L’arrêt «définitif» du projet de Reichstett et Vendenheim est un coup dur pour la géothermie

9 décembre 2020

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Le forage géothermique de Reichstett
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L’arrêt «définitif» du projet de Reichstett et Vendenheim est un coup dur pour la géothermie

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Le projet pilote de géothermie profonde au nord de Strasbourg, pour produire à la fois de l'électricité et de la chaleur, a été stoppé par arrêt préfectoral à la suite d'une succession de séismes. Il s'agit d'une mauvaise nouvelle pour la géothermie, énergie renouvelable prometteuse, non intermittente, et trop sous estimée et négligée en France. En dépit de cet arrêt, le potentiel géothermique en Alsace reste très important. Mais son exploitation doit être plus prudente et progressive.

La centrale géothermique construite au nord de Strasbourg sur les communes de Reichstett et Vendeheim ne verra pas le jour. Elle a été condamnée en début de semaine par un arrêté préfectoral après une série de séismes qui ont créé une grande inquiétude en Alsace. «Ce projet, implanté dans une zone urbanisée, n’offre plus les garanties de sécurité indispensables et doit donc être stoppé», a déclaré la préfecture du Bas-Rhin.

Les autorités veulent «éviter au maximum tout nouveau mouvement sismique» après que plusieurs tremblements de terre «induits», résultant de l’activité humaine, ont été enregistrés depuis le mois d’octobre autour de la centrale développée par la société Fonroche. Le 4 décembre, trois séismes ont touché l’agglomération strasbourgeoise et provoqué l’intervention des pouvoirs publics. Deux ont été enregistrés à 6 h 59, de magnitude 3,5 et 2,6. Un autre a été enregistré à 11 h 10, de magnitude 2,8.

Une première française

Les élus locaux ont manifesté leur soulagement et en même temps s’interrogent sur le devenir du site, où une centrale de production d’électricité a été construite et deux forages de cinq kilomètres de profondeur creusés. Le projet, une première française pour la géothermie de haute température, devait, à terme, alimenter de 15.000 à 20.000 logements en électricité, et 26 000 en chaleur directe. Fonroche, qui a investi près de 100 millions d’euros dans le projet, annonçait il y a trois semaines son souhait de faire fonctionner la centrale dès l’année prochaine. «Il existe toujours des solutions. Par contre, ce sera peut-être très long», expliquait encore la semaine dernière Jean-Philippe Soulé, le directeur général de Fonroche Géothermie.

Il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour la filière géothermique, une énergie renouvelable trop sous estimée et négligée en France. La géothermie ne souffre d’aucun des inconvénients et des contraintes du solaire et de l’éolien, mais n’a pourtant pas la place qu’elle mérite. Souterraine, renouvelable et non intermittente, son potentiel est considérable, mais son exploitation demande des investissements importants difficiles à rentabiliser. Ils le seront encore plus si l’image de la géothermie profonde est affectée par les risques sismiques. En théorie, la géothermie pourrait très largement couvrir tous les besoins énergétiques de l’humanité. Mais l’exploitation de cette ressource naturelle se révèle délicate. Il s’agit d’une technologie qui est loin d’être encore arrivée à maturité, en tout cas pour la géothermie profonde, celle dont le potentiel est le plus important. Ce qui s’est passé au nord de Strasbourg en est une illustration. Mais il faut aussi souligner que d’autres sites de géothermie profonde en Alsace, comme ceux de Soultz-sous-Forêts ou de Rittershoffen, n’ont pas créé d’activité sismique anormale. Correction, il y a eu un petit séisme à Soultz-sous-Forêts en 2003.

La pression de l’eau réinjectée dans la nappe était trop forte

Pour comprendre comment la centrale géothermique de Reichstett et Vendenheim a pu engendrer des séismes, il faut se pencher sur le principe de son fonctionnement. Un premier puit a été creusé à cinq kilomètres sous terre pour puiser de l’eau naturellement chaude. Cette chaleur est ensuite transformée en électricité et l’eau refroidie est réinjectée dans le sous-sol. C’est en bas du second puit que l’épicentre du séisme a été détecté. Le choix de l’emplacement pour réinjecter l’eau est extrêmement important et demande une connaissance très approfondie du sous-sol profond. Par ailleurs, la pression mise pour réinjecter l’eau ne doit pas être trop importante et supérieure à ce que peut encaisser la roche. C’est ce qui a sans doute créé l’instabilité du sous-sol et les séismes.

La préfecture du Bas-Rhin a diligenté une «enquête administrative», confiée à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), afin de déterminer les causes exactes des séismes. Un comité d’experts sera constitué pour conseiller la préfecture dans les «prises de décision concernant la géothermie» à l’avenir, puisque que d’autres projets sont à l’étude autour de Strasbourg. Il faut souhaiter qu’ils soient menés avec plus de circonspection.

Car la vallée du Rhin est très propice à la géothermie qui est nettement plus développée en Allemagne qu’en France. La géothermie reste une ressource sans doute essentielle pour la transition énergétique en Alsace. La fermeture controversée de la centrale nucléaire de Fessenheim a retiré à la région une source de production d’électricité bas carbone. Par ailleurs, le solaire n’est pas vraiment adapté à la météorologie locale et l’installation des éoliennes se heurte à une opposition toujours plus farouche des populations. La géothermie profonde, qui n’est pas une énergie intermittente et est totalement locale, semble être une solution presque idéale. A condition de ne pas se précipiter comme semble l’avoir fait Fonroche.

Enfin, dernier atout non négligeable, les eaux récupérées dans le sous sol profond alsacien contiennent des quantités importantes de lithium tout à fait exploitable. Et le lithium est un métal indispensable à la transition énergétique et aux batteries lithium-ion qui alimentent notamment les véhicules électriques.

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