L’Allemagne prolongera l’an prochain les très généreuses subventions à l’achat de véhicules électriques et hybrides. Elle n’a de toute façon pas vraiment le choix si elle veut tenir son objectif de 15 millions de voitures électriques sur les routes en 2030. Et elle part de loin avec 520.000 véhicules purement électriques aujourd’hui en circulation (375.000 en France).
Et cela en dépit d’une augmentation spectaculaire des ventes de voitures purement électriques, de 207% entre 2019 et 2020 et encore de 104% à fin novembre 2021 comparée à la même période de l’an dernier. La progression à fin novembre était de 81% pour les véhicules hybrides. L’Allemagne est ainsi devenu le deuxième marché mondial des voitures électriques derrière la Chine.
En fait, quel que soit le pays dans le monde, le succès des ventes de voitures électriques est étroitement lié au niveau de subventions à l’achat et à l’usage dont elles bénéficient. Cela explique pourquoi les véhicules électriques sont devenus dominants sur le marché du neuf en Norvège et pourquoi les progressions de vente sont importantes en Chine, en France et donc en Allemagne.
Un virage tardif et brutal
Outre-Rhin, le virage vers la motorisation électrique a été pris assez tardivement par les constructeurs, les consommateurs et même les pouvoirs publics, mais il est brutal. Et le mouvement ne devrait pas faiblir.
La nouvelle coalition au pouvoir menée par le chancelier social-démocrate Olaf Scholz, en fonction depuis la semaine dernière, compte en son sein les verts et a fait de la transition énergétique une priorité. D’où l’objectif très ambitieux d’avoir 15 millions de véhicules purement électriques sur les routes du pays d’ici 2030. Il y en a exactement 520.000 aujourd’hui, plus d’un million avec les hybrides. L’achat d’une voiture purement électrique continuera en 2022 à être fortement subventionné à hauteur de 9.000 euros maximum, tandis que l’aide destinée aux véhicules hybrides rechargeables pourra atteindre 6.750 euros. Ces incitations, introduites en juillet 2020, ont joué un rôle décisif dans l’augmentation des parts de marché des véhicules électrifiés dans le pays.
L’Allemagne veut devenir un catalyseur d’économies d’échelle pour les constructeurs automobiles, notamment les siens, contraints à une transition vers l’électrique qui les fragilise et nécessite des investissements considérables. Sans les subventions, le marché serait «une fraction de ce qu’il est actuellement», reconnait Matthias Schmidt, un expert qui publie un rapport mensuel sur le marché automobile allemand.
Les constructeurs allemands ont longtemps refusé de croire au déclin des moteurs thermiques. Année après année, VW, Mercedes, Porsche, Audi et BMW ont engrangé des bénéfiques pharaoniques en vendant des bolides survitaminés, lourds et confortables mais gourmands en carburant et «généreux» en émissions de gaz à effet de serre. Après avoir traîné des pieds, ces géants ont décidé d’opérer un virage à 180 degrés.
L’Allemagne est ainsi devenue le premier producteur de voitures électriques en Europe. Les constructeurs automobiles allemands ont mis du temps à passer à la motorisation électrique. Il leur a été difficile de tourner le dos aux moteurs thermiques qui ont fait leur succès planétaire et dont ils dominaient la technologie. Mais ils ont fini par prendre ce virage et ont mis des moyens considérables pour dominer aussi cette technologie. Les investissements de Volkswagen, Daimler Benz et BMW se chiffrent en dizaines de milliards d’euros pour chacun des constructeurs. Et ils commencent à porter leurs fruits. La production de voitures 100% électriques a augmenté de 262% en Allemagne au premier semestre de cette année. Cela représente 91.873 voitures 100% électriques sorties en six mois des usines allemandes.
La fin des hybrides est déjà programmée
Si les véhicules 100% électriques à batteries continueront à être massivement subventionnés, l’avenir des hybrides est beaucoup plus incertain. Les aides seront revues et «davantage orientées vers la protection du climat» en limitant dès 2023 les voitures éligibles, a d’ores et déjà prévenue le ministère allemand de l’économie. Les subventions pour l’achat de voitures hybrides sont contestées par les écologistes qui considèrent que ces modèles peuvent parfaitement être utilisés sans jamais être rechargés ni fonctionner sur leurs batteries.
«Nous allons êtres plus ambitieux», a promis le ministre de l’Économie et du Climat, Robert Habeck. La part de fonctionnement électrique des véhicules et leur degré d’autonomie seront à l’avenir pris en compte dans l’octroi des nouvelles aides pour «ne subventionner que les voitures électriques qui ont un effet positif pour la protection du climat». Une affirmation qui mérite d’être nuancée.
Car l’empreinte carbone d’un véhicule électrique dépend notamment de la façon dont est produite l’électricité qui permet de recharger ses batteries. En Allemagne, en dépit d’investissements considérables dans les renouvelables intermittents (éoliennes et panneaux solaires), une part importante de la production électrique provient de centrales au charbon et au lignite qui émettent des quantités considérables de CO2. Elles seront remplacées progressivement par des centrales à gaz, qui certes émettent environ moitié moins de CO2, mais fonctionnent toujours avec une énergie fossile.