Pour un certain nombre d’écologistes, le capitalisme est devenu l’ennemi à abattre. On trouve parmi eux des marxistes reconvertis qui ont trouvé soudain de nouveaux arguments contre le système haï. Le changement climatique serait ainsi imputable à un système politique et économique reposant sur la propriété privée des moyens de production… Autant ce replâtrage idéologique revanchard est douteux, autant la question de savoir si le succès devenu planétaire du capitalisme est compatible avec les ressources limitées de la terre est légitime. Notre planète ne peut raisonnablement et durablement offrir le mode de vie occidental actuel a plus de 7 milliards d’êtres humains et bientôt 10 milliards à la fin du siècle.
L’économie de marché est à l’origine depuis trois siècles des plus grands progrès matériels de l’humanité. Caractérisé par l’investissement et l’innovation technique, la recherche de la productivité et du profit, le capitalisme a sorti la majeure partie de l’humanité de la misère crasse et de l’ignorance. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de multiples horreurs commises au nom de sa logique.
Pas d’écologie efficace sans réduction de la pauvreté et sans développement
Et cette logique du toujours plus consomme trop d’énergie et de ressources naturelles qui ne sont pas valorisées à leur juste prix. La critique la plus vive se fait aujourd’hui à l’encontre de la mondialisation et plus encore de son corollaire le libre-échange. Le constat de Nicolas Hulot est sans appel: «le libre-échange est à l’origine de tous les problème climatiques».
A moins qu’une fois encore les adversaires du capitalisme se trompent lourdement et sous-estiment sa capacité d’adaptation et son potentiel technologique et financier qui pourraient être tout simplement indispensable pour réussir la transition énergétique. Ils oublient que le capitalisme est tout sauf un conservatisme. Qu’il s’agit d’un «ouragan perpétuel de destruction créatrice» pour reprendre la formule de Schumpeter, qui peut être mis au service d’un changement de mode de développement et de technologies. Ils négligent aussi le fait que la majeure partie de l’humanité n’acceptera pas d’être frustrée de plus de bien-être matériel et qu’il faut la puissance d’innovation du capitalisme pour lui apporter cela dans des conditions qui ne soient pas destructrices de l’environnement du climat.
C’est en tout cas la thèse de l’économiste et historien Nicolas Baverez dans son dernier éditorial dans Le Point. Pour lui, non seulement le libre-échange n’est pas l’ennemi de l’écologie, mais il est même indispensable pour changer radicalement la façon d’utiliser et d’optimiser les ressources de la planète. «Le contresens est complet, témoignant de la dérive idéologique d’une partie des écologistes, qui confondent la lutte contre le réchauffement climatique avec la critique radicale de l’économie de marché et l’antilibéralisme». Il ajoute que «la lutte contre le réchauffement ne peut réussir sans une réduction de la pauvreté et sans une action concertée des Etats. Or les traités de commerce en sont la clé de voûte…».
Trump nie le réchauffement et s’en prend au libre-échange
Pour lui, la condamnation des échanges de biens et de services est absurde d’un point de vue économique, social et écologique. «C’est la production qui génère les deux tiers des émissions de carbone, alors que le transport maritime, qui assure 80% des échanges de marchandises, n’occupe qu’une place marginale.» Le transport maritime représente aujourd’hui environ 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Si Nicolas Hulot demande aux députés dans une lettre ouverte publiée lundi 22 juillet d’avoir «le courage de dire non» au CETA, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, Nicolas Baverez soutient que ce traité tout comme celui avec le Mercosur (Amérique Latine) sont au contraire indispensables à la transition énergique. Ils sont pour lui exemplaires «des traités de commerce du XXIe siècle, qui ne portent pas seulement sur les droits de douane ou les obstacles tarifaires et non tarifaires, mais qui intègrent pleinement la régulation, donc les normes sociales, sanitaires et environnementales. Loin de s’opposer à la protection de l’environnement, ces traités deviennent donc des pièces essentielles de la transition écologique.»
Nicolas Baverez estime que «les échanges de biens et de services sont indispensables pour équiper les pays émergents en moyens de production d’énergie, de mobilité et de production durable…qu’il n’y a pas de meilleur instrument [que le libre-échange] pour généraliser, aujourd’hui, les clauses environnementales et, demain, la tarification du carbone, qui reste l’arme fatale contre le réchauffement climatique». Enfin, «seules la mobilisation des marchés financiers et la liberté des mouvements de capitaux peuvent permettre de mobiliser les 30 000 milliards de dollars requis d’ici à 2030 pour financer la transition écologique.
Nicolas Baverez conclut en faisant remarquer que le plus grand adversaire aujourd’hui dans le monde du libre-échange et le plus grand négateur du réchauffement climatique sont une seule et même personne: Donald Trump.