En préambule et pour que la problématique soit bien posée, la vitesse est un facteur aggravant de tous les accidents automobiles. C’est tout simplement de la physique. Plus la vitesse est élevée, plus l’énergie dégagée lors du choc est forte et plus les dégâts sont importants. Cela dit, la vitesse n’est pas pour autant à l’origine des accidents et il faut prouver qu’en la limitant le nombre d’accidents a bien baissé.
Dans ce domaine, les pouvoirs publics font la démonstration de ce que peut être de la propagande habillée de statistiques pseudo scientifiques. Cela est aussi malheureusement souvent le cas en matière d’énergie de la part d’organismes publics voire de cabinets ministériels. L’objectif n’est pas de tirer des conclusions rigoureuses d’une expérience mais de justifier à tout prix des décisions et des à-priori.
Amalgames et conclusions arbitraires
Revenons à la décision prise d’imposer à l’été 2018, le 1er juillet, la vitesse maximum à 80 kilomètres heure pour les voitures et les motos au lieu de 90 kilomètres heure sur les routes secondaires. L’argument avancé alors était que cela permettrait de sauver des centaines de vies par an, de «350 à 400 par an» selon le Premier ministre Edouard Philippe. Depuis, pour justifier une mesure impopulaire et qui a été en partie à l’origine du mouvement des gilets jaunes, on assiste tous les quelques mois à des publications officielles de statistiques et d’argumentaires pour démontrer l’efficacité et la justesse d’une mesure incontestable puisqu’elle permet de «sauver des vie». Sauf que les argumentaires en question ne prouvent rien.
Le dernier en date fait le bilan après deux ans «d’expérimentation». Il a été fait par le Cerema, (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). Ce dernier a été missionné par Edouard Philippe pour établir un bilan et respecter ainsi une clause de revoyure au 1er juillet 2020. Ces conclusions sont évidemment favorables et aujourd’hui, la mesure a donc été entérinée sauf par les départements, nombreux, qui ont décidé de l’annuler en dépit des pressions parisiennes et des préfets.
Selon Marie Gautier-Melleray, fraîchement nommée déléguée interministérielle à la sécurité en remplacement d’Emmanuel Barbe, les études du Cerema prouvent que 349 vies ont été sauvées entre le 1er juillet 2018 et le 29 février 2020. La période a été choisie en raison du confinement mis en place le 17 mars mais elle ne tient pas compte du mouvement des gilets jaunes. Le problème est que le Cerema ne démontre rien… Par définition, l’accidentalité est multi-factorielle. Il aurait donc fallu déterminer l’importance respective des différentes causes d’accidents selon les périodes comparées. Un travail difficile qui n’a pas été fait. Alors comment le Cerema peut tirer des conclusions mettant en avant un seul facteur arbitrairement choisi comme cause d’accident à savoir la vitesse et sa diminution moyenne de 3,3 km/h! Parmi les autres causes d’accident possibles, on peut citer pêle-mêle: l’alcool, les stupéfiants, l’erreur humaine, l’inattention et la somnolence, l’usage du téléphone portable, la défaillance mécanique, le mauvais état de la chaussée ou du véhicule, les conditions météorologiques…
Pas de baisse mesurable de la pollution
Comme le souligne la Ligue de Défense des Conducteurs, le rapport du Cerema a beau faire 122 pages et afficher une grande créativité à l’aide de multiples formules mathématiques complexes pour tenter d’être crédible, il ne prouve à aucun moment que les vies épargnées l’ont été grâce à l’abaissement de la vitesse maximum. C’est une possibilité qu’on ne peut pas rejeter, mais rien ne permet non plus de l’affirmer…
La preuve de la mauvaise foi du gouvernement et du travail douteux du Cerema est apportée par le fait que les chiffres utilisés concernent la mortalité routière «hors agglomération» et «hors autoroute». Il s’agit donc d’un amalgame de la totalité du réseau routier secondaire et tertiaire sur lequel la vitesse n’est pas limitée à 80 km/h mais aussi parfois à 60, 70, 90 voire 110 kilomètres heure lorsqu’une séparation départage les deux sens de circulation…
L’étude montre par ailleurs que la vitesse effective sur les routes secondaires aurait diminué seulement en moyenne de 3,3 km/h. Il est difficile de croire qu’une baisse aussi limitée peut avoir un impact vraiment mesurable sur l’accidentalité.
Un autre argument, qui avait été abondamment avancé pour justifier la baisse de la vitesse y compris par le Président de la République Emmanuel Macron, était celui de la diminution de la pollution et des nuisances. Même le Cerema renonce de fait à le démontrer. Car les bilans écologiques et sonores ne sont pas concluants. La Ligue de Défense souligne d’ailleurs que le rapport du Cerema interprète, sans succès, une expérimentation sur des voies passées à 70 km/h et non 80 km/h… Mais même avec une telle réduction de la vitesse de 20 kilomètres heure, le rapport affirme que la variation des émissions polluantes (de particules fines et d’oxydes d’azote) à ces vitesses est «très faible voire nulle». Il en va de même pour les nuisances sonores, puisque rouler 10 km/h moins vite permettrait de descendre le volume d’un décibel, autrement dit une valeur imperceptible. Surtout si la baisse effective de la vitesse moyenne est de 3,3 hm/h!
La crédibilité de l’Etat
La conclusion est qu’en se comportant ainsi, c’est-à-dire en cherchant par tous les moyens et par des démonstrations sans valeur, à prouver la justesse des décisions prises, les pouvoirs publics contribuent à alimenter la défiance grandissante envers l’autorité et la parole de l’Etat.
Dans le domaine de l’énergie et des stratégies de transition, les exemples comparables ne manquent pas. Ainsi, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a publié à la fin de l’année dernière une étude pour démontrer que passer à 100% d’électricité d’origine renouvelable était une hypothèse réaliste. Une démonstration qui avait soulevé un tollé parmi les experts tant les hypothèses retenues étaient absurdes et ne l’avaient été que pour démontrer la validité de la thèse finale. La méthode était tellement contestable qu’il n’y avait pas de Comité scientifique pour appuyer l’étude. L’académie des technologies considérait que «les conclusions de l’étude de l’Ademe doivent être prises avec la plus grande prudence». Elles sont affectées par «de nombreuses erreurs de méthodes et des contradictions». Elles «ne devraient en aucun cas servir de base à des décisions de politique publique». Il en va de même pour «l’expérimentation» des 80 km/h.