Si les cellules photovoltaïques exploitent aujourd’hui essentiellement le silicium, d’autres matériaux semiconducteurs peuvent être utilisés, à l’image de la pérovskite qui agite les laboratoires aujourd’hui. Concentrés par des lentilles, sous forme de films fins ou imprimables sur du verre, les futurs capteurs solaires pourraient prendre de multiples formes et être de plus en plus performants.
De nouveaux matériaux et de nouvelles méthodes de captation de la lumière pourraient transformer en profondeur les cellules solaires. Demain, elles seront toujours moins chères, plus minces, plus légères, souples ou organiques avec un rendement qui continuera à augmenter régulièrement. Dans ce domaine, les records sont battus plusieurs fois par an dans les laboratoires. D’où un décalage important entre les performances des produits commerciaux et ceux des prototypes. Quand le rendement des premiers reste souvent en dessous des 20 %, celui des seconds dépasse les 40 %. Cela donne une idée de la marge de progression disponible.
Le silicium, sous l’impulsion de son utilisation massive dans la microélectronique et de son abondance, assure aujourd’hui l’essentiel de la production mondiale des capteurs solaires. Ce sont les capteurs en silicium polycristallin (Multi- Si) qui dominent le marché des panneaux photovoltaïques depuis 2006 avec une part d’environ 60 % en 2018 devant le silicium monocristallin à 35 % et les films fins à 5 %, selon le Fraunhofer Institute allemand. Il est désormais établi que la transformation de la lumière en courant électrique passe par des matériaux semiconducteurs. Mais le silicium est-il la seule voie possible ? Les laboratoires étudient des alternatives qui pourraient réserver des surprises.
LE PÉROVSKITE, DÉCOUVERT EN 1839, POUR REMPLACER LE SILICIUM. Déjà, une découverte improbable, la pérovskite, fait l’objet d’une avalanche d’annonces depuis 2016. Il s’agit d’un minéral composé de calcium, de titane et d’oxygène (titanate de calcium) découvert par un minéralogiste russe, Lev Perovski, en 1839 dans l’Oural et baptisé en son honneur par le minéralogiste allemand Gustav Rose qui l’étudie. La pérovskite surgit ainsi l’année même où Edmond Becquerel découvre l’effet photoélectrique…
Il faudra attendre 2006 pour que le Japonais Tsutomu Miyasaka de l’université Toin révèle que certaines pérovskites ont des propriétés semiconductrices. En 2012, la première cellule solaire réalisée par Henri Snaith, à l’université d’Oxford, atteint 10 % de rendement. Aujourd’hui, elles dépassent les 22 %. Néanmoins, les premières cellules pérovskites présentent des défauts majeurs pour une utilisation industrielle. En effet, leur structure se dégrade rapidement sous l’effet de la lumière. En 2016, les travaux d’une équipe de chercheurs de Rennes associée à des laboratoires américains montrent que les cellules se réparent spontanément… dans le noir ! Associée au retrait d’impuretés qui améliore leur durée de vie, cette découverte semble ouvrir la voie à une exploitation commerciale des cellules pérovskites qui peuvent être en quelque sorte imprimées. C’est-à-dire se déposer sous forme d’encre sur une surface de verre ou sur un support souple, ce qui offre des perspectives d’applications presque infinies. On imagine déjà des vitrages générateurs de courant électrique.
Tandis que le rendement maximal que peuvent atteindre les capteurs en silicium est évalué à 29 %, celui de la pérovskite pourrait atteindre les 35 %. Déjà, des chercheurs de l’Australian National University (ANU) associés au fabricant de panneaux solaires chinois JinkoSolar ont annoncé en 2019 avoir atteint les 21,6 % de rendement en laboratoire. D’autres chercheurs américains et sud-coréens affichent, quant à eux, un record à 24,2 %. Pour l’Agence internationale de l’énergie renouvelable (Irena), la pérovskite est le matériau le plus prometteur pour le solaire, même si elle considère que son industrialisation devrait prendre du temps, en particulier pour maîtriser sa stabilité. En attendant, les records de performance se multiplient. Le centre de recherche allemand Helmholtz-Zentrum Berlin (HZB) a annoncé le 29 janvier 2020 avoir atteint 29,15 % de rendement avec une cellule associant silicium et pérovskite.
Cette stratégie consiste à mettre en pratique l’une des découvertes d’Edmond Becquerel. En utilisant des filtres colorés, le physicien avait noté que l’effet photoélectrique varie en fonction de la fréquence de la lumière. Le spectre du rayonnementsolaire couvre en effet une large gamme de longueurs d’ondes, de 250 à 2 500 nanomètres (nm), allant de l’ultraviolet aux infrarouges en passant par la lumière visible (390 à 710 nm). Or, le silicium est plus sensible à la partie rouge du spectre tandis que la pérovskite réagit plus à la partie bleue. D’où l’intérêt du couplage.
L’HÉTÉROJONCTION. En associant une couche de silicium monocristallin avec des dépôts de silicium amorphe, les chercheurs du CEA-Liten travaillent sur ce qu’il nomme une hétérojonction qui a atteint les 26,7 % de rendement chez le fabricant japonais Kaneka en 2017. Les records actuels de rendement des cellules solaires proviennent ainsi de systèmesmulticouches qui remplacent le silicium par des combinaisons d’éléments, chacun étant plus efficace dans la conversion en électricité de certaines longueurs d’ondes. Ainsi, le sandwich réalisé exploite au mieux l’ensemble du spectre de fréquences de la lumière solaire. Avec ce principe, le laboratoire CEA-Leti, avec l’entreprise française Soitec et le Fraunhofer, a obtenu un rendement de 46 % dès 2014. Cette technologie pourrait être intégrée à des panneaux solaires à concentration, c’est-à-dire qui utilisent des lentilles pour focaliser la lumière du soleil sur les cellules en la multipliant par un facteur pouvant atteindre les 500 fois. Dès 2013, le japonais Sharp affichait un record de 44,4 % de rendement à l’aide d’une triple jonction et d’une concentration de la lumière.
D’autres voies sont explorées comme le recours aux nanoparticules dans des boites quantiques, c’est-à-dire des nanostructures de semiconducteurs. D’après les propos des ingénieurs de l’université du Queensland rapportés par TheGuardian du 17 février 2020, ces points quantiques peuvent être imprimés sur des supports flexibles transparents afin de créer une sorte de « peau solaire ». Les rendements obtenus ont bondi de 13,4 à 16,6 % d’après les chercheurs qui visentl’équipement de téléphones mobiles d’ici deux ans et de panneaux de toit d’ici cinq ans. Avec un défi que vont rencontrer tous les concurrents du silicium : le coût.
La baisse du prix de vente des capteurs induite par la Chine rend délicate toute concurrence. Pour autant, le foisonnementdes recherches sur les matériaux comme sur les méthodes de production de nouveaux capteurs solaires laisse présager à la fois des progrès dans les performances et un développement industriel rapide.
Demain, la production d’électricité à l’aide de lumière pourrait transformer en profondeur notre relation avec cette énergie. Les capteurs pourraient couvrir non seulement les toits mais aussi nombre d’objets qui nous entourent : les vitres, les automobiles, les vêtements, les appareils électriques… Progressivement, le solaire s’imposera en raison de ses qualitésnaturelles : son caractère inépuisable, renouvelable et gratuit. Pour cela, il lui faudra néanmoins prendre en compte ses défauts: son intermittence, sa variabilité et la nécessité de recycler les capteurs.
Michel Alberganti