Nous le savons, la construction de nouveaux réacteurs nucléaires répond à un formalisme administratif et légal lourd et contraignant. L’une de ces contraintes est la soumission du projet à un «débat public», orchestré par la «Commission nationale du débat public» (CNDP), une instance dont la France a le secret.
Or, cette même CNDP est dirigée depuis plusieurs années par l’ancienne ministre de l’environnement Chantal Jouanno. Ancienne ministre ne faisant aucun mystère de ses positions très critiques sur l’atome, quitte à flirter avec les limites que sont censées lui fixer son devoir de réserve. D’ailleurs, dès le début du débat public, de multiples voix se sont élevées pour critiquer le mode d’organisation. Certaines contrevérités proférées par des intervenants opposants au projet sont devenus des «sujets controversés ne permettant pas de conclure». Le sérieux nécessaire à un tel débat imposerait pourtant un fact checking qui devrait être binaire. Un fait technique, un chiffre sont vrais ou faux). Refusé…
Dans le même temps et en parallèle, le débat législatif progresse sur deux axes afin de pouvoir accélérer les projets dans le domaine des énergies renouvelables et dans celui de l’énergie nucléaire, pour composer un mix électrique le plus indépendant possible des énergies fossiles.
Mais si le vote par le Sénat puis par l’Assemblée nationale du projet de loi relatif aux renouvelables n’a pas suscité de réaction particulière, quand bien même un certain nombre de projets étaient encore sous enquête publique (ce qui est normal), autant le projet de loi nucléaire a suscité l’ire de ses opposants.
Contester la légitimité de l’Assemblée et du Sénat et de la démocratie représentative
Chantal Jouanno (toujours elle), s’est ainsi fendue d’une interview dans le média assumant son opposition au nucléaire pour expliquer que «le nucléaire ne fait pas consensus», suivie immédiatement par les associations se revendiquant écologistes Greenpeace et Sortir du Nucléaire pour «claquer la porte» selon leur propre expression de ce débat publique.
Ainsi, selon eux, l’avancée en simultanée d’un débat public sur la construction de deux nouveaux réacteurs à Penly et de discussions parlementaires sur l’amélioration des procédures de la filière serait une «mascarade démocratique». Il semblerait donc qu’une assemblée consultative permettant aux opposants de s’exprimer ait, pour eux, une légitimité démocratique aussi importante que la représentation nationale. Enfin… sauf quand celle-ci va dans leur sens.
Appel au désordre
Les militants anti-nucléaires ne souhaitaient pas s’éclipser si facilement. Ils ont ainsi appelé sur les réseaux sociaux à «se retrouver devant les salles» du débat public qu’ils boycottent. Un appel à peine voilé à le perturber.
Ainsi, jeudi 26 janvier, alors qu’une réunion publique devait se tenir à Lille sur le sujet du financement du nouveau programme nucléaire, une poignée de militants (pas plus d’une dizaine) se sont introduits dans la salle avec cris et instruments de musique pour tout bonnement empêcher le débat de se dérouler.
Capitulant, la CNDP a été contrainte d’annuler la rencontre. Une belle illustration de la conception que certains ont de la démocratie. Et le fait qu’il est difficile de débattre lorsqu’on n’accepte pas qu’une opinion contraire puisse exister. Le large soutien de l’opinion publique ne semble pas les inciter à évoluer et chercher à convaincre. Dès lors, la perturbation devient leur seule arme.
Philippe Thomazo