Transitions & Energies

La Chine a dépensé plus de 230 milliards de dollars pour développer son industrie de la voiture électrique


Une étude réalisée par le Center for strategic and international studies (Centre des études stratégiques et internationales) montre l’ampleur des subventions dont a bénéficié depuis des années l’industrie chinoise de la voiture électrique. Une première estimation fait ressortir un total de 230,8 milliards de dollars depuis 2009. Elle prend en compte cinq types de soutiens : les subventions nationales à l’achat, l’exemption de la tva de 10%, le financement par le gouvernement des infrastructures, les programmes de soutien à la recherche et développement et les achats massifs de véhicules électriques par le gouvernement et ses entités. Mais ce chiffre est sans doute très inférieur à la réalité. Il faut y ajouter les aides à l’achat de véhicules électriques spécifiques à plusieurs grandes villes, des avantages en termes de coûts des terrains, prix de l’énergie et prêts à taux réduits accordés aux constructeurs et enfin les aides apportées à l’ensemble de la filière y compris les fabricants de batteries et la production de minéraux pour ses batteries.

La guerre commerciale sur les véhicules électriques à batteries entre la Chine, l’Europe et les Etats-Unis ne cesse de s’envenimer. Le 12 juin dernier, la Commission européenne a annoncé imposer à partir du 4 juillet des droits de douane supplémentaires aux véhicules électriques importés de Chine allant de 17,4% à 38,1% selon les constructeurs en plus des 10% de droits de douane existants. Il s’agit d’une décision « préventive et temporaire » dont le taux définitif devra être fixé en novembre. Il s’agit officiellement selon la Commission européenne de compenser les subventions et aides massives accordées par le gouvernement chinois à son industrie automobile après l’ouverture d’une enquête pour dumping en octobre 2023.

Une étude qui n’est pas manichéenne et univoque

Mais surtout cette décision fait suite à celle de l’administration Biden qui à la mi-mai à fait passer soudainement les droits de douane sur les véhicules électriques chinois à 100% et à 25% sur les batteries importées de Chine.

Une étude approfondie réalisée par le Center for strategic and international studies (Centre des études stratégiques et internationales ou CSIS) tombe au bon moment pour montrer l’ampleur des subventions dont a bénéficié depuis des années l’industrie chinoise de la voiture électrique. Mais l’étude en question n’est pas manichéenne et univoque. Elle souligne notamment que : « Les partenaires commerciaux de la Chine expliquent que ces tensions sont la conséquence de la politique industrielle chinoise et de pratiques déloyales. Mais la Chine affirme que la croissance de ses exportations reflète l’avantage compétitif naturel du pays et la haute qualité de ses produits de ses entreprises… Il y a une part de vérité dans les deux points de vue. Les véhicules électriques chinois ont bénéficié d’un soutien massif de la politique industrielle et leur qualité s’améliore, ce qui les rend attrayants pour les consommateurs nationaux et étrangers. »

L’auteur du rapport, Scott Kennedy, estime « qu’il est peu probable que la persistance de ces subventions fasse partie d’uns stratégie intentionnelle visant à la domination mondiale de cette industrie… il s’agit plus probablement d’un sous-produit du système inefficace de politique industrielle de la Chine, dans lequel le soutien se prolonge généralement trop longtemps et est réparti de manière trop large ».

Des aides et des subventions qui n’ont cessé de grandir

Selon les calculs du CSIS, entre 2009 et 2023, le gouvernement chinois a apporté pas moins de 230,8 milliards de dollars à la filière des véhicules électriques à batteries. Et ses aides et subventions n’ont cessé de grandir.  Elles étaient de « seulement » 6,74 milliards de dollars par an entre 2009 et 2017 quand la filière était naissante avant de tripler entre 2018 et 2020 et d’augmenter encore fortement depuis 2021. Maintenant, les aides nationales à l’achat ont sensiblement baissé au cours des derniers mois et sont revenues en moyenne de 13.860 dollars par véhicule en 2018 à 4.600 dollars en 2023.

L’estimation de 230,8 milliards de dollars prend en compte cinq types de soutiens : les subventions nationales à l’achat, l’exemption de la tva de 10%, le financement par le gouvernement des infrastructures (surtout les bornes de recharge), les programmes de soutien à la recherche et développement des constructeurs et les achats massifs de véhicules électriques par le gouvernement et ses entités. Pas surprenant qu’il y ait encore aujourd’hui plus 200 constructeurs de véhicules électriques en Chine qui collectivement ont des capacités de production nettement supérieures à ce que peut absorber le marché intérieur, même s’il est de loin le premier au monde pour cette motorisation. Le marché chinois devrait ainsi absorber 10 millions de véhicules électriques cette année, soit près de 60% de la production mondiale…

Une somme bien inférieure à la réalité

Mais la somme de 230,8 milliards de dollars d’aides publiques est en fait, selon le CSIS lui-même, très inférieure à la réalité. Elle ne prend pas en compte trois catégories de subventions directes et indirectes. D’abord, les aides supplémentaires à l’achat de véhicules électriques apportées par plusieurs grandes municipalités, par exemple celles de Shanghai, Shenzen et le Changping district de Pékin… Il faut y ajouter les avantages en termes de coûts des terrains, prix de l’énergie et prêts à taux réduits accordés aux constructeurs. Un rapport récent de la Banque Mondiale montre qu’en 2022, l’industrie automobile chinoise a reçu des crédits avec des taux d’intérêt très faibles de l’ordre de 2%. Certains constructeurs ont aussi bénéficié de l’entrée dans leur capital de groupes publics.

Enfin, il faut prendre en compte les aides importantes apportées à l’ensemble de la filière industrielle y compris les fabricants de batteries et ceux qui extraient et raffinent les minéraux pour ses batteries. Tout cela représente des dizaines de milliards de dollars.

La rédaction