<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’ère de la construction dans le monde de grands barrages hydroélectriques est terminée

17 mai 2023

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L’ère de la construction dans le monde de grands barrages hydroélectriques est terminée

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L'escalade des coûts de construction, l'essor de l'énergie solaire et éolienne, les problèmes grandissants de sécheresse et les oppositions croissantes des populations et des opinions publiques se traduisent par un déclin rapide et accéléré dans le monde des nouveaux projets hydroélectriques massifs. Les grands barrages ont été une source d’énergie majeure au XXème siècle, notamment pour les pays en développement, car ils étaient de loin les moins coûteux par kilowatt produit. Ce n’est plus le cas au XXIème siècle. Mais l’hydroélectricité a encore un rôle important à jouer, en étant le seul moyen permettant de stocker l’électricité à grande échelle.

Du strict point de vue de la transition énergétique, ce n’est pas une bonne nouvelle. Certes, les grands projets hydroélectriques ont un impact environnemental très important et qui dans le passé n’a pas été toujours bien mesuré que ce soit sur les territoires, les populations, la faune, la flore et la gestion de la ressource en eau. Mais parmi les sources énergétiques renouvelables, l’hydroélectricité présente des avantages sans pareils. Elle permet de stocker l’énergie. Elle assure des puissances importantes décarbonées et pilotables, c’est-à-dire contrairement à l’éolien et au solaire qui dépendent des besoins des consommateurs et pas de la météorologie.

Il y a encore deux ans, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) expliquait dans un rapport passé inaperçu que pour atteindre les objectifs de réduction massive en quelques décennies des émissions de gaz à effet de serre, les investissements dans l’hydroélectricité devaient être privilégiés. Pour l’AIE, l’hydroélectricité était ainsi le «géant oublié» de la production électrique décarbonée.

1.500 chantiers de grands barrages dans le monde à la fin des années 1970 et 50 en 2020

Une étude publiée à peu près au même moment par l’Institut pour l’eau, l’environnement et la santé qui dépend de l’ONU et se trouve à Hamilton au Canada, soulignait les dangers du vieillissement dans le monde des grandes installations hydroélectriques. Un grand nombre de ses installations ont dépassé les 50 ans et certaines approchent même un siècle. Le document souligne que la construction de grands barrages dans le monde est passée d’un pic d’environ 1.500 par an à la fin des années 1970 à environ 50 par an en 2020. La conclusion est que la «révolution des barrages» qui s’est produite au siècle dernier appartient à un passé révolu.

Et le déclin s’accèlère au XXIème siècle. Les données compilées par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) montrent que depuis 2001, la capacité hydroélectrique nouvellement installée a culminé en 2013 à 45.000 mégawatts par an, puis a baissé ensuite chaque année sauf en 2021, où elle n’a pourtant atteint que 18.900 mégawatts. De même, les investissements dans les nouvelles centrales hydroélectriques sont passés d’un pic de 26 milliards de dollars en 2017 à 8 milliards de dollars en 2022.

Le poids des barrages a légèrement modifié la vitesse de rotation de la terre

Au cours du siècle dernier, l’hydroélectricité a généré jusqu’à un cinquième de l’approvisionnement mondial en électricité. En rendant possible l’irrigation, l’hydroélectricité a transformé de vastes zones arides en zones de prospérité agricole. Mais elle a également provoqué de considérables et irréversibles dégâts et dommages. Les barrages et réservoirs ont impacté et bloqué près des deux tiers des principaux réseaux hydrographiques de la planète, dévastant leurs écosystèmes. Ils ont déplacé des millions de personnes et ont porté atteinte aux moyens de subsistance d’au moins un demi-milliard de personnes. Ils ont représenté une telle masse de béton que les géophysiciens pensent qu’ils ont légèrement modifié la vitesse de rotation de la Terre, l’inclinaison de son axe et la forme de son champ gravitationnel.

Selon un rapport de l’IRENA de février 2023, le déclin de la construction de barrages hydroélectriques au XXIème siècle s’explique notamment par le fait que la plupart des sites favorables ont déjà été équipés et que ceux restants sont «généralement situés dans des endroits moins accessibles, ce qui rend la construction nettement plus coûteuse». En outre, les projets de nouvelles centrales hydroélectriques «peuvent se heurter à l’opposition des populations locales et des groupes de défense de l’environnement», un euphémisme.

Il ne faut pas perdre de vue le fait que la Chine a été au cours des dernières décennies le principal moteur de la construction de barrages hydroélectriques, aussi bien sur son sol qu’à l’étranger. Plus de la moitié des nouvelles capacités hydroélectrique mondiales a été installée en Chine depuis trente ans. Mais cette période est terminée. La construction de barrages en Chine a considérablement ralenti à partir de 2015.

