Le stockage de l’électricité est une des clés technologiques de la transition énergétique. Car elle est indispensable pour sécuriser et équilibrer les réseaux quand la part de renouvelables intermittents et aléatoires (éolien et solaire) devient importante dans la production. Jusqu’à aujourd’hui, les technologies permettant un stockage à grande échelle et économiquement acceptable sont relativement limitées, hydraulique avec les STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage) et la production d’hydrogène bas carbone par électrolyse. Le reste, notamment les batteries lithium-ion, n’est pas à l’échelle des besoins et n’est pas économiquement possible.
Il faut aussi savoir qu’en fait l’électricité ne se stocke pas. Elle se transforme mécaniquement (hydraulique), chimiquement (batteries, hydrogène) et ensuite cela permet de produire à nouveau de l’électricité. Ce qui signifie qu’il y a forcément une perte d’efficacité énergétique plus ou moins importante.
Stocker l’électricité sous forme de chaleur
Mais une nouvelle possibilité émerge qui présente, au moins en théorie, de nombreux avantages. Celle des batteries dites thermiques qui comme leur nom l’indique stockent l’électricité sous forme de chaleur. Elles convertissent l’électricité excédentaire sur le réseau en chaleur à très hautes températures conservée par différents matériaux accessibles et abondants qui ont la capacité physique de conserver la chaleur, allant du graphite au sel fondu en passant par des briques, de l’air comprimé, du silicium ou du métal liquide. Leur déploiement peut être relativement rapide et simple.
« Le stockage de l’énergie thermique a le potentiel de contribuer grandement à la décarbonisation de la production de chaleur et d’électricité dans le monde, tout en aidant à garantir que le système énergétique fonctionne de manière abordable, fiable et efficace», affirme un rapport de 2022 du cabinet de conseil McKinsey. Il souligne notamment la très grande compétitivité économique de cette solution technique. McKinsey estime que le coût d’exploitation d’une pompe à chaleur avec stockage thermique n’est que de 15 à 25 dollars par mégawattheure.
« 12 fois la densité énergétique d’une batterie au plomb »
L’efficacité énergétique aller-retour est aujourd’hui de l’ordre de 40% et pourrait atteindre assez rapidement 50% avec l’amélioration des prototypes. Il faut tout de même savoir que les batteries thermiques perdent en moyenne 1% de l’énergie stockée par jour. Tout cela dépend évidemment de la température de leur environnement.
Plusieurs expérimentations assez prometteuses ont été réalisées et sont en cours. La première batterie thermique a été mise en ligne en 2018 par l’entreprise sud-australienne CCT Energy. Son dispositif baptisé TED utilise l’électricité excédentaire pour chauffer du silicium jusqu’à ce qu’il arrive à un point de changement de phase qui fait passer le matériau d’un état solide à un état liquide ou gazeux. Cette énergie peut alors être stockée à « plus de 12 fois la densité énergétique d’une batterie au plomb », selon CCT Energy.
Surmonter le manque de notoriété
Autre exemple, celui du Heatcube, développé par une entreprise norvégienne, Kyoto Group(voir l’image ci-dessus). Il se présente sous la forme de réservoirs remplis de sel, installés à l’endroit où la chaleur est nécessaire. Les réservoirs de sel verticaux de Heatcube sont rechargés par l’électricité pendant les périodes de faible coût. Le sel fondu est particulièrement efficace pour conserver la chaleur à des températures allant jusqu’à 500°C. L’un des principaux actionnaires de Kyoto est le géant espagnol Iberdrola. L’Espagne a plus de dix ans d’expérience dans l’utilisation du sel fondu pour stocker la chaleur qui sera évacuée au coucher du soleil pour créer de la vapeur qui produira de l’électricité pendant la nuit.
Le plus grand problème pour le stockage de l’énergie thermique est le manque de notoriété et de publicité pour cette technologie dans un environnement permanent d’annonces plus ou moins sérieuses de percées technologiques et de révolutions à venir. Le rapport McKinsey identifie le manque d’informations des dirigeants industriels et politiques comme étant le principal frein au déploiement du stockage de l’énergie thermique à grande échelle.