Dans son bilan annuel de l’énergie pour l’année 2024 (Global Energy Review 2025) publié il y a trois semaines, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) soulignait à la fois que la part relative du pétrole dans la consommation d’énergie dans le monde avait diminué mais qu’elle avait augmenté en valeur absolue (+0,8%). Logique, quand dans le même temps la demande d’énergie a progressé de 2,2%.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si la guerre commerciale à outrance entre les Etats-Unis et la Chine va se traduire par une baisse de la consommation d’énergies fossiles et notamment de pétrole. Rappelons que les Etats-Unis et la Chine sont à la fois, et de loin, les deux premières économies mondiales et aussi les deux principaux consommateurs de pétrole. Et que de nombreux économistes font l’hypothèse, si la guerre commerciale entre les deux pays se prolonge et se durcit, d’une récession cette année aux Etats-Unis comme en Chine.
La réalité, c’est la demande physique pas forcément les modèles des économistes
Sur le front pétrolier, on pourrait ainsi assister comme en 2020, lors de la pandémie de Covid-19, a un recul sensible de la demande dans le monde. Une évolution si inhabituelle que certains avaient cru y voir, notamment l’AIE ou le World Economic Forum, la première étape du déclin inéluctable de la consommation de pétrole, le fameux «peak oil» (pic pétrolier). Ils avaient pris leur désir pour la réalité.
Mais il existe aussi un autre scénario dans lequel la baisse sensible des prix du baril, qui a repris le 10 avril après le rebond du 9 avril, soutiendrait la demande de pétrole, ce qui au passage ne serait pas du tout une bonne nouvelle pour la transition énergétique. Mais la demande physique c’est la réalité, plus que les prévisions et les modèles des économistes. La plupart du temps dans les exemples passés, le pétrole bon marché a poussé la demande à la hausse. Même s’il y a eu des exceptions… comme lors de la pandémie.
Des mesures massives de soutien à l’activité en Chine
En tout cas, le baril de BRENT, la référence européenne, et le baril de WTI (West Texas Intermediate), la référence américaine, ont perdu depuis la mi-janvier près de 20 dollars. Le pétrole est vraiment devenu bon marché. Ce qui est normalement une bonne nouvelle pour tous les pays consommateurs. Il y a donc des chances que la demande se renforce au moins dans les semaines à venir. Lorsque l’essence est bon marché, les gens voyagent davantage et les raffineries stockent, même s’il n’y a pas de demande immédiate pour leurs produits. Au moins avant que les projections désastreuses de recul de l’activité faites par la plupart des économistes ne se matérialisent.
La logique derrière ses prévisions est que les droits de douane renchérissent le coût des biens et réduisent mécaniquement la demande. Mais cela pourrait être, au moins en partie, compensé par la baisse des prix des matières premières et notamment de l’énergie. Et puis, il y a les mesures de soutien à l’activité prises dans certains pays, notamment en Chine, qui pourraient être massives.
L’Europe sommée par Donald Trump d’acheter massivement du pétrole et du gaz américains
« La croissance de la demande de pétrole de la Chine de 50.000 à 100.000 barils par jour est menacée si la guerre commerciale se prolonge, mais une stimulation plus forte de la consommation intérieure pourrait limiter cela », explique à l’agence Reuters Ye Lin, vice-président de Rystad Energy.
On peut aussi souligner que dans le chantage que fait Donald Trump à l’Union Européenne (UE), il exige qu’elle achète davantage de pétrole et de gaz américains afin de réduire son excédent commercial avec les Etats-Unis. Les chiffres avancés par le Président des Etats-Unis sont extravagants puisqu’il veut que l’UE achète pour 350 milliards de dollars de produits énergétiques américains, ce qui, compte tenu de l’effondrement actuel des prix, signifie encore plus de pétrole et de GNL (Gaz naturel liquéfié).