En matière de transition énergétique, il faut souvent soigneusement distinguer les discours et la réalité. Quand l’Amérique de Trump a décidé de se retirer des accords de Paris sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la Chine s’est empressée de réaffirmer son engagement à lutter contre le réchauffement climatique. Elle l’a encore fait il y a quelques semaines. Des promesses difficiles à tenir. La Chine est de loin le premier émetteur de CO2 de la planète avec 9,5 gigatonnes l’an dernier (+2,5%). Cela représente près de 27% des émissions mondiales.
Beijing a bien promis une «révolution énergétique» afin de réduire sensiblement sa dépendance au charbon. Le charbon est de loin la première source d’énergie responsable des émissions de CO2 (30% du total selon l’Agence Internationale de l’Energie). L’ambition annoncée de la Chine est de faire baisser rapidement la part du charbon dans sa production d’électricité. Elle est revenue de 68% en 2012 à 59% l’an dernier et devrait tomber à 55% en 2020. Mais en valeur absolue, la consommation de charbon continue à augmenter, du fait notamment de la croissance rapide de la demande en énergie et en électricité dans le pays. Par ailleurs, la volonté principale des dirigeants du pays est de rendre l’atmosphère des villes plus respirable, pas de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les voitures électriques et les bus à hydrogène rendent les métropoles plus habitables, peu importe si les centrales à charbon se multiplient à quelques centaines de kilomètres. La Chine s’est ainsi dotée, au cours des 18 derniers mois, de 42,9 gigawatts de capacités supplémentaires de production d’électricité avec des centrales au charbon.
40 nouvelles centrales au charbon
Et le pays a aujourd’hui un programme de construction de nouvelles centrales au charbon dont la capacité est équivalente à celle de tout le parc au charbon de l’Union Européenne! Cela correspond à près de 148 gigawatts de capacités de production en cours de construction ou de projets sur le point d’être relancés après avoir été suspendus. Ce calcul a été fait dans une étude rendue publique il y a quelques jours par l’ONG, Global Energy Monitor. Cette dernière s’est donnée pour mission de recenser les projets énergétiques utilisant des énergies fossiles.
Selon Global Energy Monitor, la Chine a donné depuis le début de l’année son feu vert à la construction de 40 nouvelles centrales au charbon. Non seulement le programme chinois est presque au gigawatt près équivalent à tout ce que l’Union Européenne compte aujourd’hui de centrales au charbon (150 gigawatts), essentiellement en Allemagne et en Pologne, mais il est nettement supérieur aussi aux 105 gigawatts de centrales au charbon en construction aujourd’hui dans le reste du monde.
«Au moment même ou de plus en plus de pays renoncent au charbon et arrêtent leurs centrales, le développement du charbon en Chine est de plus en plus en contradiction avec ce que font les autres», souligne le rapport. La Chine contribue également au financement d’un quart des nouvelles centrales au charbon construites dans le monde, notamment en Afrique du sud, au Pakistan et au Bengladesh. Si à l’échelle mondiale, la capacité de production électrique à base de charbon a augmenté de 35 gigawatts entre le début de l’année 2018 et juin 2019, la Chine en est le seul responsable. Cela est la conséquence de l’augmentation des capacités chinoises puisque dans le même temps le reste du monde retirait du service un total de 8.1 gigawatts de capacités au charbon.
Selon le rapport de Global Energy Monitor, la Chine qui est un leader mondial de l’énergie solaire et l’énergie éolienne, a les moyens de renoncer à construire des centrales en charbon en masse et met en danger les accords de la COP21 signés en décembre 2015 à Paris.
La Chine pourrait toutefois annoncer l’an prochain vouloir limiter ses capacités de production électrique au charbon à un maximum de 1.100 gigawatts. Elle atteint aujourd’hui de 1.027 gigawatts. Mais les producteurs de charbon et certains gouvernements régionaux et groupes industriels veulent porter cette limite à 1.200 gigawatts ou même 1.400 gigawatts d’ici 2035.
Pour l’agence Reuters, même si les coûts des énergies renouvelables (éolien et solaire) sont aujourd’hui compétitifs avec ceux du charbon et du gaz pour produire de l’électricité, les dirigeants chinois considèrent qu’il ne s’agit pas de modes de production fiables, car ils sont intermittents. Ils ne veulent pas risquer des coupures de courant tandis que la croissance de l’économie chinoise ralentit sensiblement et ne veulent pas, non plus, provoquer un mécontentement social dans les régions où se trouvent les mines de charbon. Ainsi, la Chine termine la construction de 1.800 kilomètres de voies ferrées pour transporter 200 millions de tonnes de charbon par an des mines du nord du pays vers les centrales du sud.