<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La chute des cours du pétrole va poser de sérieux problèmes à la Russie et l’Arabie Saoudite

10 avril 2025

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Pont tanker wikimedia commons
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La chute des cours du pétrole va poser de sérieux problèmes à la Russie et l’Arabie Saoudite

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Une baisse durable des cours du baril autour des 60 dollars aura un impact important sur la situation budgétaire et financière de la Russie et de l’Arabie Saoudite, les deux plus grands exportateurs de pétrole. Moscou doit financer la guerre en Ukraine de Vladimir Poutine et Riyad les projets de développements pharaoniques du prince héritier Mohammed ben Salmane.

Après l’annonce par Donald Trump d’une suspension pour 90 jours de l’augmentation des droits de douane pour tous les pays, ramenés à 10%, à l’exception notable de la Chine, les cours du baril sont remontés pour s’établir autour de 62 dollars pour la qualité WTI et 65 dollars pour la qualité BRENT. Pour autant,  la guerre commerciale se poursuit entre les deux plus grandes puissances économiques du monde et va sérieusement affecter les producteurs d’hydrocarbures. Pour la plupart d’entre eux, ils sont dépendants de la rente pétrolière et gazière. Leurs recettes fiscales sont étroitement liées à la quantité de pétrole qu’ils vendent et plus encore au prix de commercialisation de leurs barils. Et en dépit du rebond enregistré le 9 avril, ils viennent en l’espace d’une semaine de perdre encore environ 15% et de retrouver des niveaux proches de ceux de la période de pandémie de Covid-19.

Mais entre 2020 et aujourd’hui, les grands pays producteurs de pétrole sont devenus plus fragiles. Ils ont lancé des investissements majeurs pour transformer leur économie comme l’Arabie Saoudite ou se sont lancés dans une guerre très coûteuse comme la Russie. Ce sont d’ailleurs ces deux pays qui dominent le marché pétrolier en étant les deux principaux exportateurs. Ils contrôlent aussi le cartel de l’OPEP+, l’Arabie Saoudite en menant l’OPEP historique constitué de 13 pays et la Russie en dirigeant les 10 pays alliés de l’OPEP qui constituent le « + ».

Inquiétude des autorités russes

Ainsi, les autorités russes n’ont pas masqué leur préoccupation. « L’effondrement du marché pétrolier présente des risques pour l’économie russe », a reconnu le 8 avril, selon l’agence Tass, Elvira Nabiullina, gouverneur de la Banque centrale de Russie. L’équilibre de l’économie russe est construit en grande partie sur les exportations d’hydrocarbures. Le budget fédéral dépend pour près de 30% des recettes liées aux exportations de pétrole et de gaz. Et Vladimir Poutine a reconnu l’année dernière que la Russie consacrait maintenant près de 9% de son PIB à la défense, un niveau sans précédent depuis la fin de l’ère soviétique. « Nous suivons de très près la situation, qui est actuellement  extrêmement turbulente, tendue et émotionnellement surchargée », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov.

Déjà le mois dernier, le ministère russe des finances a déclaré qu’il s’attendait à ce que le prix moyen du pétrole en 2025 soit plus proche de 60 dollars le baril que des 70 dollars que le pays a budgété pour l’année. Et la situation depuis s’est considérablement dégradée. La Russie est d’autant plus sensible aux baisses de cours qu’elle obtient en général un prix moins élevé pour ses barils que la plupart des autres producteurs de pétrole de ses exportations du fait des sanctions dont elle fait l’objet. Pour les contourner, elle doit vendre son pétrole à prix cassés, notamment à la Chine première cible de l’envolée des droits de douane américains. Les cours du baril de pétrole brut de l’Oural, le produit phare du pays, sont tombés à 50 dollars.

Maintenant, les réserves financières de la Russie restent solides. Au 1er mars, le Fonds dit de prévoyance du pays, un fonds souverain alimenté par les pétroliers profits pétroliers, détenait 138 milliards de dollars d’actifs dont 39 milliards considérés comme « liquides ».

L’Arabie Saoudite touchée de plein fouet

Pour l’Arabie Saoudite, la situation est aussi devenue difficile. Le Fonds monétaire international (FMI) estime que le pays a besoin d’un prix du pétrole supérieur à 90 dollars le baril pour équilibrer son budget. Et le Fonds d’investissement public de 925 milliards de dollars qui finance le plan ambitieux de transformation de l’économie saoudienne orchestré par le prince héritier Mohammed ben Salmane, dépend totalement des recettes pétrolières. Parmi les projets à financer figurent notamment NEOM, une ville futuriste gigantesque construite dans le désert, les Jeux asiatiques d’hiver de 2029, qui seront dotés de neige artificielle et d’un lac d’eau douce artificiel, et la Coupe du monde de football de 2034, pour laquelle 11 nouveaux stades seront construits et d’autres rénovés.

« L’Arabie saoudite aura probablement recours au financement par l’emprunt et devra retarder ou réduire certains investissements prévus, compte tenu du fait que l’année 2024 a déjà été marquée par un double déficit [budgétaire et de la balance des paiements] », a expliqué à l’agence Reuters Karen Young, chercheuse au Center on Global Energy Policy de l’université de Columbia. Maintenant, le royaume à un ratio dette/PIB faible et bénéficie de la confiance des prêteurs parce qu’il possède une très bonne solvabilité.

La menace, une chute durable des prix du pétrole et du gaz

Il en va évidemment de même pour la plupart des pays du Golfe, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Koweït, Oman et le Qatar. Avec l’Arabie Saoudite, ils détiennent environ 3.200 milliards de dollars d’actifs souverains, soit 33% du total des actifs souverains dans le monde, et possèdent environ 32,6% des réserves mondiales prouvées de pétrole. En outre, ils exportent très peu vers les Etats-Unis et ne sont donc pas affectés directement, seulement indirectement, par l’augmentation des droits de douane.

Mais ils sont évidemment vulnérables à une baisse prolongée des cours du pétrole et du gaz. « Notre plus grande préoccupation serait une chute brutale et durable des prix du pétrole, qui nécessiterait une réévaluation des plans de dépenses – budget du gouvernement et du ministère de la Défense – y compris des investissements, tout en affectant potentiellement la liquidité du secteur bancaire et la confiance au sens large », reconnait Monica Malik, économiste en chef de l’Abu Dhabi Commercial Bank.

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