La Chine a construit sa domination écrasante du marché mondial des terres rares (exploitation et plus encore raffinage) à la fois pour faire face à ses besoins mais aussi comme une arme économique et géopolitique. Et dans la guerre commerciale engagée contre les Etats-Unis, Pékin entend bien s’en servir.
En représailles à l’augmentation considérable des droits de douanes infligés aux produits chinois par l’administration Trump (34% ajoutés aux 20% déjà existants) Pékin a annoncé dès le 4 avril appliquer la même augmentation de droits de douanes (34%) aux produits américains et aussi un renforcement des contrôles sur les exportations de sept types de terres rares (il y en a 17 dans le tableau périodique des éléments).
Une première étape de restrictions de fait à l’exportation
Ces mesures de contrôle des exportations ne constituent pas une interdiction générale, mais sont une première étape de restrictions à l’exportation. Elles signifient que toute vente à l’étranger fait l’objet d’un examen plus approfondi afin de déterminer qui achète et pourquoi. Pour d’autres métaux, les volumes d’exportation sont tombés à zéro après la mise en place du même type de contrôles, les exportateurs ayant eu besoin de beaucoup de temps pour obtenir leurs autorisations…
La Chine contrôle près de 70% de la production mondiale de terres rares, selon l’institut géologique américain (US Geological Survey). Et les Etats-Unis en sont dépendants. Ils ne comptent aujourd’hui sur leur sol qu’une seule mine de terres rares en activité, à Mountain Pass en Californie. Les minerais sont extraits et transformés en concentré avant… d’être ensuite expédiés en Chine pour y être raffinés. Cela explique l’ambition affichée sans vergogne par l’administration Bush de prendre le contrôle des gisements de terres rares qui se trouvent en Ukraine et au Groenland. Mais cela est loin d’être fait…
La Chine a déjà commencé depuis deux ans à contrôler étroitement les ventes de gallium, germanium, graphite et antimoine
Et la Chine entend bien utiliser son atout. Au cours des deux dernières années, Pékin a déjà imposé des restrictions similaires à celles annoncées le 4 avril sur d’autres minéraux dits critiques, tels que le gallium, le germanium, le graphite et l’antimoine, dans un contexte de tensions commerciales grandissantes.
La liste des terres rares faisant l’objet depuis le 4 avril de contrôles renforcés comprend le samarium, le gadolinium, le terbium, le dysprosium, le lutécium, le scandium et l’yttrium. Deux des terres rares les plus courantes et les plus stratégiques, le néodyme et le praséodyme, n’y figurent pas. Elles sont utilisées dans la fabrication des aimants indispensables à de nombreuses technologies liées à l’énergie et militaires.
Envolée à Hong Kong des actions des entreprises du secteur
« Contrairement aux sept terres rares sélectionnées, celles-ci sont aussi plus facilement disponibles en dehors de la Chine, ce qui pourrait rendre les contrôles moins efficaces », a expliqué à l’agence Bloomberg David Abraham, professeur à l’université d’État de Boise, dans l’Idaho. « Il est aussi possible qu’elles aient été exclues afin de préserver l’option de nouvelles mesures plus tard ». On peut donc parler aujourd’hui d’une riposte graduée de la part de Pékin et d’une menace voilée d’aller plus loin.
Maintenant, la décision de restreindre de fait les exportations de certaines terres rares n’a pas fait que des perdants. A la Bourse de Hong Kong, lundi 7 avril, les actions des entreprises du secteur étaient en forte hausse dans un océan de baisses. China Rare Earth Holdings gagnait jusqu’à 10%, China Northern Rare Earth Group plus 9,2 % et la société australienne Lynas Rare Earths plus de 5,1%.