L’année énergétique 2022 a été tout à fait particulière. Entre l’invasion de Ukraine et les sérieuses tensions qu’elle a provoqué sur l’approvisionnement en gaz, les déboires du parc nucléaire français ou encore la sécheresse ayant mis les réserves hydrauliques à rude épreuve, passer l’hiver soulevait beaucoup de craintes. La faible disponibilité du nucléaire couplé à des réserves d’eau très en dessous de leurs moyennes habituelles laissait envisager un recourt important aux importations d’électricité afin de faire face à la demande plus importante l’hiver du fait du chauffage.
Or, les capacités exportatrices de nos voisins étaient elles aussi loin d’être garanties puisque fortement dépendantes des centrales thermiques au gaz, elles même liées aux livraisons de gaz qui se faisaient de plus en plus rares et chères à fortiori après la destruction des gazoducs NordStream 1 et 2 en septembre.
Le facteur chance et surtout la sobriété
Dès l’automne, les appels à la sobriété énergétique se sont multipliés pour tenter de sécuriser une saison à haut risque. Six mois plus tard, il est désormais temps de tirer les principales leçons de cette épreuve inédite, ce que RTE (le Réseau de Transport d’Electricité) a fait lors d’une présentation à la presse. La première conclusion est que, contrairement à des prévisions faites même par le gouvernement, il n’y a eu aucun recours à des délestages durant cette période. Les annonces de catastrophes à venir se sont avérées totalement fausses. En réalité, il ne s’agit pas vraiment d’une surprise. Car le scénario d’un hiver passé sans encombre était celui ayant la probabilité la plus haute parmi les 16 situations alors présentées.
Il faut évidemment souligner que la chance a joué un rôle avec un hiver clément. La thermosensibilité du réseau français entraînant de fortes variations des besoins d’électricité en fonction de la température, chaque degré a pu compter.
Mais la météorologie n’est pas le seul facteur a avoir joué dans la capacité du pays à affronter sereinement la saison froide. La correction de l’aléa climatique (qui équivaut à corriger les variations de températures pour simuler la consommation à température «normale») montre que l’impact de la douceur inhabituelle n’a été que de 25% de la baisse de consommation relevée.
Les trois autres quarts sont à mettre au crédit des politiques de sobriété. Mais s’agissait-il d’une sobriété subie liée à l’arrêt d’entreprises asphyxiées par les coûts de l’énergie, de gains d’efficacité énergétique ou d’économies d’énergie faites par la population? La réponse semble être les trois.
Une production finalement conforme aux attentes
La baisse de la consommation a été ainsi globalement similaire que ce soit chez les particuliers (pourtant couverts par le bouclier tarifaire donc non impacté par le signal prix), l’activité tertiaire et l’industrie. Si on ne peut ainsi pas nier l’existence de cas d’entreprises étouffées obligées de mettre la clef sous la porte ou, à minima, de réduire la voilure, il semble que ceux-ci aient été finalement marginaux. Car la production industrielle est en fait restée stable durant l’hiver.
Et face à des efforts venant de la demande, la production a été finalement conforme aux attentes. Les précipitations des derniers mois de l’année ont permis de reconstituer les stocks permettant de faire fonctionner les usines hydroélectriques. Les retours de maintenance des centrales nucléaires après avoir pris du retard à l’automne se sont accélérés en fin d’année permettant de disposer d’une capacité de production correcte…
La période la plus critique semble donc derrière nous. Mais il convient de maintenir la surveillance face notamment à l’indisponibilité encore forte du parc nucléaire. Pour autant, l’hiver 2023-2024 devrait présenter moins de risques et la période du printemps et de l’été permettra de s’y préparer.
Philippe Thomazo