<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Faire des grandes compagnies pétrolières occidentales les bouc émissaires des énergies fossiles ne changera rien

22 juin 2021

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Barils de pétrole wikimedia commons
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Faire des grandes compagnies pétrolières occidentales les bouc émissaires des énergies fossiles ne changera rien

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Les grandes multinationales pétrolières privées occidentales ne produisent que 10% du pétrole mondial. Evidemment, elles doivent contribuer par leur savoir-faire et leur puissance financière à la transition. Mais les mettre hors jeu ne sert qu'à se donner facilement bonne conscience. Ce qu'elles ne produiront pas ou plus comme pétrole et gaz le sera par des compagnies d'Etat soumises à aucun contrôle en terme de corruption et d'environnement. La transition consiste à réduire l'addiction du monde au pétrole et au gaz. Cela signifie développer et rendre compétitives économiquement et socialement les énergies de substitution décarbonées.

Elles sont des cibles idéales et faciles. Surtout pour ceux qui utilisent la transition pour recycler la lutte contre le capitalisme. Ce sont des multinationales puissantes qui dégagent depuis des décennies des profits considérables en produisant, en raffinant et en vendant du pétrole et du gaz. Elles ont en plus toutes été impliquées au cours des dernières décennies et à des degrès divers dans des affaires de corruptions, de pollutions massives et de manipulations. Leurs logos sont bien visibles sur toutes les stations services au bord des routes des pays occidentaux et d’ailleurs. Elles sortent de terre et des fonds marins des millions de barils par jour, les expédient à l’autre bout du monde dans des pétroliers géants et possèdent de gigantesques raffineries faites d’assemblages invraisemblables, pour le commun des mortels, de canalisations, de réservoirs et de torchères.

Le marché pétrolier mondial est aux mains des compagnies contrôlées par les Etats

Bien sûr, elles doivent prendre leur part à la transition et contribuer à la substitution des énergies fossiles par d’autres qui émettent beaucoup moins de gaz à effet de serre. Elles ont le savoir-faire technique et les moyens financiers pour y contribuer. Et sans contraintes, elles ne le feront pas. Mais croire que faire d’une poignée de grandes compagnies pétrolières privées les boucs émissaires de nos difficultés à nous passer d’énergies fossiles réglera notre problème est une illusion et une absurdité. Il s’agit une nouvelle fois de postures faciles. A l’image de la Maire de Paris qui l’an dernier avait exigé que Total ne soit pas retenu comme sponsor des Jeux Olympiques de 2024. Avant de retenir la même compagnie quelques mois plus tard pour reprendre les bornes auto lib’ en déshérence.

Les faits sont têtus. Les grandes compagnies pétrolières privées ne produisent dans le monde que 10% du pétrole et les énergies fossiles assurent de façon constante depuis une décennie 80% de la consommation d’énergie planétaire. Les plus grands producteurs au monde de pétrole sont les compagnies pétrolières appartenant aux Etats ou controlées par eux qui ne sont pas soumises aux pressions de leurs actionnaires, des écologistes voire des tribunaux comme Total, Exxon Mobil, Chevron, Royal Dutch Shell, BP, ENI… Et si les grandes compagnies privées sont contraintes d’abandonner des projets d’exploration et de production, ils seront repris par les compagnies publiques de pays où les activistes du climat, les ONG et les investisseurs militants n’ont pas voix au chapitre. C’est une nouvelle démontration que la réussite de la transition n’est pas entre les mains des occidentaux en général et des Européens en particulier. Une réalité que nous nous refusons d’accepter. Nos dirigeants clament que nous sommes les modèles à suivre… Mais qui veut nous suivre? Pas la Chine, pas l’Inde, pas la Russie, pas le Brésil, pas le Moyen-Orient, pas la plupart des pays africains.

Le dernier rapport de l’AIE qualifié de «suite de La La Land» par le ministre saoudien du pétrole

Le pétrole découvert par les compagnies privées un peu partout dans le monde sera de toute façon produit tant que la demande existera et que les prix du baril seront suffisamment élevés pour qu’exploiter les ressources soit rentable. Les cours du baril se trouvent aujourd’hui à leur plus haut niveau depuis la fin de l’année 2018 et ont dépassé les 70 dollars. Si les compagnies privées occidentales ne pompent pas elles-même le pétrole et le gaz, elles peuvent de toute façon vendre leus droits à d’autres ou tout simplement les rendre aux gouvernements locaux qui n’auront aucune difficulté à trouver des compagnies d’Etat pour exploiter les gisements. Des compagnies qui ne seront pas soumises aux mêmes contrôles sur la corruption et plus encore sur les conditions environnementales d’exploitation.

Ainsi, la plus grande compagnie pétrolière au monde, Saudi Aramco et Abu Dhabi National Oil dépensent aujourd’hui des milliards de dollars pour augmenter leurs capacités de production de plus d’un million de barils par jour pour chacune d’entre elles. Qatar Petroleum investit plus de 30 milliards de dollars pour accroître de plus de 50% ses exportations de gaz naturel liquéfié. De la même façon, le russe Gazprom ou le Norvégien Equinor n’ont pas cessé d’investir.

Le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) publié en mai et traçant le chemin pour parvenir à ramener à zéro les émissions nettes de CO2 en 2050 demande l’arrêt de toute nouvelle recherche pétrolière et gazière dans le monde. Ce rapport a été qualifié de «suite du film La La Land» par le Prince Abdulaziz ben Salman, le ministre du pétrole de l’Arabie Saoudite. La La Land est une comédie musicale romantique. Les réactions ont été les mêmes en Russie et en Chine. Pour le vice-premier ministre russe, Alexander Novak, il s’agit d’une approche «simpliste et irréaliste». Il a ajouté que suivre les recommandations de l’AIE conduirait à une envolée des prix du baril au-delà de 200 dollars, ce dont personne ne veut. L’augmentation rapide des prix du baril et de la demande semble lui donner raison. Et même l’AIE, qui n’est pas à une contradiction prêt, a demandé il y a quelques jours aux membres du cartel de l’OPEP et de leurs alliés (OPEP+) d’augmenter leur production

En fait, à en croire les prévisions de plusieurs organismes dont Bloomberg NEF, la demande de pétrole dans le monde va continuer à augmenter au moins dans les 15 prochaines années avant de se stabiliser. Cela signifie que la transition ne peut se faire que d’une seule façon: réduire l’addiction du monde au pétrole et au gaz. Cela ceut dire développer et rendre attractives et compétitives économiquement les énergies de substitution décarbonées. Cela passe par l’électrification, l’hydrogène, les carburants de synthèse, la capture du CO2, le nucléaire… Cibler les compagnies pétrolières privées permet de s’acheter facilement une bonne conscience mais en aucun cas de régler les problèmes.

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