La définition de la transition énergétique est assez simple. Elle consiste à substituer d’autres sources d’énergies qui émettent moins de gaz à effet de serre aux carburants fossiles. L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines. Le reste, c’est de l’idéologie utilisant la transition comme prétexte. Ainsi, la guerre contre l’énergie nucléaire menée par les partis écologistes n’a en fait rien à voir avec la transition et tout avec la raison d’être originelle de ces mêmes partis… Les partis écologistes en Europe sont nés dans les années 1970 pour combattre le nucléaire. Cette source d’énergie étant la moins carbonée de toutes, ce combat originel est devenu contradictoire avec celui contre les émissions de gaz à effet de serre. Mais peu importe. Il est difficile pour un mouvement politique d’admettre que son fondement idéologique est à jeter aux oubliettes.
Cela ne signifie pas que l’énergie nucléaire ne présente pas de nombreux inconvénients et problèmes. Mais pas celui d’émettre des gaz à effet de serre.
Une hostilité viscérale à la capture et au stockage du CO2
Il en va de même de la confusion entretenue à dessein entre énergies renouvelables et décarbonées. Les sources d’énergies renouvelables émettent aussi des gaz à effet de serre et parfois dans des quantités non négligeables, à commencer par le solaire. Et elles en émettent aussi indirectement quand elles contraignent à maintenir en permanence des capacités de production électriques fossiles que l’on peut activer quand il n’y a pas de vent ou de soleil. Sinon les réseaux électriques s’effondreraient.
Cela ne signifie pas que l’éolien et le solaire ne sont pas utiles à la transition, mais qu’ils présentent de nombreux inconvénients qui font qu’ils sont incapables de répondre à de nombreux besoins des sociétés modernes. Et ils le seront tant qu’il n’existera pas des technologies offrant des capacités de stockage de l’électricité à l’échelle des besoins d’un pays.
Mais le plus incompréhensible est l’hostilité viscérale à la capture et au stockage du CO2. Une technologie décriée, jugée inefficace, dangereuse, anecdotique. Et pourtant, le GIEC, y compris dans son dernier rapport publié le 9 août, souligne la nécessité de recourir à la capture de carbone, qui a le «potentiel de retirer du CO2 de l’atmosphère et de le stocker durablement dans des réservoirs». L’Agence Internationale de l’Energie (AIE), le World Economic Forum, l’Académie des sciences américaine ou l’Imperial College de Londres prônent aussi depuis des années le développement de cette technologie jugée indispensable.
Il n’y a que l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) en France pour considérer que la capture et le stockage du CO2 présentent un intérêt «limité». Mais il n’est plus nécessaire de prouver que l’Ademe est mue surtout par des considérations politiques et même pseudo morales. Elle écrivait dans une étude publiée il y a un an qu’il s’agit d’une technologie «anecdotique au niveau mondial».
Cela fait 50 ans que la technologie existe
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et notamment de CO2, liées à l’énergie, il n’existe en fait que deux moyens. Le premier consiste à en émettre moins, en en consommant moins et en utilisant des énergies décarbonées pour les substituer aux énergies fossiles. Ce processus est en cours, mais comme toutes les transitions énergétiques de l’histoire, il est lent et difficile. Et plus encore au XXIème siècle compte tenu de l’échelle de la transformation à faire et parce que dans des domaines clés grands consommateurs d’énergie comme les transports, le chauffage, l’industrie et l’agriculture, les technologies de substitution aux carburants fossiles ne sont pas suffisamment développées. Cela signifie qu’il faudra impérativement utiliser le second moyen pour réduire les émissions de CO2, empêcher qu’elles se répandent dans l’atmosphère en les capturant et en les stockant ensuite, notamment dans le sous-sol. Il s’agit certainement d’un pis-aller, d’une technologie à usage limité pendant quelques décennies, mais nous n’avons pas vraiment le choix.
Même si cette technologie doit encore progresser et se généraliser, si les investissements à faire sont considérables et si pour la rendre économiquement viable, le prix du carbone doit fortement augmenter, elle est en fait déjà utilisée depuis 50 ans… L’industrie pétrolière notamment capture plus de 35 millions de tonnes de carbone par an. Le groupe pétrolier norvégien Equinor injecte depuis 25 ans du carbone dans un aquifère salin.
Pour Brad Page qui dirige le Global CCS Institute, un Think Tank qui entend promouvoir la capture et le stockage du CO2, «la prochaine décennie sera cruciale pour permettre à notre technologie d’atteindre suffisamment rapidement la taille nécessaire pour avoir un impact sur le réchauffement climatique. Les investissements nécessaires sont nettement supérieurs à ce que les gouvernements sont prêts à apporter, surtout à court terme. Mais les gouvernements jouent un rôle clé pour inciter les investisseurs privés à consacrer des capitaux importants à cette technologie».
Une technologie sans risques
Il va falloir aussi rassurer les opinions publiques et leur montrer qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur du CO2. Il ne s’agit pas d’un polluant dangereux au sens premier du terme. Il a un impact sur le réchauffement climatique, mais il est indispensable à la vie et il en sort en permanence de nos appareils respiratoires. Ensuite, la capture et le stockage du dioxyde de carbone concernent en premier lieu les installations industrielles particulièrement polluantes (centrales thermiques au charbon, au gaz ou au fioul, raffineries de pétrole, usines sidérurgiques ou pétrochimiques, cimenteries…).
Les processus mis en œuvre consistent à isoler puis capturer (par postcombustion, précombustion ou oxycombustion) le CO2 émis et enfin à le stocker. Une fois capturé, le CO2 est transporté (par canalisation, pipeline, véhicule, bateau…) afin de le stocker dans le sous- sol terrestre. La solution privilégiée, qui présente le moins de risques pour la faune et la flore, est le stockage géologique, c’est-à-dire l’injection du CO2 dans des aquifères profonds ou des réservoirs d’hydrocarbures vides. Ces derniers sont déjà fréquemment utilisés. Les réserves de gaz stratégiques françaises sont, par exemple, stockées dans les anciens gisements de gaz de Lacq et d’ailleurs.
Il y a aujourd’hui en fonctionnement dans le monde une vingtaine de systèmes importants de capture et de stockage du CO2 dans 9 pays, à savoir les États-Unis, le Canada, la Norvège, les Pays- Bas, le Royaume-Uni, l’Australie, la Chine, le Japon et les Émirats arabes unis. Il en faudrait au moins 2.000 selon l’AIE pour que leur impact soit significatif. Mais pour cela, il faudra franchir un autre obstacle, celui de la logique économique. La clé est dans la taxe carbone. Celle-ci doit être suffisamment élevée pour que les groupes industriels trouvent plus rentable de capturer et stocker le CO2 émis plutôt que de payer la taxe.