L’augmentation brutale et inattendue des prix de l’énergie depuis le début de l’année liée à la reprise économique moniale et à des pénuries de carburants fossiles (notamment de gaz et de charbon) a un impact sur le pouvoir d’achat des Français. Pour éviter des réactions de type gilets jaunes et à quelques mois de l’élection présidentielle, le gouvernement a sorti son chéquier. Il a mis en place un «bouclier tarifaire» pour limiter la hausse et a commencé depuis quelques jours à verser aux 38,2 millions de Français qui gagnent moins de 2.000 euros net une «indemnité inflation» de 100 euros.
«L’indemnité inflation» coûtera pas moins de 3,82 milliards d’euros à l’Etat. Et il faut y ajouter l’an prochain 5,9 milliards pour baisser les taxes sur l’électricité (TICFE) afin de plafonner la hausse des tarifs à 4% pour le consommateur et 1,2 milliard d’euros pour compenser les fournisseurs de gaz contraints à un blocage des prix.
Ces mesures très coûteuses seront-elles pour autant suffisantes? La dernière note de conjoncture de l’Insee, publiée le 14 décembre, apporte la réponse. Elle calcule la facture réelle pour les ménages de l’augmentation des prix de l’énergie.
Trente euros par mois et par ménage en plus
Elle chiffre d’abord l’augmentation des prix à la consommation, du gaz, des carburants et de l’électricité, entre décembre et octobre 2021, à respectivement 41%, 21% (+21,9 % pour le gazole et +20,5 % pour l’essence ) et 3%. Mais ces chiffres donnent une image faussée de la réalité de l’impact sur le pouvoir d’achat des ménages, car les prix du gaz et des carburants étaient faibles à la fin de l’année dernière du fait de la pandémie et de la récession mondiale.
L’Insee a donc comparé la facture énergétique des ménages en octobre dernier à celle de novembre 2019, avant que la pandémie ait un impact sur les cours du pétrole et du gaz. La différence reste non négligeable. Elle ressort en moyenne à 35 euros supplémentaires par mois. Une petite partie du surcoût s’explique par une augmentation de la consommation (de fioul et surtout de carburant), mais l’essentiel, soit 30 euros par ménage, est la conséquence directe de l’augmentation des prix.
Et contrairement à ce qu’on imagine, ce n’est pas la hausse du pétrole qui pèse le plus sur le budget des ménages mais celle du gaz… Les Français dépensent davantage chaque mois en carburant pour leur véhicule qu’en gaz pour le chauffage et la cuisson des aliments. Mais tandis que les cours du pétrole ont augmenté d’environ 20% entre novembre 2019 et octobre 2021, ceux du gaz se sont envolés de 40% sur la même période. Pour l’ensemble des ménages, le prix du gaz représente ainsi à lui seul la moitié du surcoût, soit 14 euros. Le reste se décompose entre les augmentations du carburant (8 euros), de l’électricité (6 euros) et du fioul (2 euros).
Tous les Français ne sont pas égaux, évidemment, face à ses hausses. Elles sont plus importantes pour les ménages les plus aisés, qui consomment davantage d’énergie, que les plus modestes mais ils peuvent plus facilement les supporter. Les écarts sans doute les plus sensibles et les plus problématiques sont ceux liés à la géographie. La France périphérique, celle qui est contrainte d’utiliser bien plus la voiture, qui habite dans des logements moins bien isolés et dont les revenus sont plus modestes, est la plus affectée.
La France périphérique, la plus affectée
«La facture est plus élevée dans les zones rurales et moindre dans les grandes villes, en particulier dans la région parisienne. Cela reflète la plus forte consommation de carburant en zone rurale du fait de trajets plus importants», explique Olivier Simon, le chef de la division synthèse conjoncturelle de l’Insee. L’organisme rappelle que le budget consacré aux carburants par un ménage sur une année peut aller en moyenne de 650 euros dans l’agglomération parisienne à 1.550 euros dans une commune rurale (selon l’enquête Budget de famille menée en 2017).
Pour les ménages habitant dans les zones rurales, l’augmentation des prix de l’énergie représente en moyenne une dépense supplémentaire de 33 euros par mois (soit près de 400 euros sur une année), contre 28 euros dans les grandes villes. Et cette fois, la différence provient avant tout du surcoût provenant des carburants qui pèsent pour 12 euros par mois en plus dans les zones rurales et seulement 5 euros en plus dans les grandes agglomérations. Les métropoles disposent de transports en commun qui offrent des alternatives à l’automobile que n’ont pas les habitants des zones rurales.
Les petites villes présentent encore un autre cas de figure. La hausse atteint également 33 euros, mais s’explique davantage par l’évolution du prix du gaz (14 euros) et un peu moins par celle du carburant (10 euros). Dans les villes moyennes et dans l’agglomération parisienne, c’est très nettement le gaz qui fait gonfler la facture, de 17 euros par mois en moyenne.