Et le ralentissement est tout aussi spectaculaire pour ce qui est des projets développés par les entreprises chinoises à l’étranger. Non seulement les financements deviennent plus difficiles à monter mais les controverses sur les projets deviennent de plus en plus violentes et mettent la Chine en accusation. Le financement de centrales hydroélectriques par deux des grandes banques publiques chinoises, la China Development Bank et l’Export-Import Bank of China, est passé de 151 projets d’une valeur de 87 milliards de dollars en 2016 à seulement huit projets d’une valeur de 3,7 milliards de dollars en 2021.

La liste des projets de barrages développés par la Chine ayant suscités des polémiques est longue. Elle comprend le barrage de Myitsone, de 3,6 milliards de dollars, qui aurait entraîné de nombreux déplacements de population, des dommages environnementaux majeurs et la destruction de sites du patrimoine culturel dans l’État de Kachin, au Myanmar. Le Myanmar a suspendu le projet en 2011 en réponse aux protestations, bien que la Chine ait continué à faire pression pour sa construction. Dans le nord-est du Cambodge, le barrage Lower Sesan 2, achevé par la Chine en 2018, a été fortement contesté et l’est toujours.

La Chine face aux controverses

La Chine a cherché à dissimuler son implication dans certains projets de barrages en faisant appel à des entreprises d’autres pays servant d’intermédiaires. Power Construction Company of China s’est ainsi caché derrière des groupes égyptiens pour construire la centrale électrique Julius Nyerere en Tanzanie, dont le remplissage a commencé en décembre dernier. Ce projet très critiqué inondera partiellement la réserve naturelle de Selous, un site du patrimoine mondial, et entravera l’écoulement du delta de la rivière Rufiji protégé par la Convention de Ramsar sur les zones humides d’importance internationale.

Une autre raison du désintérêt chinois et de nombreux pays pour les grands équipements hydroélectriques est évidemment le développement rapide de l’éolien et du solaire qui sont moins coûteux et dont il est possible de financer plus facilement et progressivement les équipements.

Coûts en dollars par kilowatt d’installation des équipements de production électriques renouvelables. Source IRENA.

Toujours selon l’IRENA, le coût de construction des installations hydroélectriques a augmenté de 62% entre 2010 et 2021, tandis que, sur la même période, le coût des installations solaires a chuté de 82%, celui des éoliennes en mer de 41% et celui des éoliennes terrestres de 35%. Au cours de cette décennie, les coûts de l’électricité d’origine solaire, éolienne marine et éolienne terrestre ont diminué respectivement de 88, 60 et 68%, tandis que le coût de l’électricité d’origine hydraulique a augmenté de 24%. En 2021, le coût de l’électricité d’origine hydraulique et de l’énergie solaire à grande échelle ont ainsi atteint la parité, à 4,8 cents par kilowattheure, tandis que l’électricité éolienne terrestre était déjà inférieure, à 3,3 cents par kilowattheure. Des calculs à prendre évidemment avec une certaine précaution car ils ne prennent pas en compte les conséquences sur les réseaux et sur les investissements en capacité de la dispersion géographique des productions éoliennes et solaires et de leur intermittence qui contraint à avoir des moyens de production d’appoint.

L’impact des sécheresses

En tout cas, la croissance mondiale de l’énergie solaire en 2022 a été 14 fois supérieure à celle de l’énergie hydroélectrique, et la croissance de l’énergie éolienne a été plus de cinq fois supérieure à celle de l’énergie hydroélectrique. Des tendances qu’il est difficile d’imaginer s’inverser.

Il y a enfin un dernier et sérieux problème pour l’hydroélectrique, le réchauffement climatique et les problèmes grandissants de sécheresse. Avec l’intensification des sécheresses, le niveau des réservoirs a baissé, souvent au point que les opérateurs de réseaux rationnent, voire réduisent la consommation d’électricité. L’année dernière, la pire sécheresse qu’ait connue l’Europe depuis au moins 500 ans a entraîné une forte baisse de la production hydroélectrique. En Chine, dans la province du Sichuan, la combinaison l’année dernière d’une vague de chaleur et de la pire sécheresse que le pays a connu en six décennies a contraint les usines à fermer pendant plusieurs jours et les centres commerciaux à réduire leurs heures d’ouverture.

Toujours et de loin la meilleure solution pour stocker massivement de l’électricité

L’ensemble de ses facteurs négatifs expliquent le déclin accéléré des investissements dans les équipements hydroélectriques, mais ils ont encore un rôle considérable à jouer dans la production électrique décarboné et comme complément indispensable aux équipements de production renouvelables intermittents. L’hydroélectrique permet notamment de stocker l’électricité à grande échelle, c’est même le seul moyen de le faire, via les fameuses STEP (Station de transfert d’énergie par pompage). Les systèmes de pompage-turbinage consomment généralement plus d’énergie qu’ils n’en produisent, mais ils permettent d’équilibrer les réseaux de plus en plus fragiles au fur et à mesure que se développent les productions solaire et éolienne.

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