S’il existait le moindre doute sur les positions anti-nucléaire des technocrates de la Commission européenne, il vient d’être balayé. Ils ont décidé, à l’image de la Présidente de la Commission, Ursula van der Leyen, de redorer leur image déplorable en se faisant les champions de la cause verte et en adoptant, coûte que coûte, le modèle allemand de transition. Il consiste à investir massivement dans les renouvelables, éolien et solaire, et des centrales à gaz pour pallier leur intermittence. Et à rejeter le nucléaire pour des raisons purement idéologiques. Et cela même si le modèle allemand est un échec cuisant. Il a fait s’envoler les prix de l’énergie outre-Rhin et en Europe, fragilise les réseaux électriques, ne parvient pas à faire vraiment baisser les émissions de CO2 et accroit la dépendance à l’égard du gaz russe importé.
La direction générale de la concurrence avance masquée
Bruxelles vient pourtant de présenter il y a quelques jours son nouveau régime dit «d’aides d’Etat au climat, à la protection de l’environnement et à l’énergie» qui revient dans les faits à contraindre les pays de l’Union à suivre le modèle allemand. Il a pour objectif annoncé de faciliter l’atteinte des objectifs climatiques de 2030 et 2050 en autorisant les subventions pour toutes les technologies contribuant à la transition énergétique. Le nucléaire, le moyen de produire de l’électricité de la façon la plus décarbonée, en est pourtant exclu, tandis que les productions électriques à base de gaz naturel peuvent en bénéficier… Cherchez l’erreur!
Au cours des derniers mois, l’attention s’est focalisée sur la bataille féroce menée à Bruxelles entre l’Allemagne et la France et leurs alliés respectifs autour de la «fameuse» taxonomie. Elle consiste à labelliser les équipements et les technologies dits «durables» pour leur permettre de bénéficier de financements privilégiés. L’Allemagne, qui considère que le gaz naturel est «durable», avait réussi à faire exclure le nucléaire du premier projet élaboré à Bruxelles à la fin de l’année 2019. Plusieurs pays dont la France s’y sont opposés in extremis. Mais la partie est encore loin d’être gagnée.
Pour preuve, pendant que le conflit sur la taxonomie s’envenime, la direction générale de la concurrence concoctait, sans consultation des gouvernements, une réforme des «lignes directrices» sur le financement et les aides publiques dans les grands contrats liés à la transition énergétique. Ces «lignes directrices» codifient les garanties de revenus de long terme provenant des Etats. Cela a un impact immédiat sur la possibilité de financer ou non les projets énergétiques. Le nucléaire n’y figure pas… Ce qui n’augure rien de bon sur la présence du nucléaire dans la taxonomie.
Autorisations seulement au cas par cas
Concrètement, ce que la Commission vient de décider unilatéralement est que les contrats signés par les Etats sur les projets de centrale nucléaires ne pourront être autorisés qu’au cas par cas, (comme ce fut le cas du projet britannique d’Hinkley Point quand le Royaume-Uni était encore dans l’Union et plus récemment du projet tchèque de Dukovany). De tels processus sont à la fois incertains, lourds sur le plan administratif, coûteux et prennent du temps. De quoi sérieusement entraver le développement du nucléaire en Europe…
Car le coût de construction et donc de financement d’une centrale est de loin le facteur le plus important qui conditionne le prix de revient de l’électricité produite ensuite pendant au moins un demi-siècle. Pour donner un ordre d’idées, si les projets de centrales nucléaires étaient autorisés par les fonctionnaires européens à utiliser le régime d’aides d’Etat le coût des capitaux pourrait être de 4-5% au lieu de 8-10%. Sur des financements à long terme, la différence de coût est considérable, de l’ordre de 40%.
La direction générale de la concurrence élargit par ailleurs, toujours via les «lignes directrices», le champ des aides possibles à la mobilité électrique, la décarbonation industrielle, la rénovation thermique des bâtiments, l’économie circulaire et via une clause spéciale au gaz naturel. Il s’agit explique-t-elle de permettre aux «États membres dont le PIB est le plus faible de passer du charbon au gaz». Pourquoi pas de passer du charbon au nucléaire qui n’est pas une énergie fossile et n’émet quasiment pas de gaz à effet de serre…