L’avenir du nucléaire français repose sur les nouveaux réacteurs qu’EDF va devoir commencer à construire rapidement. Il faudra absolument remplacer une partie des 56 réacteurs aujourd’hui en service depuis les années 1970 et 1980. Emmanuel Macron avec le zèle du nouveau converti à cette source d’énergie, qu’il n’avait cessé d’affaiblir pendant dix ans, a soudain annoncé en février 2022 la construction de trois paires d’EPR2 en France d’ici à 2050 et a demandé à EDF d’étudier l’implantation de huit autres. Une relance d’un programme nucléaire qu’il a encore confirmé lors de ses vœux du 31 décembre.
Dans l’EPR2, le plus important est le 2. Il signifie en fait une nouvelle génération de réacteurs permettant de surmonter les innombrables difficultés de construction des EPR. Il s’agit en fait des seuls réacteurs nucléaires dits de troisième génération en construction dans le monde et en service. Leur nom signifie EPR (Evolutionary Power Reactor), des réacteurs à eau pressurisée conçus à l’origine par Framatome et l’allemand Siemens dans les années 1990, après la catastrophe de Thernobyl, et qui doivent offrir toutes les garanties de sécurité. Des exigences encore renforcées après 2011 et l’accident de Fukushima au Japon. Mais la coopération franco-allemande a assez rapidement mal tourné, notamment avec la décision allemande d’abandonner le nucléaire, et la conception de l’EPR a été reprise tant bien que mal par les seules équipes d’Areva-Framatome.
Une complexité sans fin
Si la sécurité de ses réacteurs en fait sans doute les plus sûrs au monde, leur conception réalisée dans des conditions acrobatiques en a fait des équipements d’une telle complexité qu’ils sont presque impossibles à construire. Résultat, seuls les deux fabriqués en Chine à Taishan (voir la photographie ci-dessus) fonctionnent aujourd’hui, depuis 2018 et 2019, non d’ailleurs sans avoir rencontré des difficultés, et le prototype finlandais d’Olkiluoto commencé en 2005 n’a toujours pas fourni en continu du courant au réseau finlandais. Il devrait le faire dans le courant de l’année. Quant au chantier de celui fabriqué en France à Flamanville depuis 2007, c’est un désastre. Une succession de retards, de malfaçons, d’erreurs, de surcoûts…
En fait, de l’avis de bon nombre d’experts, la conception des EPR, dont les plans étaient réalisés à moins de 40% quand le chantier d’Olkiluoto a été lancé, pose de sérieux problèmes. Elle est trop compliquée, a été réalisée trop rapidement et est trop dépendante du savoir-faire des fournisseurs. En plus, les ajouts décidés au cours de la construction pour intégrer les exigences supplémentaires des autorités de sûreté pour tenir compte des enseignements de Fukushima ont rendu les choses encore plus ingérables.
EDF a réussi à persuader le gouvernement et l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) qu’il avait avec l’EPR2 corrigé les principaux problèmes de conception de l’EPR et que ce réacteur était aussi sûr et bien plus facile et moins coûteux à construire. Il aura la même puissance et le même cœur nucléaire, mais est conçu dès le début pour être fabriqué en série. Le mot d’ordre est standardisation.
On ne peut pas tout standardiser
En fait, EDF bien conscient des défauts de l’EPR travaille depuis 2014 avec sa filiale Framatome sur une version corrigée baptisée EPR-NM (Nouveau Modèle). Une coentreprise avec Framatome, Edvance, a été créée en 2017 pour mener plus efficacement les efforts d’optimisation de la construction et de la conception des EPR. Cela a permis, par exemple, de passer de 13.309 références de robinet sur un EPR à 571 pour un EPR2…, de 1.517 types de câbles à 14, de 214 modèles de portes à 91, de 836 gabarits de tuyauterie à 257, et de 800 modèles de pompes à 63. Tout ce qui est autour du réacteur a été revu et notamment les fameuses soudures. Elles seront robotisées et réalisées systématiquement, quand cela est possible, en usine et non plus sur le chantier, car bon nombre d’entre elles ont présenté des défauts inacceptables. Le nouveau design de l’EPR2 a été validé en juillet 2019 par l’ASN.
Maintenant, on ne peut pas tout standardiser sur un réacteur nucléaire. Le génie civil dépend de chaque emplacement choisi. Pour la première paire d’EPR qui doit être construite sur le site de la centrale nucléaire de Penly (Seine-Maritime), même si un emplacement était déjà bétonné pour accueillir deux nouveaux réacteurs, il va quand même falloir trancher une partie de la falaise pour obtenir l’espace nécessaire. Mais il faudra que les parlementaires aient voté la loi permettant le lancement du nouveau programme nucléaire. A l’heure actuelle, les textes en vigueur prévoient toujours l’arrêt définitif de 12 réacteurs supplémentaires après les deux de Fessenheim mis à la retraite en 2020 tout en étant parfaitement opérationnels…