Dyson a perdu un milliard de dollars avec son prototype de véhicule électrique haut de gamme. Tesla, le constructeur automobile dont la valeur en Bourse est la plus élevée au monde, n’a jamais dégagé un profit annuel en dix-sept années d’existence! Aucun constructeur automobile n’est capable aujourd’hui de dégager le moindre bénéfice en vendant une voiture électrique. Une situation qui ne peut pas durer…
Le SUV conçu par Dyson était prometteur (voir la photographie ci-dessus). Sept sièges et une autonomie annoncée de 965 kilomètres. Le développement a duré trois ans et a mobilisé 500 personnes. Il ne sera jamais produit et vendu, car économiquement cela ne fait aucun sens.
Perdre de l’argent avec chaque voiture vendue
«Les voitures électriques coûtent très cher à fabriquer. Les batteries, la gestion des batteries, l’électronique et le refroidissement [des batteries] sont bien plus coûteux que pour un moteur à combustion interne» a expliqué James Dyson au Financial Times. Il a ajouté qu’il aurait fallu vendre son véhicule à 300.000 dollars pour ne pas perdre d’argent.
Les autres constructeurs «perdent beaucoup d’argent avec chaque véhicule électrique qu’ils vendent» ajoute James Dyson. «Ils le font parce que cela réduit leurs émissions moyenne de CO2 et de NO2 et cela leur permet de respecter la législation européenne».
Dyson n’est pas un cas particulier. Le génial et controversé Elon Musk qui avec Tesla a bouleversé le marché mondial de la voiture électrique n’a jamais terminé une année avec un bénéfice même symbolique. Tesla a perdu l’an dernier 862 millions de dollars, une «excellente» performance en comparaison des exercices précédents. Tesla existe depuis 2003. Et si Tesla a aligné au deuxième semestre de cette année et à la surprise générale un quatrième trimestre consécutif profitable avec un bénéfice de 104 millions de dollars… pendant la pandémie, certains analystes ont de sérieux doutes sur les comptes du constructeur californien et la façon dont il gère les risques financiers, notamment juridiques.
Elon Musk a reconnu implicitement la difficulté de construire un modèle économique autour de la voiture électrique. «Nous ne sommes pas vraiment inquiet au sujet de la demande, mais nous sommes inquiets au sujet de la production», déclarait-il au début de l’année, avant la pandémie…Selon une étude d’UBS publiée l’an dernier, Tesla perdrait près de 6.000 dollars par voiture vendue de son model 3 qui est le plus récent, le plus commercialisé et devrait être le plus rentable. Selon un constructeur allemand de haut de gamme, qui s’est confié au magazine Wheels, le coût de fabrication d’une voiture hybride rechargeable est le double d’un modèle conventionnel avec une motorisation à combustion interne.
Une situation inédite née d’une contrainte imposée par les gouvernements
Si comme James Dyson l’affirme, les constructeurs traditionnels financent les pertes liées à leurs voitures électriques par les profits réalisés avec la vente de voitures à moteur thermique, c’est un modèle qui ne peut pas perdurer longtemps. Parce qu’ils vont vendre de plus en plus de véhicules électrifiés et de moins en moins de véhicules à moteur thermique. Et parce que la pandémie touche de plein fouet le marché automobile mondial. Les subventions qui portent les ventes de voitures électriques à bout de bras n’y changent rien et ne permettent pas aux constructeurs d’afficher des prix correspondants aux coûts réels de fabrication et surtout de développement des véhicules électriques et hydrides.
Selon une étude du cabinet Alix Partners, l’ensemble des constructeurs automobiles aura investi 225 milliards d’euros d’ici 2023 pour produire des véhicules électriques. Des investissements qu’il est aujourd’hui impossible de rentabiliser… La situation est vraiment totalement inédite. Car elle n’est pas la conséquence d’un besoin créé par les constructeurs, à l’exception de Tesla, ou d’une demande venue des clients, mais plutôt d’une contrainte imposée par les gouvernements européens qui ne laissent pas d’autres choix à leur industrie automobile que de se tourner vers l’électrique (ou toute autre forme de mobilité sans émission), sans quoi les amendes s’accumuleront.
Personne ne sait aujourd’hui comment sortir de cette impasse économique. Selon le cabinet de conseil américain McKinsey, la seule solution pour que la vente de voitures électriques devienne rentable est d’avoir des plateformes dédiées et partagées entre de nombreux constructeurs.
Les entreprises les plus endettées au monde
De toute façon, il n’est plus possible de faire marche arrière. Ainsi, le responsable du développement de Daimler Benz, Markus Schafer reconnaissait à la fin de l’année dernière «qu’il n’y a plus de plans pour de nouveaux développements des véhicules à combustion interne». Une stratégie qui est un peu différente de celle suivie par BMW.
Volkswagen a fait encore un choix plus radical que Daimler Benz en faveur de l’électrique en investissement massivement et via toutes ses marques dans des plateformes spécifiques. Selon une étude de l’UBS, Volkswagen pourrait même ne plus perdre de l’argent en vendant des véhicules électriques à partir de 2022. Même si cette hypothèse venait à se confirmer, ce qui semble compliqué avec une récession mondiale, il faudra encore au constructeur allemand amortir les 30 milliards d’euros investis...
La course en avant menée par l’industrie automobile est parfaitement illustrée par le classement des entreprises les plus endettées au monde publié par le groupe financier Janus Henderson. Il en ressort que la société la plus endettée au monde à la fin de l’année 2019 avec 192 milliards de dollars est… Volkswagen. Daimler Benz est quatrième (151 milliards), Toyota cinquième (138 milliards), Ford septième (122 milliards) et BMW huitième (114 milliards).
La situation de l’industrie automobile mondiale a été parfaitement décrite il y a déjà quelques mois par le magazine Forbes. Il montrait qu’elle fait face à une «menace existentielle» pour la première fois depuis 140 ans. Pour l’auteur de l’article, Ashwini Choudhary, membre du Forbes Technology Council, «la disruption est une réalité et je pense que très peu de constructeurs automobiles vont survivre aux Etats-Unis comme en Europe».
Il considère que les constructeurs automobiles doivent devenir maintenant avant tout des groupes technologiques et électroniques, même si c’est loin d’être le cœur de leur métier et de leurs compétences. Et ils doivent se transformer tout en continuant à être performants dans le domaine des véhicules à moteur thermique «qui restent un élément essentiel de la mobilité et dont les ventes financent le développement des motorisations électriques et des voitures autonomes… Seules les sociétés qui s’adapteront rapidement à ce nouvel univers survivront».