Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a donné lieu, sans surprises, à une avalanche d’annonces plus catastrophiques les unes que les autres et d’injonctions moralisatrices sur la nécessité de changer dans l’instant notre mode de vie et notre façon de nous alimenter. Mais au-delà, ce rapport et son sujet – «les changements climatiques, la désertification, la dégradation des terres, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres» – méritent bien mieux que cela.
Nous mettons donc en exergue les éléments, d’après nous, les plus importants et les plus significatifs de cette étude de 1.200 pages rendue publique le 8 août. Il y en a quatre.
1)-La température des sols a déjà augmenté de plus de 1,5 degré Celsius depuis les débuts de la révolution industrielle, selon les données du GIEC. Sur la même période, la température moyenne sur terre a progressé de 0,87 degré Celsius. Tout cela est parfaitement cohérent avec l’état de la science puisque les terres voient leurs températures augmenter environ deux fois plus vite que la planète dans son ensemble.
2)-Les terres sont une ressource limitée et très exploitée. Plus de 70% des sols qui ne sont pas recouverts de glace sont utilisés par l’activité humaine pour les cultures et pour les espaces habités. L’expansion de l’agriculture et de la sylviculture et une augmentation des rendements ont permis de nourrir une population croissante, mais ont aussi entraîné une hausse des émissions de gaz à effet de serre et une baisse de la biodiversité.
Les sols exploités par l’homme émettent environ 23% des gaz à effet de serre dont 13% du CO2 et 44% du méthane, qui a un effet bien plus radical sur le réchauffement que le carbone mais en revanche se disperse dans l’atmosphère au bout d’une dizaine d’années. Le méthane est 28 fois plus réchauffant que le CO2.
Il sera encore plus difficile de réduire les émissions provenant de l’agriculture que de se passer des énergies fossiles. Car on ne peut pas arrêter du jour au lendemain d’occuper les sols et de produire des denrées alimentaires… Pour modifier notre façon d’utiliser les terres, il faut transformer le mode de vie de l’humanité. Apporter plus aux 820 millions de personnes qui, selon le GIEC, souffrent de la faim dans le monde et faire que les 2 milliards d’adultes obèses ou en surpoids, toujours selon le GIEC, se nourrissent différemment.
Enfin, il faut aussi se rendre compte que les terres ne peuvent pas remplir plusieurs fonctions simultanément. Elles ne peuvent pas nourrir les hommes et faire pousser des forêts qui absorberont le CO2.
3)-L’humanité utilise entre un quart et un tiers de la production d’énergie primaire des sols. En clair, la production primaire des terres est celle de la photosynthèse, de la conversion de l’énergie solaire en plantes. Toute la chaine alimentaire mondiale, à quelques rares exceptions, est construite sur la photosynthèse qui fait qu’une plante utilise l’énergie solaire pour se développer et se retrouve ensuite directement ou indirectement dans notre assiette, dans nos verres, dans nos vêtements, dans nos meubles et sur nos sols.
Mais cette statistique, en soi déjà assez extraordinaire, ne recouvre pas le fait que plus de 80% des énergies utilisées aujourd’hui dans le monde sont des énergies fossiles, c’est-à-dire du pétrole, du charbon et du gaz issus de la décomposition pendant des millions d’années de ces mêmes plantes…
4)-La partie des sols restée naturelle joue un rôle majeur dans la lutte contre le réchauffement. Les 70% des terres non recouvertes de glace que nous exploitons produisent 5 gigatonnes de gaz à effet de serre par an. Les 30% restant, qui sont à l’état naturel, absorbent 11 gigatonnes de gaz à effet de serre par an.
Pour mémoire, l’activité humaine aurait injecté dans l’atmosphère depuis la révolution industrielle, au début du 19ème siècle, environ 300 gigatonnes de CO2. On comprend pourquoi un plan de reforestation à l’échelle de la planète est aujourd’hui prôné par de nombreux experts. Ils estiment qu’il faudrait ajouter au moins un milliard d’arbres aux 3 milliards qui existent.