conférences, de rencontres entre experts, politiques, représentants de la société civile et acteurs du monde économique et dans le même temps, hors des enceintes officielles, des militants battent le pavé pour dénoncer l’inertie des dirigeants face à l’urgence climatique. Un numéro bien rôdé qui fait de moins en moins recette et attire pourtant de plus en plus de monde… Il y avait 10.000 personnes en 1997 pour adopter le protocole de Kyoto, un peu plus de 30.000 à Paris en 2015 et pas loin de 100.000 l’an dernier à Dubaï. La COP29 de Bakou devrait marquer un certain reflux avec un peu plus de 50.000 personnes accréditées auxquelles il faut ajouter les militants du « off ».
La réélection de Donald Trump a jeté un froid supplémentaire
Mais le moins que l’on puisse dire est que l’enthousiasme n’est plus vraiment au rendez-vous de l’édition 29. Que ce soit du côté des politiques et même, plus surprenant, du côté des médias et des organisations écologistes de tous poils. Il faut dire que la dramatisation des enjeux climatiques fait de moins en moins recette dans les opinions publiques. Et le rejet politique des stratégies de transition énergétique est de plus en plus fréquent dans les pays démocratiques. La réélection de Donald Trump à la Présidence des Etats-Unis suffit à en apporter la démonstration. D’autant qu’il a annoncé qu’une fois revenu le 20 janvier à la Maison Blanche, les Etats-Unis se retireront à nouveau des accords de Paris pris lors de la COP 21 en 2015…
Et puis la répétition finit par lasser. A la fin de la semaine dernière, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a déclaré : « les calamités climatiques sont notre nouvelle réalité ». L’an dernier, à la veille de la COP28, le même Antonio Gutterres mettait en garde : « nous sommes au bord du précipice ». Onze ans auparavant, à Copenhague, lors d’une autre COP, Ban Ki Moon son prédécesseur avait ouvert la conférence en déclarant… « nous sommes au bord du précipice ».
La plupart des grands dirigeants ne viendront pas à Bakou
D’ailleurs, la plupart des grands dirigeants de ce monde ne feront pas le voyage cette année à Bakou. Joe Biden, le Président des Etats-Unis, son homologue chinois, Xi Jinping, ou Vladimir Poutine, le Président russe, ne s’y rendront pas. Même le Président brésilien, Lula da Silva, dont le pays accueillera la COP30 l’an prochain, ne sera pas présent. L’annulation de sa visite serait liée à un problème de santé.
Seuls quatre dirigeants du G20 ont confirmé leur présence à Bakou: ceux du Royaume-Uni, de l’Italie, de la Turquie et de l’Arabie saoudite. Du côté européen aussi, les absents seront bien plus nombreux que les présents. La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ne viendra pas retenue par « ses fonctions institutionnelles ». Le président français Emmanuel Macron ne se déplacera pas non plus. Les relations entre la France et la pays hôte sont particulièrement tendues depuis que Paris a condamné fermement l’offensive militaire de l’Azerbaïdjan en septembre 2023 contre les séparatistes arméniens dans la région du Haut-Karabakh. Le chancelier allemand Olaf Scholz a aussi annoncé qu’il ne se rendrait pas à la COP29 après l’éclatement de sa coalition au pouvoir. Le Premier ministre néerlandais, Dick Schoof, a fait savoir qu’il annulait également son déplacement pour se concentrer sur la gestion des problèmes de son pays, à savoir les conséquences de la chasse aux juifs dans les rues d’Amsterdam…
De toute façon, réussir à réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines années et plus encore dans les prochaines décennies ne dépend pas des pays développés en général et encore moins des pays Européens. Nous ne pouvons pas régler la question climatique que nous le voulions ou pas. Elle est surtout entre les mains des pays du Sud global, Chine, Inde, Brésil, Indonésie… qui pour la plupart n’ont pas aujourd’hui aligné leurs objectifs énergétiques avec leurs engagements de long terme pris lors des différentes COP.
D’ailleurs de façon symbolique, le Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée, James Marape a décidé de boycotter l’évènement pour protester contre l’absence de « soutien rapide aux victimes du changement climatique » de la part des grandes nations, du Nord comme du Sud.
S’acheter à peu de frais une respectabilité
De leur côté, nombre d’ONG et organisations écologistes dénoncent le détournement des COP par les pays pétroliers et gaziers qui s’achètent ainsi à peu de frais une respectabilité toute neuve. Ce qui a déjà été le cas avec la COP28 organisée l’an dernier par les Emirats arabes unis, l’est cette année avec l’Azerbaïdjan et le sera l’an prochain avec le Brésil. Rappelons que le Brésil est le 7ème plus grand pays producteur de pétrole et que la croissance de l’exploitation de ses réserves est l’une des plus rapides.
Anecdote gênante, l’ONG Global Witness a piégé facilement Elnur Soltanov, le directeur général de la COP29. Il a été filmé en train de faire la promotion d’accords d’investissement et de financement des ressources pétrolière et gazières de son pays auprès d’une fausse société baptisée EC Capital…
La question de fond du financement de la transition
Pourtant, la COP29 a en théorie au moins un mérite : s’attaquer au problème de fond de la transition énergétique et écologique, celui de son financement pour les pays émergents… Voilà pourquoi elle est surnommée la « COP Finances ». Mais avec les COP dont les engagements sont non contraignants, les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. Il en va ainsi des 100 milliards de dollars que les pays riches, les 20 principales économies responsables de 80% des émissions de gaz à effet de serre, se sont engagés en 2009, lors de la COP15, à fournir aux pays pauvres pour les aider à financer leur transition. Un niveau atteint finalement depuis 2022, mais qui est jugé aujourd’hui totalement insuffisant. La COP29 a justement pour vocation d’établir un nouvel objectif collectif de financement. Lors de son discours d’ouverture, lundi 11 novembre, le président de la COP29 Moukhtar Babaïev a évoqué des « centaines de milliards ».
Les besoins des pays du Sud sont estimés entre 500 à 2.500 milliards de dollars par an d’ici 2030 par le rapport préparatoire de l’OCDE. Un chiffre qui donne le tournis. Les Occidentaux ne sont d’ailleurs pas disposés, et n’ont pas les moyens, de régler une telle facture. Tandis que la Chine et les autres pays émergents rappellent qu’ils ne sont pas les responsables historiques du réchauffement climatique…
Et puis il faut savoir ce que l’on doit inclure dans le financement de la lutte contre le dérèglement climatique. Doit-on tout aborder de front, c’est-à-dire la transition permettant d’émettre moins de gaz à effet de serre, l’adaptation aux conséquences du dérèglement avec ses canicules et ses inondations ? Et le financement doit se faire sous quelles formes ? Des subventions, des aides, des dons, des prêts ? Beaucoup de questions et pour le moment peu de réponses.