<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’Allemagne et l’Italie à la veille de changements majeurs de leurs politiques énergétiques

20 mars 2025

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L’Allemagne et l’Italie à la veille de changements majeurs de leurs politiques énergétiques

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A Berlin comme à Rome, le retour du nucléaire n’est plus un tabou. Il est même considéré comme le meilleur moyen de produire de l’électricité décarbonée qui ne soit pas intermittente et permette de se substituer à celle produite par les centrales thermiques. Mais les réticences idéologiques et politiques restent fortes. On n’efface pas facilement des décennies d’idéologie anti-nucléaire.

Le retour à la réalité aura pris du temps, mais il était inéluctable, en Allemagne et en Italie. Outre-Rhin, le changement est spectaculaire deux ans seulement après l’arrêt définitif des trois derniers réacteurs nucléaires en service. Il faut dire qu’entretemps, les illusions extrêmement coûteuses de l’Energiewende, la fameuse stratégie de transition énergétique allemande, ont fini par être balayées. Au prix de plus de 600 milliards d’euros investis, d’une perte de compétitivité historique de l’industrie allemande et d’une baisse finalement limitée des émissions de gaz à effet de serre. L’Allemagne émet 330 grammes de CO2 par kWh d’électricité produit et la France 21,3 grammes….

Le nouveau gouvernement allemand mené par les conservateurs de la CDU n’a plus le choix et devra revoir totalement la politique énergétique du pays. Il en sera sans doute enfin fini d’un modèle qui plait tant depuis des années aux technocrates bruxellois et aux mouvements écologistes et qui est dénoncé en Allemagne aussi bien par les électeurs que par la Cour des comptes.

« Un pays autrefois considéré comme un phare de la politique climatique progressiste est sur le point de subir une importante remise en question, les conservateurs – qui ont en partie rendu les ambitieux objectifs écologiques de l’Allemagne responsables de sa faiblesse économique chronique – souhaitent revenir sur les objectifs et les politiques dans un contexte d’apathie croissante des électeurs à l’égard du climat », écrit l’agence Reuters.

Les errements de l’Energiewende

L’Energiewende s’est effondrée comme un château de cartes. Elle était construite sur une théorie bancale consistant à investir massivement dans les renouvelables intermittents (éolien et solaire), à abandonner dans le même temps le nucléaire tout en pariant sur l’électrification des usages, notamment dans les transports et l’industrie. Résultat, les prix de l’électricité se sont envolés, les émissions de gaz à effet de serre n’ont pas diminué autant qu’espéré, loin de là, car quand il n’y a pas de vent et de soleil, l’Allemagne doit faire tourner à plein ses centrales au charbon et à gaz et de plus, la percée des véhicules électriques n’a pas eu lieu. Enfin, l’industrie allemande touchée de plein fouet par l’envolée des prix de l’électricité… et du gaz, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a trois ans, a fermé ses usines ou les a délocalisées. C’est la raison essentielle de la petite baisse des émissions de gaz à effet de serre en Allemagne. En février 2022, l’Allemagne dépendait des approvisionnements russes pour plus de la moitié de son gaz naturel et un tiers de son pétrole

Le gouvernement dirigé par le social-démocrate (SPD) Olaf Scholze n’a pas voulu remettre en cause l’Energiewende. Mais son futur successeur, le conservateur (CDU) Friedrich Merz, qui a gagné les élections législatives du 23 février dernier, est bien décidé à le faire.

Une collaboration avec la France

Pendant la campagne électorale, Friedrich Merz, a même été jusqu’à évoquer l’idée d’une collaboration avec la France dans le nucléaire. « Nous réfléchissons à la possibilité de construire ces petits réacteurs modulaires [SMR], peut-être en collaboration avec la France », a-t-il déclaré au Spiegel. La question des coûts élevés de l’énergie et notamment de l’électricité ont été un thème clé des élections du mois dernier. Le futur chancelier Friedrich Merz s’est engagé à les ramener à un niveau acceptable pour les consommateurs allemands, les entreprises comme les ménages.

« Il est dans notre intérêt national de conserver l’option de l’énergie nucléaire », a expliqué Jens Spahn, un des responsables du groupe parlementaire de la CDU. « Lorsqu’une nouvelle génération de petites centrales nucléaires à faible production de déchets sera prête pour le marché, nous devrons l’utiliser ». Dans une interview le mois dernier à CNBC, Klaus Wiener, un autre député CDU au Bundestag, a même qualifié l’arrêt des derniers réacteurs nucléaires du pays (en 2023) d’« énorme erreurLes centrales nucléaires étaient techniquement solides, elles fonctionnaient bien et étaient sûres, mais le gouvernement a décidé, pour des raisons idéologiques, de les fermer », a-t-il déclaré. « Nous aurions dû les utiliser plus longtemps. Cela aurait fait une grande différence au niveau des prix et de l’approvisionnement en énergie ».

Et l’opinion allemande a aussi beaucoup changé. Elle a été profondément anti-nucléaire pendant des décennies mais un sondage réalisé en 2022 montrait déjà  que 53% des Allemands étaient opposés à la sortie du nucléaire. Et à la veille de l’arrêt définitif des trois derniers réacteurs en avril 2023, 59% d’entre eux estimaient que la sortie du nucléaire était une « erreur ».

Rafael Laguna de la Vera, directeur de l’agence publique d’innovation Sprind, estime lui aussi que l’Allemagne doit revenir et vite dans le jeu nucléaire. « Nous ne pourrons pas satisfaire la soif d’énergie des années à venir uniquement avec des éoliennes et des parcs solaires, et certainement pas de manière neutre pour le climat », affirme-t-il.

Accélérer les investissements dans les réseaux électriques

Et le parti d’extrême-droite, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), a été encore plus loin en préconisant un retour complet sur la sortie de l’Allemagne du nucléaire, avec pour objectif de relancer les grands réacteurs.

Cela dit les partisans du nucléaire se heurtent à une résistance. L’agence allemande de sûreté nucléaire a averti que les SMR n’ont pas encore été testés et que leurs coûts et leurs faisabilités sont loin d’être maîtrisés.

En tout cas la CDU est bien décidée à accélérer les investissements dans ses réseaux électriques vieillissants et insuffisants grâce à un fonds d’infrastructure de 500 milliards d’euros. Cela est indispensable dans un pays où 62% de la production d’électricité était renouvelable l’an dernier (éolienne, biomasse, hydraulique, solaire, géothermie) et où la production éolienne se situe essentiellement au nord et la majorité de la consommation au sud.

L’Italie tourne le dos à 40 ans d’interdiction du nucléaire

En Italie, le changement de cap est tout aussi spectaculaire. Le cabinet a approuvé le 28 février une loi, qui doit encore être adoptée par le Parlement, visant à renverser une interdiction de 40 ans du développement de l’énergie nucléaire. « Le gouvernement a approuvé une autre mesure importante pour garantir une énergie propre, sûre et à faible coût qui puisse assurer la sécurité énergétique et l’indépendance stratégique », a déclaré la première ministre, Giorgia Meloni.

Le plan est comme en Allemagne axé sur le déploiement de SMR. L’Italie estime que l’énergie nucléaire pourrait représenter jusqu’à 22% de son bouquet énergétique national d’ici à 2050. Le ministre de l’Energie, Gilberto Pichetto Fratin, prévoit que le nouveau plan de développement nucléaire du pays sera opérationnel d’ici la fin de l’année 2027. L’entreprise publique Enel, qui exploite des centrales nucléaires en Espagne, devrait prendre la tête du secteur nucléaire du pays et envisagerait un partenariat avec le groupe américain Westinghouse ou EDF.

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