Avec l’envolée des prix du gaz, l’effondrement de la demande provenant de l’industrie lourde et les mesures d’économie et de «sobriété» prises dans tous les pays, la demande de gaz va baisser en Europe d’au moins 10% cette année et encore l’an prochain. Il s’agit selon l’étude publiée le 3 octobre par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) de la baisse la plus importante jamais enregistrée de la demande de gaz en Europe. Plus précisément, la demande de gaz pour produire de l’électricité va baisser de 3% cette année en Europe et surtout celle de l’industrie devrait reculer de 20%, ce qui est considérable.
Les stocks de gaz aujourd’hui remplis à près de 90% pourraient l’être à 5% en février
L’AIE ajoute que les mesures d’économie seront «cruciales» cet hiver pour maintenir les stocks à des niveaux suffisants en cas de coupure totale du gaz russe et surtout de «vague de froid tardive». Le tarissement des livraisons de gaz russe qui a commencé à la fin de l’année dernière et s’est accéléré en réponse aux sanctions frappant Moscou depuis l’invasion de l’Ukraine en février a fait exploser les cours mondiaux du gaz et conduit les Européens à s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs en important massivement du gaz naturel liquéfié (GNL) et du gaz norvégien. Cette stratégie de diversification à n’importe quel prix a permis écrit l’AIE «que les stocks de gaz soient remplis à presque 90% à fin septembre».
Mais cela pourrait ne pas être suffisant à en croire les prévisions de l’agence «dans l’hypothèse d’un arrêt complet de l’approvisionnement russe à partir du 1er novembre» de plus en plus probable, notamment après les sabotages des gazoducs Nord Stream 1 et 2, et compte tenu du fait que la ressource en GNL fait désormais l’objet d’une «compétition mondiale».
Ainsi, «sans réduction de la demande de gaz et si l’approvisionnement russe est complètement coupé, les stockages seraient remplis à moins de 20% en février, en supposant un niveau élevé d’approvisionnement en GNL» et «à près de 5% en cas de faible approvisionnement en GNL», prévient l’AIE.
Risques de rupture d’approvisionnement
Avec des stocks à de tels niveaux, «cela augmentera le risque de rupture d’approvisionnement en cas de vague de froid tardive». Pour conjurer ce scénario, l’AIE estime que l’Europe n’a pas beaucoup de solutions autres que des mesures d’économies jugées «cruciales» pour «maintenir les stocks à des niveaux adéquats jusqu’à la fin de la saison de chauffage».
Selon les projections de l’AIE, il faudra réduire cet hiver la demande européenne de gaz d’au moins 9% par rapport à la moyenne des cinq dernières années «pour maintenir les niveaux des stocks au-dessus de 25%» en cas de possibilités importantes d’import de GNL. Et si ce n’est pas le cas, il faudra que la demande baisse de 13% par rapport à cette moyenne «pour maintenir des niveaux de stockage supérieurs à 33%».
Encore une baisse de la consommation de gaz en 2023
La consommation de gaz en Europe a déjà diminué de plus de 10% entre janvier et août par rapport à la même période en 2021, une baisse «record» liée avant tout au recul de 15% de la demande du secteur industriel frappé de plein fouet par l’augmentation des prix. Dans le même temps, la demande européenne de GNL a augmenté de près de 65% par rapport à 2021, mais elle a baissé de 7% en Asie-Pacifique du fait des prix élevés, d’une météorologie douce et de la politique zéro-Covid en Chine qui a considérablement réduit l’activité économique.
«Les perspectives des marchés du gaz restent sombres, notamment en raison de l’attitude imprudente et imprévisible de la Russie, qui a ébranlé sa réputation de fournisseur fiable», explique Keisuke Sadamori, directeur de l’AIE pour les marchés de l’énergie et la sécurité. «Tous les signes indiquent que les marchés resteront très tendus en 2023», ajoute-t-il. La demande européenne devrait ainsi encore baisser de 4% l’an prochain affectée par l’envolée des prix. Car l’AIE anticipe une possible hausse de la demande chinoise de GNL. Le Directeur exécutif de l’Agence, Fatih Birol déclarait la semaine dernière que le marché mondial du GNL pourrait être encore plus tendu en 2023 qu’en 2022.