Transitions & Energies

La Chine accélère sur les batteries solides avec des aides publiques massives


La stratégie de domination chinoise dans les technologies de la transition énergétique est constante depuis des années. Elle consiste à subventionner une filière industrielle entière, à lui permettre de développer technologies et moyens de production avec des partenariats étrangers et des investissements massifs, à conquérir ensuite le marché chinois et fort de cette base à détruire ensuite la concurrence avec une production massive et des prix contre lesquels les producteurs étrangers ne peuvent lutter. C’est exactement ce qui est en train de se passer dans le domaine très prometteur des batteries solides.

Les batteries solides sont le serpent de mer de la technologie des batteries. Elles ont le potentiel pour révolutionner cette industrie et celle des véhicules électriques. Mais jusqu’à aujourd’hui les promesses de développement et les annonces de percée technologique et de mises sur le marché n’ont jamais été tenues. En théorie, elles ont tout pour plaire. Elles sont plus légères, ont une plus grande densité énergétique, coûtent moins chères à fabriquer et se rechargent plus vite que les batteries lithium-ion. Cela signifie des voitures électriques moins coûteuses, la batterie est l’élément ayant le plus de valeur du véhicule, une plus grande autonomie et une plus grande rapidité de recharge. Dans les faits, cela fait des années que leur arrivée sur le marché est « imminente ».

Pourtant, les investissements en cours et à venir ont considérables. Par exemple, l’entreprise taïwanaise ProLogium compte investir 5,2 milliards d’euros d’ici 2030 pour développer une usine de batteries à électrolyte solide à Dunkerque. Toyota annonce la mise sur le marché d’ici 2028 d’une batterie solide offrant 1.500 kilomètres d’autonomie. Tour à tour au cours des dernières années Toyota mais aussi Samsung, Ford ou Hyundai ont annoncé des percées dans la technologie des batteries solides. Sans lendemains…

Création d’un consortium chinois pour le développement des batteries solides

De leur côté, Volkswagen et General Motors ont racheté des start-ups qui développent des batteries solides. Sans oublier, la très fameuse start-up américaine QuantumScape devenue un objet de spéculation à son entrée en Bourse à Wall Street en 2020, avec des actionnaires prestigieux comme Bill Gates, Volkswagen ou le Qatar. Elle a connu depuis des hauts et des bas et un temps son cours de Bourse s’est même effondré. Mais elle annonce pouvoir passer au stade de commercialisation de ses premières batteries solides dans les prochains mois… A voir.

Les uns et les autres pourraient en tout cas bien se faire battre au poteau par les industriels chinois qui dominent déjà très largement le marché mondial des batteries lithium-ion classiques. Et ils bénéficient pour cela d’un soutien de taille du gouvernement chinois. Ce dernier a encore annoncé il y a quelques jours une augmentation des crédits alloués au développement des batteries solides. Six groupes pourraient ainsi bénéficier de subventions et d’aides pour un total de plus de six milliards de yuans (830 millions de dollars).  Les potentiels bénéficiaires regroupés dans un consortium baptisé CASIP (China All-Solid-State Battery Collaborative Innovation Platform) sont les fabricants de batteries et constructeurs automobile CATL, BYD, WeLion (associé à Nio), FAW, SAIC et Geely.

Des annonces de Nio et CATL et l’implication des groupes de haute technologie

Sur le principe, une batterie à électrolyte solide est une batterie dans laquelle l’électrolyte liquide (c’est-à-dire le liquide qui transporte les ions d’une électrode à l’autre de la batterie) est remplacé par un matériau à l’état solide. Ce solide peut être un oxyde, un sulfure ou un polymère. Le principal problème est la formation de dendrites, un amas excédentaire d’électrolyte solidifié qui détruit la batterie. Pour autant, les électrolytes solides ont des performances qui expliquent les moyens mis pour poursuive leur développement. Elles augmentent considérablement la densité d’énergie des batteries et leur sécurité du fait de leur stabilité en température. Pour donner un ordre d’idée, les batteries lithium-ion les plus performantes ont une capacité de stockage de l’ordre de 250 Wh par kg, une batterie solide peut parvenir à 450 Wh par kg et sans doute plus.

On devrait pouvoir en juger assez rapidement. Le constructeur chinois Nio vient juste d’annoncer la possibilité de commander dans les prochains mois l’un de ses véhicules avec une batterie semi-solide de 150 kWh développée avec WeLion (voir la photographie ci-dessus). Si la promesse est tenue Nio sera le premier constructeur automobile à mettre une batterie solide, ou en partie solide, dans un véhicule commercialisé.

Le géant chinois des batteries, CATL, a lui récemment annoncé des avancées dans la technologie des batteries à l’état solide, incluant l’utilisation de nouveaux matériaux et des techniques de production promettant de réduire les coûts et d’augmenter les efficacités.

Encore plus significatif, les grands groupes technologiques chinois comme Huawei et Xiaomi se sont également lancés dans la batterie solide en misant sur leur expertise en électronique et en science des matériaux. Une collaboration voulue par le gouvernement chinois entre les fabricants de batteries et les groupes technologiques pourrait changer la donne. Ne serait-ce que parce que les groupes technologiques bénéficient de moyens financiers considérables et de l’aide d’un fonds semi public doté de 47,5 milliards de dollars notamment pour le développement de puces électroniques.

La rédaction