L’Allemagne est de loin le principal émetteur de gaz à effet de serre en Europe avec 22% du total contre 9,3% à la France. Son modèle énergétique tant vanté, la fameuse «Energiewende» (révolution énergétique) lancée il y a plus de 15 ans, se heurte au mur de la réalité. Se concentrer sur la production électrique et investir des centaines de milliards d’euros dans les renouvelables en abandonnant le nucléaire n’est finalement pas un moyen très efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Quand les éoliennes et les panneaux solaires ne produisent pas d’électricité, faute de soleil et de vent, les centrales à charbon prennent le relais. Et à terme, les centrales au gaz quand elles auront remplacé celles au charbon.
Dans un rapport publié le 19 février, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) souligne à son tour les faiblesses du modèle allemand pourtant tant admiré et maintenant même imité en France. De façon diplomatique, l’AIE appelle Berlin à «recentrer ses efforts» sur les transports et le chauffage.
46% d’électricité renouvelable
Dans sa feuille de route énergétique à l’horizon 2050 («Energiekonzept») qui remonte à septembre 2010, le gouvernement allemand s’était donné de nombreux objectifs ambitieux dont celui de porter la part des énergies renouvelables dans la consommation d’électricité du pays à 35% en 2020, un niveau déjà dépassé en 2018 (38%) et encore plus en 2019 puisque l’ensemble des énergies renouvelables a compté pour 46% de l’électricité en Allemagne.
Mais pour autant le système n’est pas très efficace et beaucoup d’électricité produite est gaspillée. Les infrastructures de transport d’électricité, notamment les lignes à haute tension entre les parcs éoliens au nord du pays et les zones de consommation dans le sud, sont totalement insuffisantes. Les projets ambitieux de développement de ses lignes ont pris un retard considérable. Notamment parce qu’ils se heurtent aux oppositions locales tout comme maintenant et systématiquement les nouvelles installations d’éoliennes.
L’AIE souligne aussi que la sortie rapide du nucléaire, d’ici 2022, et la forte augmentation des importations d’électricité ont «compensé certains bénéfices de l’Energiewende» en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les centrales à charbon ont tourné à plein régime et ont encore produit plus de 29% de l’électricité.
… mais les énergies fossiles représentent 79% de l’énergie primaire
Et si l’agence salue son plan de sortie du charbon d’ici 2038, elle appelle aussi l’Allemagne à veiller à conserver une certaine sécurité énergétique du fait du niveau déjà très élevé de ses importations, notamment d’électricité nucléaire française. Il y a ainsi une forme d’hypocrisie à rejeter le nucléaire et à en sortir tout en dépendant de l’électricité nucléaire française…
En fait, en dépit des investissements massifs dans les renouvelables éoliens et solaires dans la production électrique, les énergies fossiles comptaient encore pour plus de 79% de la consommation annuelle d’énergie primaire en Allemagne en 2018 selon les dernières données de l’AIE. L’électricité ne représente finalement qu’un cinquième de la consommation finale d’énergie en Allemagne.
L’Allemagne s’était aussi fixée comme objectif de réduire d’au moins 40% ses émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport à l’année de référence 1990, de 55% d’ici à 2030, de 70% d’ici 2040 et de 80% à 95% d’ici à 2050. Mais elle n’est pas sur une bonne trajectoire. En 2018, les émissions de gaz à effet de serre de l’Allemagne étaient inférieures de 31% à celles de 1990. Pour l’AIE, Berlin va rencontrer de fortes difficultés pour atteindre ses objectifs en raison d’«efforts inégaux selon les secteurs».
Le gouvernement allemand tente d’ailleurs d’infléchir la stratégie de l’Energiewende. Il a présenté en octobre 2019 un Programmation d’action à l’horizon 2030 qui comprend «un système de tarification progressive du CO2 pour certains secteurs non couverts par le marché européen du carbone (chauffage et transports), un allègement fiscal et d’autres incitations pour des rénovations énergétiques de bâtiments, des subventions plus élevées pour les véhicules électriques et des investissements publics plus importants dans les transports publics». Des mesures saluées par l’AIE mais qui mettront beaucoup de temps à modifier les comportements et à réduire la dépendance aux énergies fossiles.