Le méthane est le deuxième plus important gaz à effet de serre derrière le CO2. Mais à quantité égale, il a bien plus d’impact sur le climat. Il est 28 fois plus réchauffant que le CO2 sur une période de cent ans. Voilà pourquoi les scientifiques cherchent à comprendre pourquoi le niveau de méthane augmente rapidement dans l’atmosphère.
Des chercheurs ont ainsi fait une découverte surprenante. Une partie du méthane se trouvant dans l’atmosphère proviendrait des arbres et plus particulièrement des forêts humides équatoriales. Cela signifie que si les arbres stockent du carbone et ont ainsi un impact favorable en terme de CO2, ils ont en revanche un impact défavorable pour ce qui est du méthane. Cela pourrait même amener à revoir certaines stratégies de reforestation.
Il y a encore trois ans personne ne comprenait vraiment d’où venaient les grandes quantités de méthane émanant des forêts équatoriales que les satellites observaient. Pas moins de 20 millions de tonnes de la seule Amazonie dont on ne connaissait pas l’origine. Jusqu’à ce que Sunitha Pangala, une chercheuse britannique de l’Open University, passe deux mois le long de l’Amazone avec un important matériel et prenne des mesures sur des milliers d’arbres. Elle a trouvé que les arbres, plus particulièrement dans les forêts les plus inondées, stimulaient la production de méthane dans les sols gorgés d’eau. Elle a ainsi découvert une source majeure du deuxième plus important gaz à effet de serre. «Il semble aujourd’hui très probable que la plupart des trois mille milliards d’arbres présents sur terre émettent du méthane au moins une partie du temps», écrit le magazine en ligne Yale Environment 360.
La revue précise tout de suite les limites de la découverte. Il ne s’agit pas de dire que les arbres sont un problème pour le climat. Dans la plupart des cas, leur capacité de stockage du carbone dépasse largement leurs émissions de méthane. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas chercher à comprendre la chimie complexe des arbres et du méthane.
Censure idéologique
Les scientifiques spécialistes des forêts ont longtemps amusé leurs étudiants en faisant des trous dans l’écorce des arbres et en mettant le feu aux différents gaz émanant du tronc… surtout du méthane. Mais pour de bonnes et de mauvaises raisons, il y a eu peu de recherches sur le sujet. Personne ne voulait savoir que les arbres n’étaient peut-être pas aussi bénéfiques pour le climat qu’on voudrait le croire. Les scientifiques spécialistes du climat affirmaient d’ailleurs que les forêts absorbaient du méthane plutôt qu’elles en émettaient…
Et il a fallu vaincre de nombreuses résistances… pour que l’idéologie laisse la place à la science. Quand Sunitha Pangala a réalisé ses premières mesures d’arbres émettant du méthane dans les marais de Bornéo, il lui a fallu 18 mois pour que ses recherches soient enfin publiées. «Nous avons été rejetés par plusieurs revues. Ils n’étaient tout simplement pas intéressés», explique-t-elle à Yale Environment 360.
«Nous avons trouvé une histoire cohérente. Les arbres émettent beaucoup de méthane. Dans la partie de l’Amazonie inondée pendant la saison des pluies, les arbres deviennent d’immenses cheminées qui pompent le méthane. Les émissions d’un seul arbre étaient 200 fois plus importantes que tout ce qui avait été mesuré auparavant ailleurs. Ce n’est pas anodin. Chaque hectare de forêt inondé émettait plusieurs kilos de méthane par jour. Les découvertes sur le terrain ont amené à doubler les estimations d’émissions de méthane par l’Amazonie à environ 40 millions de tonnes par an. Les arbres émettent autant de méthane que l’ensemble de l’écosystème de la toundra dans l’arctique dont le permafrost contient d’importantes quantités de gaz», déclare Sunitha Pangala.
Sa découverte a totalement changé la compréhension de l’origine du méthane et de l’interaction des arbres avec l’atmosphère. Le méthane provient à la fois de l’activité humaine (l’agriculture, les exploitations de mines et de champs de gaz, l’élevage) et de la nature (l’activité microbienne dans les zones humides, les termites et donc les arbres).
Choisir les «meilleurs» arbres
Comme le méthane ne reste dans l’atmosphère qu’une dizaine d’années contrairement au CO2 qui met des siècles avant de disparaitre, il est plus facile d’avoir un impact rapide avec le méthane sur le climat. Cela ne veut surtout pas dire que couper les arbres refroidira la planète. Mais il faut maintenant bien mesurer l’importance du phénomène.
Les émissions de méthane les plus intenses par les arbres proviennent des forêts tropicales humides, mais les arbres des autres régions du monde ne peuvent être ignorés. Les températures sont trop basses pour qu’ils émettent autant de méthane que dans les zones tropicales, mais ils en émettent, au moins de temps à autre.
La conclusion pour le moment est que tous les arbres ou presque peuvent émettre du méthane. Que les forêts ne sont pas seulement des réserves de carbone. Et que si les arbres sont rarement une mauvaise chose pour le climat, «clairement certains sont meilleurs que d’autres» souligne Sunitha Pangala. Et si le monde est engagé dans un grand programme de reforestation pour lutter contre le changement climatique, autant choisir les arbres qui émettent peu de méthane dans l’atmosphère…