<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’Allemagne en a pour des années à remplacer le gaz russe

25 janvier 2023

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Garzweiler Tagebau
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L’Allemagne en a pour des années à remplacer le gaz russe

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Les dirigeants allemands se félicitent d’avoir jusqu’à aujourd’hui réussit à éviter une crise énergétique majeure et d’avoir pu passer l’hiver sans trop souffrir de l’effondrement des importations de gaz russe. Mais ils ont sans doute crié victoire trop tôt. Les circonstances leur ont été favorables, mais il faudra des années pour que l’Allemagne puisse compenser la disparition des importations massives de gaz russe. Et à quel prix ?

Des températures clémentes, des importations massives de GNL (Gaz naturel liquéfié) rendues faciles par la fermeture pendant des mois de l’économie chinoise, des livraisons très importantes de gaz de Norvège et des Pays-Bas et un recul sensible de la consommation et de la production industrielle ont permis à l’Allemagne de passer jusqu’à aujourd’hui un hiver bien plus facile qu’attendu sur le plan énergétique.

Le ministre allemand de l’Economie, Robert Habeck, a été jusqu’à se féliciter publiquement «d’avoir repris le contrôle de la crise… Le pays a montré de quoi il était capable. Nous avons rempli nos dépôts de gaz naturel et rapidement mis en place une infrastructure pour le GNL. Nous avons soutenu l’économie et les ménages allemands avec des milliards d’euros…».

Avoir de la chance ne suffit pas

Le Chancelier Olaf Scholz a déclaré la semaine dernière à l’agence Bloomberg que son pays a compris la leçon d’être devenu trop dépendant de la Russie. Son objectif maintenant est de construire les capacités permettant à l’Allemagne d’avoir autant de gaz qu’avant l’invasion de l’Ukraine sans l’importer de Russie.  Les infrastructures c’est bien, faut-il encore pouvoir les alimenter… «Construire des nouveaux terminaux sans pouvoir les alimenter via des contrats à long terme d’approvisionnement ne règle pas le problème», souligne Simone Turri, qui dirige le trading du groupe énergétique suisse MET International.

Et avoir de la chance ne règle pas les problèmes de fond d’un coup de baguette magique. Avant l’invasion de l’Ukraine, l’Allemagne dépendait de Moscou pour 52% de ses importations de gaz naturel, indispensables à son industrie et au chauffage des habitations. Selon les propres estimations d’un rapport très récent du ministère allemand de l’Economie, il faudra des années pour substituer du GNL au gaz russe.

Ainsi, l’Allemagne ne sera pas capable avant 2026 d’avoir installé sur son sol des capacités d’importations de GNL de 56 milliards de mètres cubes, ce qui correspond aux quantités de gaz importées de Russie par gazoducs en 2021. Entretemps, elle devra compter sur l’approvisionnement provenant de ses voisins. D’ici 2030, les capacités allemandes d’importations de GNL devraient atteindre 76,5 milliards de mètres cubes, ce qui correspond à environ 80% de la consommation de gaz du pays en 2021.

Les nouveaux terminaux c’est bien, pouvoir les alimenter c’est mieux

Mais encore faudra-t-il pouvoir alimenter les nouveaux terminaux. «La vérité est qu’il n’y aura pas assez de production de GNL dans le monde dans les trois à quatre prochaines années pour faire face à l’augmentation de la demande» reconnait Christian Leye, élu de gauche (DIE LINKE) du Parlement allemand. «La stratégie non explicite est que l’Allemagne va continuer à payer des prix fous et que les autres, les pays moins riches, n’auront rien».

Ce sera notamment le cas, si la réouverture de l’économie chinoise se traduit par une reprise des importations de GNL, ce qui semble très probable. Et le contrat à long terme de 15 ans signé par l’Allemagne avec le Qatar ne représente que 6% des volumes provenant de Russie en 2021…

Autre problème, les quantités importantes importées de Norvège et des Pays-Bas par gazoducs ne pourront pas rester longtemps au même niveau. La Norvège est devenue le principal fournisseur de gaz à l’Allemagne et a assuré 33% de ses besoins en triplant presque ses exportations l’an dernier. Oslo pense pouvoir maintenir ce niveau pendant quatre à cinq ans au plus car ses capacités de production vont se réduire. Et pour les Pays-Bas, la situation est encore plus compliquée. Les exportations ont aussi triplé en décembre dernier. Mais le gaz provient du gisement de Groningue qui doit fermer progressivement d’ici l’an prochain à cause des problèmes d’environnement qu’il crée, notamment de multiples mini-séismes.

Tenir grâce au charbon et au lignite

La météorologie ne sera pas forcément toujours aussi favorable. Les températures ont été en Allemagne en 2022 en moyenne supérieures de 1,1 degré Celsius à ce qu’elles étaient au cours des quatre années précédentes. Cela a permis de réduire la consommation de 14% selon BNetzA, le régulateur du réseau.

Enfin, le système énergétique allemand a tenu et tient grâce au recours massif au charbon et à la lignite qui permettent de produire plus d’un tiers de l’électricité du pays. Et cela n’est pas prêt de changer. Le gouvernement a prolongé l’utilisation des centrales au charbon mises en veilleuse jusqu’en mars 2024. L’Allemagne a remis en marche suffisamment de capacités de production électrique alimentées au charbon pour répondre aux besoins de 5 millions de foyers, selon les estimations de Bloomberg.

«L’Allemagne devra continuer à utiliser le charbon, avec des centrales électriques à pleine capacité», explique Klaus-Dieter Borchardt, expert en énergie de Baker McKenzie. Pour preuve, les affrontements qui se sont produits il y a quelques jours à Lützerath entre les forces de l’ordre et des militants écologistes opposés à l’extension de la mine de lignite à ciel ouvert de Garzweiler (voir la photographie ci-dessus), l’une des plus grandes d’Europe. Les militants ont été chassés. Les excavatrices sont en activité à Garzweiler depuis 2006 sur une superficie de presque 50 km2.

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