<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Les amendes infligées par la Commission européenne aux constructeurs automobiles sont-elles illégales ?

15 août 2024

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : La commission européenne à Bruxelles
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Les amendes infligées par la Commission européenne aux constructeurs automobiles sont-elles illégales ?

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Dans un rapport publié il y a quelques semaines par une organisation professionnelle allemande, un éminent professeur de droit juge que la réglementation européenne actuelle sur les émissions de CO2 des véhicules est contraire au droit européen. Non seulement, la Commission européenne n’aurait pas le droit d’infliger des amendes, mais la façon dont sont mesurées les émissions de CO2, uniquement à l’échappement et pas sur la durée de vie des véhicules, est discriminatoire et inexacte. C’est cette réglementation qui contraint les constructeurs automobile à abandonner les véhicules à moteurs thermiques au profit des véhicules électriques d’ici 2035.

La question purement juridique peut sembler être avant tout théorique. Elle consiste à considérer que la Commission européenne n’a pas de compétence juridique lui permettant d’imposer et de percevoir des amendes ou des taxes sur les émissions excessives. Dans les traités européens, il n’y a tout simplement aucune base juridique permettant de contraindre les constructeurs automobiles à payer des amendes si les objectifs fixés pour leurs gammes par la Commission sont dépassés.

Cette opinion juridique est potentiellement dévastatrice. Car la thèse n’est pas défendue par n’importe qui, mais par Martin Kment, directeur général de l’Institut de droit de l’environnement de l’Université d’Augsbourg et titulaire de la chaire de droit public et de droit européen, de droit de l’environnement et de droit de l’aménagement du territoire.

Une étude commandée par le secteur des carburants et lubrifiants

L’opinion rendue publique à la fin du mois dernier a été demandée par UNITI, une organisation professionnelle allemande de défense des « ouverture à la technologie et liberté idéologique pour atteindre des objectifs ambitieux de réduction des émissions de CO2 ». UNITI représente le secteur des carburants et lubrifiants et prône la décarbonation via l’utilisation des carburants synthétiques et la poursuite de la commercialisation de véhicules neufs à moteur thermique. L’avis juridique du professeur Kment est l’élément clé d’un rapport qui conteste toute la politique automobile de l’Union Européenne.

Il remet en cause la stratégie de transition forcée du marché automobile et des constructeurs européens vers les véhicules électriques d’ici 2035… Et il a été rédigé pour cela. Selon cette thèse, les constructeurs pourraient même aller jusqu’à demander le remboursement de toutes les amendes et taxes payées à l’Union européenne.

Des constructeurs menacés de faillite

Rappelons que la décision prise par la Commission et entérinée par le Parlement et le Conseil consiste à interdire de fait aux constructeurs automobile de vendre en Europe en 2035 des voitures neuves émettant du CO2. Sinon, la Commission appliquera au constructeur contrevenant d’énormes pénalités calculées sur le nombre d’exemplaires vendus dans l’année. Elles sont telles que les groupes automobile exposés à de telles amendes seraient rapidement condamnés à la faillite.

La contrainte est mise en place progressivement pour tendre vers zéro gramme de CO2 par kilomètre d’ici 11 ans. La norme pour 2025 fixe un objectif de 81 grammes par kilomètre et était de 95 grammes par kilomètre au cours des trois dernières années. C’est cela que UNITI veut remettre en cause.

Un système de mesure des émissions de CO2 discriminatoire et inexact

« Le système actuel de régulation de la flotte européenne est ébranlé dans ses fondements par le rapport », affirme UNITI. Le rapport dénonce également le système de mesure des émissions de CO2 utilisé par la Commission qui est jugé inexact et discriminatoire car il se limite à l’échappement et favorise ainsi les véhicules électriques qui n’émettent pas de gaz d’échappement mais ont pourtant une empreinte carbone liée à leur fabrication, leur utilisation et leur recyclage.

Pour Martin Kment, il est impératif d’utiliser une méthode incontestabls, dite « du berceau au cercueil », pour juger tous les véhicules de la même façon quelle que soit l’énergie utilisée. Cela est d’ailleurs déjà prévu par le « Green Deal » mais seulement à compter de 2030. D’ici-là des constructeurs soumis à une règle « injuste » pourraient se trouver en grande difficulté. « La révision du système de régulation du parc annoncée par la présidente réélue de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans ses lignes directrices pour la prochaine Commission européenne doit avant tout introduire une comptabilisation des émissions de CO2 sur l’ensemble du cycle de vie des véhicules », écrit UNITI.

Un appel aux politiques

La thèse fondamentale du rapport qui remet en cause la compétence juridique de la Commission n’est en fait pas vraiment nouvelle en Allemagne. Dans une résolution adoptée en 2008 sur le premier règlement relatif à la régulation du parc automobile, le Conseil fédéral allemand avait déjà exprimé des doutes quant à la compétence de l’Union Européenne à introduire une telle taxe liée à la protection de l’environnement et s’apparentant à un impôt au profit du budget européen. Une notion de « juge et partie » qui avait été alors contestée par le ministre-président de Bavière, Markus Söder, et celui de Basse-Saxe, Christian Wulff.

UNITI a en tout cas décidé de frapper fort et son Président, Elmar Kühn, lance « un appel urgent aux hommes politiques afin de réviser immédiatement la réglementation actuelle » Un appel qui pourrait bien être entendu en Allemagne et également à Bruxelles au sein du Parlement européen où plusieurs partis politiques qui se trouvent à droite sur l’échiquier s’opposent à la transition à marche forcée vers les véhicules électriques.

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