Même le vice-chancelier d’Allemagne, Robert Habeck, ministre de l’Economie et surtout ancien dirigeant du parti des Verts a dû admettre que l’objectif de réduire des deux tiers les émissions de gaz à effet de serre du pays d’ici 2030 par rapport à 1990 ne sera pas atteint et très loin de l’être. Et son homologue ministre des Finances, le libéral Christian Lindner a surenchéri en jugeant totalement irréaliste l’ambition de fermer les centrales à charbon du pays d’ici 2030. Ce que l’un et l’autre se sont bien gardés d’ajouter est que la fermeture de toutes les centrales nucléaires du pays imposée par les Verts aux conservateurs comme aux sociaux démocrates n’est pas pour rien dans cette situation. En 1990, au lendemain de la réunification, les réacteurs nucléaires fournissaient environ un tiers de l’électricité allemandes. Les trois derniers ont été définitivement arrêtés au début de l’année.
Au cours des 30 derniers jours, l’Allemagne a ainsi produit 25% de sa consommation électrique avec des centrales à charbon. Une proportion qui ne peut qu’augmenter au cours des mois d’hiver à venir. Par définition, l’ensoleillement est limité et les journées courtes et en général quand il fait froid cela signifie qu’un anticyclone se maintient sur l’Europe et donc les vents sont faibles. Les variations quotidiennes de production renouvelable sont d’ores et déjà spectaculaires.
Emissions de gaz à effet de serre en Allemagne par activités (en millions de tonnes d’équivalent CO2) et objectif 2030. Vert : énergie. Noir : industrie. Gris : bâtiment. Bleu clair : transports. Bleu foncé : agriculture. Jaune : traitement des déchets et autres. Source : Agence environnementale allemande.
Refus d’admettre la réalité
Ainsi, le 17 octobre, faute de vent l’Allemagne a produit 46% de son électricité avec du charbon et l’éolien n’en a assuré que 12%. En revanche le 29 octobre, grâce à des vents soutenus, l’Allemagne a produit 66% de son électricité avec ses parcs éoliens terrestres et maritimes tandis que le charbon contribuait à moins de 10% de la production électrique. Cela signifie tout simplement que quelle que soit la capacité de production d’électricité renouvelable intermittente installée dans le pays, il ne pourra jamais fermer ses centrales au charbon ou au gaz. Il y aura toujours des moments où le vent ne soufflera pas et où le soleil ne brillera pas…
Le refus obtus d’admettre cette réalité a conduit les Verts allemands a insister sur le fait que l’Allemagne pouvait également se débarrasser progressivement de sa dépendance au charbon, s’accrochant à l’idée qu’une fermeture complète de ses 38 GW de capacité de production au charbon restante était possible d’ici à 2030 au lieu de 2038 initialement prévu. En outre, les Verts prétendent que l’Allemagne peut compter sur l’énergie éolienne pour combler la différence. Ni l’un ni l’autre ne sont possible. Et l’arrêt du charbon d’ici même 2038 n’est envisageable que si l’Allemagne trouve des sources d’approvisionnement massives en gaz naturel liquéfié (GNL) à des prix qui ne soient pas exorbitants.
Avec sa stratégie de transition énergétique construite sur des hypothèses totalement irréalistes, avoir 80% d’électricité d’origine renouvelable (éolien, solaire, hydraulique, biomasse, géothermie) d’ici 2030 contre 46% l’an dernier, l’Allemagne se retrouve aujourd’hui avec un réseau électrique extrêmement coûteux et sale. Sans parler maintenant de l’effondrement de son industrie éolienne. Le principal constructeur du pays et l’un des premiers au monde, Siemens Gamesa, qui est confronté à de sérieux problèmes techniques sur ses équipements a dû demander en urgence un soutien financier au gouvernement…
La production électrique pose problème tout comme le chauffage et les transports
Et il n’y a pas que la production électrique qui pose problème, il en va de même du chauffage des bâtiments et des transports. Outre-Rhin, le bâtiment représente une part plus faible des émissions que l’industrie, mais le parc résidentiel et professionnel est souvent ancien et mal isolé et environ 75% des ménages sont chauffés au gaz ou au fioul.
Au début de l’année, Robert Habeck a proposé d’interdire l’installation de nouveaux systèmes de chauffage utilisant des combustibles fossiles à partir de 2024. Après des mois de protestations massives sur les coûts associés à une telle mesure, celle-ci a dû être édulcorée. Les objectifs en matière de réseaux de chauffage municipaux ont également été revus à la baisse, passant d’un objectif initial de 50% non fossiles d’ici 2030 à 30%. Et il n’est pas sûr du tout qu’ils soient tenus.
En matière de transports, la situation est encore moins maîtrisée. Après une baisse des émissions liée à la pandémie, elles ont recommencé à augmenter au cours des deux dernières années tout comme la circulation routière et le succès des véhicules électriques a eu un impact limité. Au début de l’année, le gouvernement a mis en place un billet universel bon marché pour les transports publics à l’échelle nationale afin d’encourager l’abandon de la voiture. Mais selon des estimations récentes de l’Association des entreprises de transport allemandes, ce système n’a remplacé qu’environ 5% des trajets en voiture, et le groupe a fait valoir que l’offre de transports publics dans les petites villes et les zones rurales était de toute façon très insuffisante.