A l’heure où les économies d’énergies sont sur toutes les lèvres, nos communes ne font pas exception. Contrairement aux ménages, les collectivités locales ne sont pas couvertes par le «bouclier tarifaire» et subissent de plein fouet l’augmentation des tarifs de l’électricité. La question est donc souvent assez facile à trancher: l’éclairage public est une dépense moins prioritaire que d’autres. Mais réduire la facture n’est pas la seule raison qui pousse les communes à faire ce choix.
Ainsi, il faut noter que 40% des communes n’ont pas attendu la crise énergétique actuelle pour se diriger vers des nuits étoilées. Car oui, c’est bien la première raison qui pousse à ne pas allumer ses lampadaires à des heures où leur utilité est très discutable.
Une tendance de fond
C’est durant la crise du Covid et en particulier durant le confinement que cette petite révolution a eu lieu dans un grand nombre de communes. En effet, à un moment où sortir était déjà presque interdit la journée, la circulation la nuit était devenue quasi inexistante. Dès lors, l’éclairage des rues et des routes n’avait plus aucune utilité.
Mais quand on interroge les élus municipaux ayant fait ce choix à ce moment-là, la première raison qui revient est celle de la biodiversité. Car, et c’est encore trop peu connu, la multiplication des points lumineux a un impact non négligeable sur la biodiversité.
L’illumination de la nature a ainsi des conséquences à la fois sur le rythme biologique de la faune, et, par conséquent, sur son comportement et sur les réponses à ses besoins physiologiques.
Perturbations des écosystèmes
A titre d’exemple, il est ainsi désormais documenté que certaines espèces nocturnes fuient les zones éclairées. Celles-ci les rendent plus visibles, et donc plus exposés à leurs prédateurs. A l’inverse, la lumière va avoir tendance à attirer et à désorienter d’autres espèces.
Ces perturbations de l’écosystème sont, et c’est aujourd’hui prouvé, partiellement à l’origine de la perte de biodiversité dans nos zones urbaines et péri-urbaines, à commencer par la disparition progressive de certaines espèces d’oiseaux.
Mais l’homme ne fait pas exception. De nature diurne, l’humain possède lui aussi un rythme physiologique calquée sur le cycle du soleil et de la lumière. Une étude publiée dans la revue à comité de relecture «Journal of clinical sleep medicine» et menée par une équipe de l’université de Séoul, a ainsi étudié les dossiers médicaux de 52.000 adultes durant 11 années. Les résultats de cette analyse rétrospective montrent une association significative entre la présence d’éclairage nocturne sur le lieu d’habitation et la prise de somnifères.
La question de la sécurité et du sentiment de sécurité
Impact sur la biodiversité, impact sur la santé humaine, impact sur la facture énergétique… Tout semble donc aller vers une extinction d’un maximum de points lumineux. Et pourtant, il se trouve un grand nombre de réfractaires, autant chez les élus que chez les habitants.
La principale raison est très simple: l’intensité lumineuse est directement associée au sentiment de sécurité dans la rue par beaucoup de gens. Bien qu’aucune étude ne valide cette corrélation (mais aucune ne l’invalide non plus), elle a été profondément intégrée par une grande partie de la population.
Il y a donc beaucoup à parier que cette question reviendra à de nombreuses reprises dans les débats publics locaux, et vraisemblablement de plus en plus à l’approche des futures élections municipales.
Bien qu’il n’existe surement pas de réponses valables pour toutes les communes, et même, au sein d’une commune, pour tous les quartiers, il est donc vraisemblablement possible d’associer la sobriété énergétique qui s’impose à nous cette année et l’amélioration de la qualité de vie.
Et, peut-être, retrouver progressivement un ciel étoilé que beaucoup n’ont pas vu depuis des années.
Philippe Thomazo