Le succès de Tesla a été construit pendant des années sur la combinaison inédite d’une image extrêmement flatteuse dans les médias, à Wall Street et auprès de consommateurs convaincus d’être à l’avant-garde technologique et morale de l’humanité et de la transition énergétique. Rouler en Tesla, acheter des actions Tesla étaient à la fois un signe de distinction sociale, de comportement vertueux et de foi dans le progrès. Tout cela reposait notamment sur l’image de pionnier et même de prophète d’Elon Musk, précurseur et génie de l’automobile électrique mais aussi de la conquête spatiale avec SpaceX ou des transports du futur avec l’Hyperloop. N’a-t-il pas promis de construire un jour une colonie d’un million de personnes sur Mars qui assurera la survie de l’humanité…
Elon Musk, de gourou à repoussoir
La personnalité hors norme de M. Musk a été un atout maître pour Tesla. Il en a fait une incarnation de la lutte contre le changement climatique en réimaginant les voitures avec des motorisations électriques qui devenaient capables de rivaliser et même de dépasser les voitures à moteur thermique en termes d’élégance et de performances. A tel point que Tesla n’a jamais eu besoin de faire de la publicité s’appuyant sur le fanatisme de ses acheteurs, que certains comparaient même à une secte, et sur la complaisance des médias face aux défauts techniques et de fabrication des véhicules. Tesla a ainsi connu une croissance continue de ses ventes pendant plus d’une décennie. Son problème n’étant pas alors de vendre, mais de fabriquer. Et à Wall Street, Tesla n’était pas valorisé comme un constructeur automobile mais comme un groupe de haute technologie à l’image des Apple, Alphabet ou Meta…
Mais ce qui a fait le succès extraordinaire de Tesla et a effectivement transformé le marché mondial du véhicule électrique est aujourd’hui en train de se retourner contre la marque et l’entreprise. Elon Musk qui était capable avec un seul tweet de transformer la tendance boursière à Wall Street de l’action Tesla n’a pas pu empêcher la « bulle » Tesla d’éclater… Et il en est en partie responsable.
Entre novembre 2021 et avril 2024, l’action Tesla a perdu plus de 60% de sa valeur… Au plus fort de la bulle, la capitalisation boursière du groupe automobile avait atteint 1.200 milliards de dollars. Elle est aujourd’hui largement inférieure à 500 milliards de dollars. Ce qui reste très respectable. Mais Tesla a changé de statut et est redevenue aux yeux des investisseurs comme du marché automobile une entreprise presque comme les autres… en pire. Car depuis le début de l’année, les mauvaises nouvelles s’accumulent. Les ventes baissent, les décisions sur les nouveaux véhicules sont incompréhensibles à commencer par l’abandon du Model 2 d’entrée de gamme, le Cybertruck est une catastrophe, les prix des véhicules sont sans cesse abaissés sans réel impact si ce n’est d’affecter la rentabilité et le chiffre d’affaires, plus de 10% du personnel va être licencié, le conseil d’administration veut néanmoins accorder un plan de rémunération de près de 56 milliards de dollars à Elon Musk et la chute de l’action dépasse 40% en moins de quatre mois. Mardi 23 avril, la société a annoncé ses plus mauvais résultats financiers depuis 12 ans. Elle a enregistré au premier trimestre une baisse de 55% de son résultat net à 1,1 milliard de dollars et un recul de 9% de son chiffre d’affaires à 21,3 milliards de dollars. Mais Elon Musk a promis une accélération du lancement de nouveaux modèles…
La confiance des consommateurs s’est écroulée
Selon l’agence Reuters, l’image de Tesla – une statistique qui mesure la confiance des consommateurs dans la marque et la probabilité qu’ils achètent un modèle du constructeur dans l’avenir – a chuté de plus de 50% depuis novembre 2021. En outre, les ventes de Tesla au premier trimestre de cette année ont été inférieures de 14% aux prévisions et cela est attribué directement à la personnalité d’Elon Musk. Le score de confiance de Tesla est ainsi tombé à 31% en février, moins de la moitié de son niveau record de 70% en novembre 2021.
En fait depuis plus de deux ans, Elon Musk est devenu un personnage très controversé et critiqué pour ses propos et ses actes, que se soit l’acquisition du réseau social Twitter devenu X, son ralliement au parti républicain ou son approbation tacite de commentaires antisémites sur X. Et quand un investisseur lui a demandé, lors d’une conférence en janvier 2023, si ses interventions politiques nuisaient à la marque et aux ventes de Tesla, Elon Musk avait nié et répondu qu’il était « raisonnablement populaire», faisant référence à ses 127 millions de followers sur X, anciennement Twitter. « Que vous me détestiez, que vous m’aimiez ou que vous soyez indifférent, voulez-vous la meilleure voiture, ou ne voulez-vous pas la meilleure voiture », a-t-il encore expliqué en novembre dernier.
Les marchés ne sont pas rationnels
Mais comme l’écrit Unherd, « Tesla a perdu ses bonnes vibrations ». Le magazine en ligne reprend une démonstration faite par l’économiste John Maynard Keynes selon laquelle les marchés ne sont pas seulement des systèmes rationnels. Ils sont façonnés par des forces irrationnelles, par « la nature animale tapie dans le cerveau de l’homo economicus ». C’est ainsi qu’il désigne les « bonnes vibrations » et les contagions qui façonnent la confiance des consommateurs. Nulle part ailleurs ses vibrations ne sont plus présentes que dans les réseaux sociaux. Unherd conclut que Tesla a perdu son aura irrationnelle et quelle que soit la qualité de ses produits va rencontrer les plus grandes difficultés pour la retrouver. La bulle a éclaté à Wall Street et aussi dans la tête des acheteurs de voitures électriques.