Mener la transition énergétique dans les transports est une tâche bien plus difficile encore que dans la production d’électricité. C’est particulièrement le cas pour les transports lourds et sur longues distances pour lesquels la motorisation électrique avec batteries ne fait aucun sens. Le seul carburant de substitution véritablement décarboné et capable de remplacer à grande échelle le gazole est l’hydrogène vert, c’est-à-dire fabriqué par électrolyse avec de l’électricité décarbonée, éolienne, solaire, hydraulique ou nucléaire.
Une fois stocké sous forme liquide ou gazeuse comprimée, il permet, combiné avec de l’oxygène et via une pile à combustible, de fabriquer de l’électricité et d’alimenter des moteurs électriques. Le rendement énergétique est médiocre et seul 30% de l’électricité initiale utilisée pour produire l’hydrogène sert finalement à faire fonctionner les moteurs. Mais il n’y a pas aujourd’hui d’autre solution. Et il ne faut pas perdre de vue que l’électricité comme l’hydrogène ne sont pas des sources d’énergie, mais des vecteurs d’énergie. Il faut les produire et cela consomme de l’énergie.
En tout cas, on commence à voir apparaitre cette technologie à une échelle réellement industrielle dans le transport ferroviaire. Il faut dire que remplacer dans toute l’Europe, sur les lignes ferroviaires non électrifiées, les motrices diesel par des locomotives à pile à combustible et à hydrogène représente un marché considérable. Et le Français Alstom l’a compris avant tout ses concurrents.
Testé depuis 2018 en Allemagne
Pour donner un ordre d’idée, sur les seuls 30.000 kilomètres de voies ferrées françaises, environ la moitié n’est pas électrifiée et l’investissement pour le faire ne peut pas être rentabilisé.
Mais le pays le plus en pointe dans le passage aux trains à hydrogène n’est pas la France mais l’Allemagne. Elle a testé intensivement la rame d’Alstom entre 2018 et 2020 avant de l’adopter.
Le Coradia iLint, c’est le nom du train, est d’ailleurs entré en service commercial depuis la fin du mois d’août dans le nord-ouest du pays. Et il a parcouru la semaine dernière une distance record de 1.175 kilomètres avec un seul plein, un brevet d’autonomie qui en fait une vraie alternative au diesel.. Le groupe avait annoncé une autonomie de 1.000 kilomètres lors de la présentation du modèle.
Le train de série de la Landesnahverkehrsgesellschaft Niedersachsen (LNVG) a parcouru cette distance sans ravitaillement entre Bremervörde (nord-ouest) et Munich (sud). Il doit continuer son trajet jusqu’à Berlin, pour être la vedette du salon InnoTrans 2022, cinq ans après y avoir été présenté pour la première fois. Alstom s’est associé avec le groupe américano-allemand Linde pour la fourniture en hydrogène.
«Grâce à ce voyage, nous avons apporté une nouvelle fois la preuve que nos trains à hydrogène ont toutes les caractéristiques requises pour remplacer les trains diesel», a affirmé le Pdg du constructeur français, Henri Poupart-Lafarge.
L’Allemagne est de loin le plus gros client de l’entreprise française pour les trains à hydrogène. La Basse-Saxe a commandé 14 Coradia iLint et la région de Francfort en a commandé 27. L’Italie a commandé 6 trains en cours de fabrication.
La chaîne de traction du Coradia iLint a été conçue en France, à Tarbes pour une utilisation sur des lignes non électrifiées. Le train circule pour la LNVG à une vitesse de 80 à 120 km/h et peut atteindre jusqu’à 140 km/h.
Pas avant 2025 en France
La France n’est pas prête de faire circuler un train à hydrogène en service commercial. Un Coradia iLint a juste été testé pendant une semaine dans le Nord en 2021. Un autre modèle, le Coradia Polyvalent, a été choisi par les régions françaises et a la particularité d’être bi-mode, électrique et hydrogène. Il doit entrer en service en 2025
Si Alstom est le pionnier en Europe des trains régionaux à hydrogène, il ne compte pas s’arrêter là. Le groupe ferroviaire s’est allié à Engie pour développer des locomotives à hydrogène puissantes permettant de tracter des trains de marchandises et les infrastructures permettant de les faire fonctionner. L’objectif est annoncé clairement «tuer le diesel» et décarboner totalement le transport ferroviaire.
Mais Alstom n’est plus tout seul sur le marché. L’Allemand Siemens tente de rattraper son retard et a présenté il y a quelques mois une motrice développée avec l’opérateur ferroviaire Deutsche Bahn. Elle doit entrer en service en 2024. Le véhicule propulsé par une pile à combustible alimentée via une ou plusieurs remorques mobiles de stockage d’hydrogène.