Le problème avec les batteries de véhicules électriques tient aux annonces incessantes dans les publications scientifiques et les médias, et depuis des années, de découvertes majeures qui vont permettre d’augmenter considérablement l’autonomie des véhicules et de réduire tout aussi considérablement le temps de recharge. Des promesses qui ne se concrétisent presque jamais. La découverte faite par une équipe de chercheurs de l’Université de Stanford en partenariat avec le Toyota Research Institute, le MIT (Massachussetts Institute of Technology) et l’Université de Washington est d’une toute autre nature. Elle pourrait permettre d’améliorer grandement le processus final de fabrication des batteries tel qu’il existe aujourd’hui.
Elle remet en cause la pratique de tous les fabricants de batteries qui consiste à la fin de la chaîne de production à mettre les batteries en charge lentement pendant une dizaine d’heures avec un courant assez faible. L’idée commune dans l’industrie est que si charger les batteries neuves pendant dix heures prend du temps et coûte cher, cela permet de limiter la perte de lithium et donc de prolonger leur durée de vie.
Tout dépend de la façon dont se crée la couche dite SEI (solid electrolyte interphase)
En fait pas du tout selon les scientifiques du SLAC-Stanford Battery project de l’Université de Stanford dirigée par le Professeur Will Chueh. Ils ont totalement changé de méthode et rechargés pendant seulement 20 minutes et à très forte intensité les batteries neuves. Ces dernières ont perdu beaucoup de métal mais ont vu leur durée de vie augmentée de 50%… Un article décrivant en détails les expériences et les tests réalisés a été publié le 29 août dans la revue scientifique Joule.
En résumé, la stratégie de première charge des batteries avec un courant faible a été largement adoptée en partant du principe que minimiser la perte de lithium au départ est le meilleur moyen de prolonger la durée de vie de la batterie. Cette longue charge initiale permet à une couche semi-solide de se former autour de l’électrode négative, la protégeant ainsi des réactions secondaires qui rongent le lithium restant à chaque cycle de charge ultérieur.
Cette couche, appelée SEI (solid electrolyte interphase), est décrite comme « molle ». La façon dont elle se crée est essentielle. Elle est cruciale dans la fabrication de la batterie. « La formation est l’étape finale du processus de fabrication, donc si elle échoue, tous les efforts investis dans la batterie jusqu’à ce moment-là sont perdus », explique le chercheur principal de l’équipe du SLAC, Xiao Cui.
Beaucoup plus de pertes de lithium et une durée de vie bien plus grande !
Voilà pourquoi, les scientifiques ont travaillé à partir d’études indiquant qu’une charge lente n’était peut-être pas le meilleur moyen d’optimiser le SEI. Leur méthode de charge rapide a entraîné une perte de lithium nettement plus importante, environ 30% par rapport à 9% avec une charge lente, et pourtant le résultat a été une augmentation moyenne de 50% de la durée de vie des batteries. Et ce n’est qu’une moyenne. L’équipe a testé 186 batteries lithium-ion et a enregistré des augmentations de durée de vie allant jusqu’à 70%.
Cela semble allait à l’encontre du bon sens mais s’explique. « Contrairement à une température élevée de formation du SEI afin d’augmenter les performances de la batterie, l’augmentation de la durée de vie des cellules formées rapidement provient d’une utilisation décalée spécifique à l’électrode », explique l’équipe de chercheurs. Pour rendre les choses un peu plus claires, une bonne analogie consiste à imaginer un seau rempli d’eau à ras bord. Vous ne pouvez pas le transporter plus de quelques pas avant qu’il ne commence à se déverser. Mais si vous en renversez délibérément une partie avant de commencer à marcher, l’eau restante a de la place pour se déplacer sans s’échapper. « De la même façon, la désactivation d’un plus grand nombre d’ions lithium pendant la formation du SEI libère de l’espace dans l’électrode positive et permet à l’électrode de fonctionner de manière plus efficace », explique le SLAC.
Créer un vrai marché de l’occasion des véhicules électriques
Cette découverte peut être une bénédiction pour les constructeurs de véhicules électriques. Le marché ne connait plus depuis quelques mois l’euphorie des dernières années. Un des obstacles majeurs à la possibilité de convaincre de nouveaux automobilistes de basculer vers l’électrique tient à l’usure des batteries. Cela alimente un doute sur la durabilité des véhicules et complique la naissance d’un véritable marché de l’occasion. Il est pourtant indispensable pour permettre un accès moins coûteux à la motorisation électrique. A condition que les véhicules n’aient pas perdu l’essentiel de leurs performances. Si la durée de vie effective des batteries augmente de 50%, cela ne peut que renforcer l’attrait des véhicules de seconde main.