C’est un feuilleton qui se poursuit depuis des années à Bruxelles dans les couloirs de la Commission européenne et dans ceux du Parlement européen. Technocrates et politiques « progressistes » entendent par tous les moyens imposer leur stratégie de transition énergétique qui passe par le tout renouvelables. Peu importe que cette stratégie soit un échec comme le montre de façon éclatante l’exemple allemand de l’Energiewende. Après avoir investi 600 milliards d’euros dans les renouvelables, l’Allemagne se retrouve avec l’électricité la plus chère d’Europe et quand il y a peu de vent et de soleil, comme depuis plusieurs semaines, elle est contrainte d’importer massivement… l’électricité nucléaire française.
Mais à Bruxelles l’idéologie et les calculs politiques ont pris le pas depuis longtemps sur les réalités physiques et économiques. Ce qui explique d’ailleurs le rejet croissant des institutions européennes. Avec la stratégie qu’elles imposent depuis plus d’une décennie, les gains en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne sont pas au rendez-vous et l’intermittence des renouvelables éolien et solaire contraint à avoir des moyens de production d’électricité dits pilotables qui sont la plupart du temps fossile, au gaz ou au charbon.
La Commission ne reconnait jamais ses errements
Cela se traduit par la nécessité d’avoir des capacités de production bien plus importantes que la demande, ce qui rend les investissements dans les équipements de substitution peu ou pas rentables et en outre, cela déstabilise les marchés de l’électricité. Car quand les conditions météorologiques sont favorables aux renouvelables intermittents, la production est trop importante et les prix s’effondrent et quand elle est insuffisante, en général en fin de journée quand la demande est la plus forte, les prix s’envolent…
Le nucléaire apporte une solution à ce problème, même si elle n’est pas techniquement optimale car le fonctionnement des réacteurs n’a pas la souplesse des turbines à gaz. Mais le nucléaire fournit une production dite de base, abondante, totalement décarbonée et non intermittente sur laquelle il est plus facile de construire un système électrique fiable et avec des prix prévisibles et à peu près maîtrisés.
Mais la Commission européenne persiste dans l’erreur. Nouvelle illustration, la passe d’armes qui n’augure rien de bon entre le tout nouveau commissaire européen de l’énergie, le Danois Dan Jørgensen, adversaire historique du nucléaire, et la Française Agnès Pannier-Runacher, ministre démissionnaire de l’Écologie et de l’Énergie.
La tentative de tromperie du nouveau Commissaire européen à l’énergie
Lors d’un Conseil des ministres européens de l’énergie, qui s’est tenu le 16 décembre, celle-ci a dû intervenir pour empêcher une modification importante d’un texte essentiel sur les objectifs énergétiques européens. Le diable se cache dans les détails. La lettre de mission de Dan Jørgensen, qui précise ses priorités politiques, avait été modifiée à la dernière minute lui demandant de « soumettre une initiative pour booster le déploiement du stockage de l’énergie et des énergies renouvelables, y compris en proposant un objectif pour les renouvelables en 2040 ». Cela ne figurait pas dans la version de la même lettre de mission soumise le 17 septembre lors des auditions des commissaires par le Parlement européen.
Agnès Pannier-Runacher a indiqué qu’il était hors de question que l’Union européenne impose un objectif précis de parts des énergies renouvelables dans la production électrique d’ici 2040. « Une telle cible semble contredire le principe de neutralité technologique […] et crée un risque de discrimination », a-t-elle fait valoir.
Deux mois sans vent en mer du nord
La France ne veut pas que l’objectif, déjà inatteignable et irréaliste, de 42,5% de renouvelables dans le mix énergétique en 2030 imposé aux Etats de l’Union soit encore augmenté… pour le seul bénéfice de la communication politique de la Commission et du Commissaire.
« Cela fait deux mois qu’il n’y a pas de vent en mer du Nord et que les éoliennes produisent peu, tous les pays du Nord importent massivement de l’électricité nucléaire française. Pourquoi se fixerait-on un objectif qui dépend de facteurs qu’on ne contrôle pas », souligne-t-on au cabinet de la ministre française. Et de mettre en avant l’échec allemand, ce qui est presque trop facile. En 2023, la France qui n’est pas sortie du nucléaire comme l’Allemagne était à 22,2% d’énergies renouvelables dans son mix énergétique, mieux que l’Allemagne avec 22%…
Après avoir tenté de faire modifier subrepticement sa lettre de mission, Dan Jørgensen a semblé faire machine arrière. « Nous devons évidemment formuler les politiques pour atteindre cet objectif [sur les renouvelables] d’une manière qui ne porte pas préjudice à la possibilité d’utiliser également d’autres technologies propres, des technologies neutres en carbone comme par exemple le nucléaire », a-t-il déclaré. Il doit tenir compte, à défaut de la réalité énergétique, des rapports de force politique. L’Alliance du nucléaire qui regroupe 12 pays européens (et 3 observateurs) et a été lancée en février 2023, notamment à l’initiative d’Agnès Pannier-Runacher, s’est réunie le 16 décembre, en marge du Conseil, en présence de Dan Jørgensen…