<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Les ambitions d’EDF dans les SMR se concrétisent

26 février 2024

Temps de lecture : 3 minutes
Photo :
Abonnement Conflits
Abonnement Conflits

Les ambitions d’EDF dans les SMR se concrétisent

par

Les petits réacteurs nucléaires modulables ou SMRs sont à la mode depuis plusieurs années. La filière nucléaire française en général et EDF en particulier ont longtemps été réticents. Ce n’est plus le cas et le marché visé est celui de l’exportation avec un réacteur de moyenne puissance baptisé Nuward. Un prototype doit être construit dans les prochaines années sur le site de Marcoule, le berceau historique du programme nucléaire français.

Le retour en grâce de l’énergie nucléaire s’accompagne d’une vague d’innovation et même de start-ups pour les mener. C’est notamment le cas pour les SMRs (Small Modular Reactor) ou petits réacteurs modulables. Ils sont à la mode, même si les prototypes et les marchés n’existent pas encore. La filière nucléaire française en général et EDF en particulier ont longtemps été réticents face aux SMRs, craignant de voir menacés leurs grandes centrales et leurs puissants réacteurs EPR. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.

L’énergéticien public français s’est même associé avec ce que le pays fait de mieux dans le domaine : Technicatome (qui fabrique les chaudières nucléaires des navires de la marine nationale), Naval Group, Framatome et le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) afin de proposer rapidement un SMR de moyenne puissance pouvant répondre à des besoins spécifiques, notamment à l’exportation. Il s’agit du projet baptisé Nuward (Nuclear Forward) (voir l’image ci-dessus) qui prend la forme d’un binôme de deux petits réacteurs fournissant chacun 170 MW électriques. La technologie française intéresse plusieurs pays, comme la République tchèque, la Finlande, ou la Suède. Pour gagner du temps sur l’exportation du réacteur, les dossiers de certification seront soumis aux autorités tchèque et finlandaise en même temps qu’aux autorités françaises.

Des innovations en matière de sûreté

L’offre de réacteurs nucléaires dans le monde se structure en trois catégories bien distinctes. Les grands équipements de type EPR ou Hualong pour la Chine et VVER pour la Russie dont la puissance est bien supérieure à 1.000 MW et les SMRs de deux types, les unités de taille moyenne (150-300 MW) et les mini réacteurs (5-50 MW).

Nuward correspond bien à la catégorie des réacteurs de taille moyenne et propose un certain nombre d’innovations très intéressantes, notamment en termes de sûreté, afin de convaincre les pays n’ayant pas d’expérience nucléaire et une opinion publique réticente. Les réacteurs de forte puissance embarquent un grand nombre de systèmes de sûreté dits « actifs » puissants (comme par exemple des injections d’eau borée en cas d’incident) mais qui par nature sont susceptibles de dysfonctionnements. Le choix avec Nuward a été fait de passer à la « sûreté passive », c’est à dire sans nécessiter d’intervention humaine ni d’alimentation électrique. Les deux réacteurs seront ainsi installés chacun dans un cube d’eau de 25m de large et semi enterré.

Au-delà de la sûreté, l’intérêt pour les SMR tient, selon les promoteurs de ses équipements, à leurs coûts et aux délais théoriques de construction très inférieurs à ceux des grands équipements. Pendant des décennies, les grands producteurs d’électricité ont considéré que les équipements les plus importants étaient toujours les plus économiques. Mais les difficultés techniques, financières et politiques accumulées pour construire de grands réacteurs de troisième génération, que ce soit l’EPR français à Flamanville ou Olkiluoto en Finlande ou Plant Vogtle (Westinghouse) aux Etats-Unis en Georgie, ont réfuté cette thèse.

Indispensable de construire un prototype avant de pouvoir vendre Nuward

Pour autant, installer des Nuwards en France ne présente pas un grand intérêt pour le parc nucléaire français avec ses 56 réacteurs de grande puissance et bientôt 57 en avec l’EPR de Flamanville, auxquels viendront bientôt s’ajouter 6 puis peut-être 14 EPR2. Les Nuwards répondent en revanche aux besoins de pays ayant des besoins et des réseaux différents et qui n’ont pas l’usage des 1.650 MW d’un EPR2.

Mais comme il est particulièrement difficile de vendre un produit qui n’existe que sur le papier, encore plus compte tenu des déboires de l’EPR, il a été décidé de construire au moins un prototype de Nuward sur le territoire national, une vitrine technologique. Plusieurs sites étaient évoqués pour accueillir ce démonstrateur. Et c’est d’après plusieurs indiscrétions le site de Marcoule qui aurait été choisi.

On peut parler de clin d’œil de l’histoire, Marcoule ayant été le berceau du programme nucléaire français. C’est sur ce site qu’ont été construit dans les années 1950 les premiers réacteurs électrogènes français. Mais ce site n’est pas exempt de défauts, notamment pour l’équilibre du réseau. Le démonstrateur Nuward aurait été plus utile en permettant de désenclaver des régions faiblement équipées en production et éloignés d’autres sites nucléaires comme la Bretagne ou PACA. Marcoule se trouve à proximité de deux autres sites nucléaires importants : Tricastin et Cruas. Les centrales thermiques de Brennilis ou de Landivisiau ne sont pas prêtes de s’arrêter…

Philippe Thomazo

À propos de l’auteur

La rédaction

La rédaction

Newsletter

Voir aussi

Share This